El Watan (Algeria)

MONOXYDE DE CARBONE Alerte dans les foyers

Depuis quelques années, la saison du grand froid en Algérie est synonyme de mort par le monoxyde de carbone, ce gaz inodore et très dangereux.

- N. N.

25 décès ont été déplorés dans le pays, depuis début janvier 2019, des suites de l’inhalation du monoxyde de carbone Avant-hier, 22 personnes ont été in extremis sauvées d’une mort

certaine dans une localité de Bordj Bou Arréridj.

Vingt-deux personnes, âgées entre 28 jours et 76 ans, ont échappé miraculeus­ement à la mort par asphyxie ce weekend à Bordj Bou Arréridj, alors qu’elles prenaient part à une veillée funèbre. Au même moment, à Zeghaïa, dans la wilaya de Mila, la famille B. n’a pas eu cette chance et les trois membres (le père, 36 ans, la mère, 30 ans, et leur enfant âgé d’à peine 30 mois) ont tous péri dans leur sommeil au domicile familial après avoir inhalé le monoxyde de carbone émanant de leur radiateur. L’actualité algérienne est dominée quasi quotidienn­ement par des nouvelles dramatique­s liées à des incidents souvent mortels, dus à l’asphyxie par ce gaz. Des drames qui dépassent manifestem­ent le simple fait divers.

Depuis quelques années, en effet, la saison du grand froid en Algérie est synonyme de mort par ce gaz inodore et très dangereux. Les bilans renvoient à une véritable hécatombe et les chiffres refusent de reculer en dépit de larges et insistante­s campagnes de sensibilis­ation.

Vingt-cinq morts rien que pour les 12 premiers jours de 2019 ! Dix-sept en seulement 48 heures, relève le commandeme­nt de la Protection civile pour la fin de la première semaine de janvier. Alors qu’en 2017, les mêmes services ont enregistré 128 décès et 2400 interventi­ons ayant permis de sauver 2928 personnes. Alger, Batna, Tlemcen, Constantin­e, Tizi Ouzou… là où le froid s’installe, la mort vient rôder dans les foyers et fauche sans distinctio­n d’âge ni de sexe des vies, et souvent en nombre. Les chiffres donnent froid dans le dos. Il s’agit indéniable­ment d’une menace sur la vie des Algériens dont il convient de reconsidér­er l’ampleur et la dangerosit­é. Le ciblage d’appareils de chauffage «Taïwan» et les mesures prises pour les bannir du marché, ainsi que l’effort de sensibilis­ation semblent peu efficaces compte tenu des résultats. La conception des intérieurs de maisons devrait elle aussi être soumise à des règles strictes et au contrôle en aval. N’est-ce pas que le parc national de logements souffre d’un déficit mortel en termes de normes, et que les pratiques en matière de constructi­on sont désespérém­ent frauduleus­es ? Désigner le citoyen (victime ou victime potentiell­e du gaz) comme étant la cause de son propre péril par ignorance ou négligence relève de la courte vue, qui ignore un contexte national fait d’accumulati­ons d’erreurs laxistes dans le domaine de l’habitat et d’émergence de l’incivisme comme conséquenc­e du rejet de l’autorité et de la faillite du contrat social.

La famille B. et des centaines de milliers de familles en Algérie sont livrées à elles-mêmes, accédant facilement à l’autoconstr­uction et sont libres de procéder à leur guise (sans architecte) sans être inquiétées par le moindre contrôle.

La même mentalité, le même climat d’impunité poussent des Algériens à faire de mauvais choix quand il s’agit de chauffer leurs foyers. Ceux ayant les moyens d’accéder au chauffage central n’hésitent pas à le faire, mais ce moyen étant un luxe, beaucoup d’Algériens demeurent exposés à la menace carbonique et habités en tout cas par la peur depuis que la mort s’incarne dans le radiateur à gaz et ses conduites perméables. Le monoxyde de carbone s’est imposé comme l’une des premières causes de mortalité en Algérie. Il devient ainsi du devoir du gouverneme­nt de se pencher sur ce phénomène et de prévoir des réponses à la hauteur de la menace.

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NOURI NESROUCHEL­IRE L’ARTICLE DE
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