La contestation reprend en Iran
L Le Khouzestan, qui abrite les principaux gisements de pétrole iranien, est frappé depuis fin mars par une sécheresse ayant entraîné des manifestations dans plusieurs villes de la province, où au moins trois personnes ont été tuées depuis la semaine dern
Le guide suprême iranien Ali Khamenei a exhorté hier les manifestants protestant dans le sud-ouest de l’Iran en raison d’une pénurie d’eau à ne pas faire le jeu des «ennemis» du pays qui pourraient, selon lui, profiter de la situation.
«Les gens ont exprimé leur mécontentement et en aucun cas nous ne pouvons le leur reprocher», a déclaré l’ayatollah Ali Khamenei, reconnaissant que «le problème de l’eau n’est pas petit, notamment avec le climat chaud du Khouzestan.» Mais «l’ennemi cherche à tout utiliser contre la Révolution, le pays et les intérêts du peuple, il faut donc veiller à ne pas lui donner un prétexte», a-t-il ajouté à l’adresse des habitants de la province, selon un communiqué publié sur son site internet. Ces manifestations durent depuis la semaine dernière.
Le Khouzestan, qui abrite les principaux gisements de pétrole iranien, est frappé depuis fin mars par une sécheresse ayant entraîné des manifestations dans plusieurs villes de la province. Ces derniers jours, des médias émettant en persan depuis l’étranger ont fait état de manifestations réprimées par les forces de l’ordre, alors que les médias locaux se montraient dans un premier temps plutôt silencieux sur le sujet.
Selon Iribnews, le site internet de la télévision d’Etat, une personne a été tuée et deux autres blessées par balle jeudi dans la soirée, lors d’«émeutes» dans la province occidentale voisine de Lorestan, déclenchées «sous prétexte des problèmes d’eau au Khouzestan». C’est la première fois que des médias locaux parlent de manifestations ou de victimes hors du Khouzestan, depuis le début des tensions dans cette province.
Jeudi, le président iranien, Hassan Rohani, avait déclaré selon l’AFP que les habitants du Khouzestan avaient «le droit» de «s’exprimer», et «même de descendre dans la rue dans le cadre de la réglementation». La population de la province, qui compte une importante minorité arabe, se plaint régulièrement d’être laissée-pour-compte par les autorités. Le Khouzestan avait été l’un des points chauds de la vague de contestation, violemment réprimée, contre le pouvoir en novembre 2019.
Des groupes de défense des droits de l’homme ont dénoncé hier un usage illégal et excessif par l’Iran de la force pour réprimer ces manifestations. L’ONG Amnesty International affirme ainsi avoir la confirmation de la mort d’au moins huit manifestants et passants dont un adolescent, Hadi Bahmani, tué dans la ville d’Izeh, les autorités ayant eu recours à des balles réelles pour contenir les protestations. Selon des médias et responsables iraniens, au moins trois personnes ont été tuées, dont un policier et un manifestant, du fait d’«opportunistes» et d’«émeutiers» ayant tiré sur les manifestants et les forces de sécurité. «Les forces de sécurité iraniennes ont déployé une force illégale, notamment en tirant à balles réelles (...) pour écraser des manifestations pour la plupart pacifiques», a déclaré Amnesty International.
L’analyse des séquences vidéo des manifestations et les récits de témoins oculaires «indiquent que les forces de sécurité ont utilisé des armes automatiques mortelles, des fusils de chasse dont les munitions sont par nature aveugles, ainsi que des gaz lacrymogènes», a-t-elle ajouté.
Dans un communiqué séparé, Human Rights Watch estime également que les autorités iraniennes semblent avoir «fait un usage excessif de la force contre les manifestants», appelant le gouvernement à «enquêter de manière transparente» sur les décès signalés. «Les autorités iraniennes ont un bilan très troublant en matière de réponse par balles aux manifestants frustrés par les difficultés économiques croissantes et la détérioration des conditions de vie», a déclaré Tara Sepehri Far, chercheuse de HRW sur l’Iran.