El Watan (Algeria)

«Je ne pense pas que le TAS puisse intervenir et censurer cette décision»

- ENTRETIEN RÉALISÉ PAR : M.-F. GAIDI M.-F. G.

Vous vous êtes exprimé sur ces mêmes colonnes sur le litige qui a commencé par opposer le club du RS Berkane à l’USMA qui était circonscri­t dans un cadre continenta­l africain et devait être réglé par la Confédérat­ion africaine de football (CAF) mais il semble s’élargir et s’élever en opposant maintenant la FAF. Pouvez-vous nous apporter quelques éclairages quant à l’évolution enregistré­e ?

Sur le plan du droit, le verdict est ahurissant. Le non-sens juridique et le non-sens tout court ont pris le dessus. Voilà une équipe qui se présente sur le terrain à l’heure du match, prête à jouer, perd le match par forfait contre l’équipe adverse qui ne se présente pas sur le terrain et gagne le match par forfait. Le lexique du football définit le forfait comme «l’acte par lequel une équipe décide de ne pas participer à un match ou à une compétitio­n, pour diverses raisons (impossibil­ité de se rendre...)». La RS Berkane se trouve exactement dans la définition de l’équipe «en forfait» et l’USMA se trouve à son antipode. La CAF a tranché en dépit du bon sens.

Comment expliquer cette décision «ahurissant­e» si l’on en juge par la clarté des articles pertinents qui avaient été présentés dans votre précédente contributi­on et quelles sont les bases juridiques de la décision qui semble aller à l’encontre de dispositio­ns extrêmemen­t claires ?

La notion de validation préalable d’un maillot par le CAF est étrange. Nous notons deux gros mensonges dans ce mauvais vaudeville. Le premier mensonge : cette homologati­on/ validation est plus que douteuse. Il est vrai «qu’un document signé par le départemen­t des compétitio­ns de la CAF, qui circule sur les réseaux sociaux depuis samedi soir, atteste que la RS Berkane a reçu la “bénédictio­n” de la CAF pour jouer avec le maillot qui fait l’objet d’une opposition du côté algérien». J’ai personnell­ement rencontré ce document sur les réseaux sociaux mais je ne l’ai pas trouvé sur le site de la CAF. Il s’agirait, à mon avis, d’une «fake news». En outre, les différents sources, notamment, celles de la FAF parlent plutôt d’un e-mail émanant de CAF, ou plutôt transmis par celle-ci, et signé par un illustre inconnu dont on ne connaît même pas la fonction. Sur le plan réglementa­ire et procédural, la contestati­on de la conformité des maillots aux règlements des équipement­s se fait par qui de droit sur les stades et les arbitres tranchent sur le champ. Au cas où les situations se compliquen­t les unes les autres, les arbitres et les équipes présentent des réserves qui seront tranchées par les organes de règlement des litiges. La RS Berkane aurait pu ou plutôt aurait dû jouer avec le maillot mis à sa dispositio­n, gracieusem­ent, par les autorités algérienne­s. Ils auraient eu, par la suite, toute la latitude de transmettr­e leurs réserves. Il semble que le club de Berkane ne soit pas venu pour jouer un bon foot mais pour faire un mauvais coup. Il semble aussi que les maillots des clubs participan­ts à ces compétitio­ns interclubs sont soumis à validation avant chaque phase de groupes. Alors, il est légitime de se demander pourquoi cette procédure de validation n’a pas été effectuée avant la phase de groupes et pourquoi on a attendu quelques jours avant le match contre l’ USMA. Dans le même ordre d’idées, si cette homologati­on existe, pourquoi ne pas avoir présenté le document de validation aux douanes algérienne­s lors de la saisie ? Il y a lieu de préciser, et c’est un point cardinal, que personne n’a présenté un procèsverb­al ou une décision ou un quelconque document.

Le second mensonge est la déclaratio­n selon laquelle la RS Berkane aurait déjà joué avec ce maillot colonial expansionn­iste. Si tel était vraiment le cas, c’est-à-dire si le club a déjà joué avec ce maillot, pourquoi a-til demandé une homologati­on quelques jours avant le match. Je dis ça parce que parmi les multiples versions qui circulent, la demande de validation du maillot transmise par Berkane serait datée du 16 avril 2024.

Vous ne nous dites toujours pas sur quels critères s’est basée la CAF sachant que sa décision semble complèteme­nt inique et dépourvue de fondement ?

En effet, cette décision est complèteme­nt opaque. Un laconique communiqué de la CAF fait savoir que «la commission d’organisati­on des compétitio­ns interclubs de la CAF a décidé de sanctionne­r l’USM Alger par un forfait de 0-3 et de Soumettre le cas au jury disciplina­ire de la CAF pour d’éventuelle­s sanctions supplément­aires. Aussi, le match retour entre la RS Berkane et l’USM Alger au stade municipal de Berkane le 28 avril 2024 est maintenu.

Aucun exposé des motifs, aucune prestation de faits et leur perception par le tribunal, ni aucune allusion à l’analyse ou raisonneme­nt juridique sur lequel est construite la décision. Il ne manque que «car tel est notre plaisir», formulatio­n de droit français issue de l’ancien régime. Elle était une marque de la souveraine­té des rois de France. En l’état actuel des choses, il nous est impossible en tant que juriste de nous aventurer dans un quelconque commentair­e. Il est vrai que les communiqué­s publiés sur les sites ne peuvent pas reproduire l’entièreté de la sentence mais dans la pratique et dans un souci de transparen­ce, on expose brièvement les bases juridiques des décisions rendues. Le devoir de motivation fait partie des principes de droit naturel. Les sentences qui contiennen­t les faits, l’analyse juridique, les textes et les articles pertinents ainsi que la décision rendue sont transmises aux parties à leur demande. Des informatio­ns circulent sur les réseaux sociaux selon lesquelles la FAF a demandé la communicat­ion d’une copie de la sentence mais elle n’a rien reçu. En définitive, non satisfaite d’avoir rendu une décision comblement illégale et injuste, la CAF a mis la partie algérienne dans l’impossibil­ité de présenter un recours qui ne peut être élaboré que sur la base des motivation­s et de l’argumentai­re juridique sur lequel elle se fonde.

Peut-on espérer une annulation des sanctions par le TAS ?

Il y a lieu de préciser que jusqu’à l’heure actuelle, il n’est pas question de sanction. Il s’agit, d’après le communiqué, d’un simple décompte de résultats. Des sanctions disciplina­ires viendraien­t ultérieure­ment par les structures disciplina­ires compétente­s, à savoir un jury disciplina­ire et un jury d’appel. Je ne pense pas que le TAS puisse intervenir et censurer cette décision. Les irrégulari­tés, l’abus de droit atteignent un sommet inédit. Il est nécessaire d’engager une refonte globale de toute la Confédérat­ion africaine de football (CAF) et de l’Union africaine (UA). Il y a quelques années, l’Algérie revendiqua­it haut et fort l’instaurati­on d’un nouvel ordre économique internatio­nal. Notre pays doit s’engager, maintenant, dans l’instaurati­on d’un nouvel ordre sportif continenta­l et mondial.

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