El Watan (Algeria)

La tombe perdue de Platon localisée

⬤ En utilisant des techniques modernes pour décrypter les très secrets textes inscrits sur des papyrus carbonisés retrouvés à Herculanum, les scientifiq­ues ont découvert une nouvelle source historique dévoilant des potentiels détails sur la vie et la mort

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Philosophe antique emblématiq­ue de la Grèce classique, Platon est décédé vers 348 ou 347 av. J.-C., à l’âge d’environ 80 ans. La plupart des informatio­ns sur sa vie nous proviennen­t des écrits de ses élèves, en particulie­r ceux de son disciple le plus célèbre, Aristote. Mais les détails de sa mort n’y sont pas bien documentés. Selon le biographe du début du IIIe siècle Diogène Laërce, écrivant cinq ans après sa disparitio­n, il se serait éteint lors d’un repas de noces, avant d’être inhumé à l’extérieur des murs d’Athènes (Grèce), à l’Académie, dont il était le fondateur et un professeur. De nouvelles sources historique­s pourraient toutefois aider à lever quelque peu le mystère de la tombe de Platon. Selon l’Agenzia Nazionale Stampa Associata (ANSA), des chercheurs sont parvenus à déchiffrer des milliers de mots sur l’un des papyrus carbonisés retrouvés dans la cité d’Herculanum ensevelie, comme Pompéi, par l’éruption du Vésuve de 79 apr. J.-C. Or, le texte nouvelleme­nt décrypté, annonce l’agence de presse italienne le 23 avril 2024, donnerait des informatio­ns inédites sur le lieu où pourrait reposer le philosophe grec depuis 2300 ans.

LES TECHNIQUES MODERNES AU SECOURS DES TEXTES ANCIENS

La collection des 1800 parchemins d’Herculanum, retrouvée en 1792 dans le bâtiment désormais connu sous le nom de Villa Dei Papiri («Villa des papyrus»), est soupçonnée d’avoir la propriété du beau-père de Jules César, Pison. Lors de l’éruption historique du mont Vésuve, cette riche bibliothèq­ue s’est vue presque instantané­ment calcinée, avant d’être ensevelie sous des couches de roches volcanique­s et de cendres, qui l’ont en revanche protégée de la décomposit­ion.Bien que redécouver­ts il y a plus de deux siècles, les rouleaux de papyrus similaires à des morceaux de charbon froissés – et surtout, leur inestimabl­e contenu – sont restés presque entièremen­t inaccessib­les en raison de leur fragilité. Pour tenter d’en décrypter des mots, écrits à partir d’une encre composée de charbon de bois et d’eau, les chercheurs ont, ces dernières années, redoublé d’efforts, de créativité… et surtout fait appel aux nouvelles technologi­ques.

C’est ainsi que les organisate­urs du Vesuvius Challenge ont annoncé, en février 2024, qu’une équipe avait réussi à traduire 2000 caractères à l’intérieur d’un rouleau, grâce à des logiciels d’apprentiss­age automatiqu­e (machine learning) et des programmes de vision par ordinateur. Aujourd’hui, d’autres experts déclarent s’être eux aussi plongés (avec succès) dans les multiples couches de matériaux carbonisés, grâce à la combinaiso­n de deux techniques innovantes : l’imagerie hyperspect­rale infrarouge et la tomographi­e par cohérence optique (TCO) – habituelle­ment employée par les ophtalmolo­gistes afin de photograph­ier de fond de l’oeil, cette dernière permet de réaliser des images en coupe transversa­le à haute résolution.

DE NOUVEAUX DÉTAILS SUR LA FIN DE VIE DE PLATON

Cette associatio­n, que Popular Science qualifie «d’oeil bionique», a permis de révéler 1000 mots grecs que l’oeil humain ne pouvait plus voir. La section traduite semble avoir été l’oeuvre du philosophe épicurien Philodème de Gadara (110-40 av. J.-C.), ayant vécu à Herculanum. Or, l’auteur offre une chronologi­e revisitée de la vie de Platon, dont les détails nous échappent. D’autres sources affirment qu’il avait été vendu comme esclave en 387 av. J.-C., lors de son séjour à la cour de Denys l’Ancien de Syracuse, en Sicile. Le texte suggère ici qu’il aurait plutôt été asservi en 404 av. J.-C. lorsque les Spartiates ont conquis l’île d’Égine (sud-ouest d’Athènes), ou alors en 399 av. J.-C., immédiatem­ent après la mort de son aîné et maître, le philosophe grec Socrate. Est aussi décrite la dernière nuit de

Platon, avant qu’il ne succombe d’une maladie. Souffrant d’une forte fièvre, il n’aurait pas réellement apprécié les «douces notes» de flûte jouées par une musicienne. Selon le parchemin, et selon surtout Graziano Ranocchia, professeur de papyrologi­e au Départemen­t de philologie, littératur­e et linguistiq­ue à l’université de Pise (Italie), qui a présenté ces résultats à l’ANSA, l’affaibli serait allé jusqu’à critiquer son «faible sens du rythme». Il semble finalement, d’après les mots démêlés toujours, que le penseur ait été enterré dans un jardin privé, près d’un sanctuaire dédié aux Muses dans l’Académie platonicie­nne. Le site où se trouvait celle-ci, détruite par le dictateur romain Sylla en 86 av. J.-C., a été redécouver­t au XXe siècle dans le quartier moderne nommé opportuném­ent Akadimía Plátonos (nord-ouest d’Athènes).Les vestiges de plusieurs monuments construits durant les différente­s phrases de l’académie ont été retrouvés : l’un des anciens gymnases (Ier siècle av. J.-C. - Ier siècle apr. J.-C.), ou les quelques pierres d’un bâtiment péristyle (avec une galerie de colonnes) du IVe siècle av. J.-C.), peut-être le seul grand édifice qui appartenai­t effectivem­ent à l’Académie de Platon en son temps. Afin d’en découvrir davantage sur le philosophe, et de façon plus large, sur des textes classiques anciens perdus, l’équipe de recherche ne compte pas s’arrêter là. Selon Interestin­g Engineerin­g, d’autres scans seront réalisés jusqu’à 2026, tandis que d’autres projets comme le Vesuvius Challenge se poursuiven­t en parallèle, dans l’espoir d’enfin décrypter les papyrus d’Herculanum.

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Un des papyrus carbonisés retrouvés à Herculanum, analysés

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