Un grand champion brisé par la bureaucratie et le mépris
Meftah Mokhtar, âgé aujourd’hui de 55 ans, se rappelle de son passé, de ses courses folles et de ses débuts en athlétisme alors qu’il n’avait que 13 ans. Collégien au CEM Nord de Saida, l’athlète habitant pourtant le village d’Oum Djerane, à 17 km, trouvait en sa détermination le moyen d’être toujours au rendez-vous au stade Braci (Saida) pour s’entraîner. «Je tiens à rendre un vibrant hommage à mon premier entraîneur en athlétisme hadj Bakhtaoui, Allah yarhamou, à Boumediène Abdelkader et à Hamou Berrrezoug, le directeur du CEM Nord, qui a donné un grand élan au développement du sport. J’étais toujours classé le premier lors des diverses courses auxquelles j’ai participé durant tout mon parcours à l’échelle des différentes compétitions départementales ou régionales pour le 3000 m ou le 5000 m. Alors que j’étais senior, Othmani Djillali m’aidait du mieux qu’il pouvait, les moyens étaient insignifiants, voire inexistants. Lors de la course du 5000 m à Oran, j’ai décroché la première place de cette compétition régionale durant l’année 1981/82. Lors de la compétition nationale au Golf Alger en 1982 en vue de la participation au Mondial d’athlétisme à Rome (Italie), j’ai été classé 3e sur les 6 athlètes retenus. Comme je résidais dans la wilaya de Saida et de surcroît dans un village perdu, j’étais littéralement éliminé par les gens d’Alger. J’ai reçu ma convocation pour le départ à Rome six heures avant le départ de l’avion. J’ai toujours été perçu comme un paysan par les responsables d’Alger. Ce coup fatal, comploté et manigancé par les responsables de l’athlétisme d’Alger, m’a fait terriblement mal. J’ai arrêté la pratique sportive pendant plus d’une année, puis j’ai repris avec de nouveaux titres mais avec le coeur ailleurs. A 32 ans, j’ai arrêté définitivement de courir». Meftah n’avait pas de clé pour régler tous ses problèmes, il avait toujours l’amour du MC Saida, il a reçu plusieurs propositions de grands clubs alors qu’il était junior mais il a refusé. Citons à titre d’exemple DNC Alger, DNC Oran, Sonelec. Il est actuellement enseignant de sport, il a découvert des champions et les a aidés à émerger. Questionné sur les conditions de travail et l’aide de la Jeunesse et des Sports, notre interlocuteur n’a pas mâché ses mots : «Quand je m’entraînais, ma seule récupération se limitait à un verre de lait et des dattes. L’administration et son indifférence à la représentation du sport était évidente. La preuve, le seul représentant de la wilaya que j’étais, n’avait même pas de survêtement. C’est grâce à Benzai Omar que j’ai eu l’équipement pour aller à Alger et représenter la wilaya». Et de conclure : «L’athlétisme est entre de mauvaises mains, un simple portier ou agent gère cette discipline sensible qui demande une certaine maîtrise et des compétences avérées pour apporter le plus espéré. Nous sommes un peu responsables d’avoir laissé la place aux opportunistes qui mènent l’athlétisme vers le chaos».