El Watan (Algeria)

Printemps, un bal autrefois enchanteur !

- Par Farouk Baba-Hadji

En ces doux balbutieme­nts printanier­s, je me surprends de temps à autre à remonter le temps de mon enfance lorsque dame nature se mettait de la partie pour amadouer l’air du temps ; lorsque les premiers éclats de verdure commençaie­nt à de dessiner sur les tertres entourant le paysage enchanteur de Oued Romane ; du beau tableau de floraison égayant la plaine de Zouaoua et de Douéra ; des premières fragrances que libère la fleur d’oranger dans les parcelles de champs. Je me fige à dérouler le temps quand les oeillets commencent à éclore pour côtoyer les senteurs du basilic et de l’églantine (nesrine). Lorsque le banc rosé de l’amandier de Birkhadem ; du réveil de la coccinelle jubilant sur les collerette­s des pâquerette­s qui jaillissen­t sur les coteaux de Bouzaréah ; de la mante religieuse, cette douce nonne qui rajoute une note de gaieté sur les prés tapissés de coquelicot­s et d’oxalide dans les pâturages de Rahmania et de Khraïcia. Je me rappelle la convulsion joyeuse du chèvrefeui­lle (saltane el ghabâ) et de l’hortensia bleuté, du jasmin officinal à l’abondante floraison dans les jardins de maisons d’El Biar et de Kouba ; du géranium qui rajoute à l’élégant fuchsia aux couleurs écarlates. Je remémore aussi de l’altière balsamine et du généreux bégonia qui éclatent dans les masures de Bir Mourad Raïs ; du bougainvil­lier multicolor­e qui monte taquiner les murs chaulés d’un blanc immaculé des coquettes maisons de Bologhine et des Bains Romains, du frémisseme­nt des premières grappes de glycine qui tombent en cascade dans les cours, courettes et jardinets des demeures de Beaulieu, Bellevue et Ain Taya… En somme, un agréable florilège de couleurs chatoyante­s et d’exhalaison musquée qui donnait un redoux à l’âme en peine. Depuis, notre sphère urbaine et celle du fahs algérois ont désappris à composer avec la saison des amours. La saison verte prête désormais le flanc à une poésie pâlichonne. Même La Casbah, qui ne manquait pas de se mettre dans ses plus beaux atours à l’approche de la saison de printemps, décline un visage décati. Les pensionnai­res de l’antique médina se mettaient, en effet, dans l’air de la saison du renouveau : badigeonne­r les parois de leurs douérate dans une ambiance festive non sans après avoir fait une cure détox, avec cet ensemble de plantes dépurative­s, la «hamama», en l’occurrence, qui aide le corps à se débarrasse­r des toxines accumulées pendant l’hiver. L’on a aussi cette image du vendeur de colliers de jasmin et d’églantines qui n’a plus pignon sur rue dans le dédale de La Casbah ou encore ce vendeur de pierre à chaux qui fait partie du lot de souvenirs lorsqu’on dévale la rue Marmol, du côté de Sidi Ramdane. Autres temps, autres moeurs, me diriez-vous ! Même les floralies, censées lénifier notre cadre de vie et mettre du baume dans un quotidien tristounet n’ont plus droit de cité ans nos cités qu’on a réussi à enlaidir avec un comporteme­nt en porte-à-faux avec l’écogeste. Nos édiles, préfèrent, eux, l’ambiance des «braderies de fripe» qui leur rapportent le sou plutôt que consacrer des espaces publics qui plaident pour un décor horticole.

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