D’art et d’histoire
DE QUELQUES STATUES DE LA VILLE DE SKIKDA
Une autre statuette de Mithra tuant le taureau, qui fait partie de la même collection Mithriaque est une authentique rareté puisqu’il n’en existe aujourd’hui que deux modèles du genre, l’une à Skikda et l’autre au Vatican. Une autre oeuvre, une sculpture romaine représentant Antonin le Pieux, reste à ce jour la plus imposante statue de la collection du musée communal. Elle fut façonnée au premier siècle après Jésus-Christ et découverte en 1851, en face de l’ancienne église. Assez bien conservée, elle est exposée, elle aussi, au musée. Les autres statues, qui ornent les jardins publics et l’Hôtel de Ville, remontent toutes à la période coloniale. Sans revenir sur les statues commémoratives, comme les deux oeuvres élevées à la mémoire des Zouaves, ou «l’Immortalité», sculptée par Léon-Eugène Longepied, déposée au cimetière chrétien, la ville de Skikda compte plusieurs autres statues, dont certaines représentent de véritables oeuvres d’art. Chacune d’elles a ses propres grâces et à chacune son histoire. La première à avoir été élevée à Skikda fut celle de Brennus, exposée aujourd’hui au square Guennoune (la Résidence). Dans son livre, Histoire de Philippeville, Louis Bertrand rapporte qu’elle fut donnée à la ville «par le ministère de l’Instruction publique et des beaux-arts en date du 7 juin 1879». Accueillie comme une véritable offrande, on lui érigea un socle en marbre de Filfila et on l’exposa sur la place de l’Eglise. Sculptée dans le marbre par Ferdinand Taluet, elle représente Brennus le Gaulois, l’un des rares chefs guerriers à avoir vaincu les Romains dans leur propre fief, dans une posture de conquérant, exhibant au ciel une vigne. Dans ce même square, se dresse une deuxième statue en marbre d’une grande valeur artistique. Intitulée «Le Pardon», elle a été réalisée par le sculpteur français Ernest Henri Dubois. C’est la plus connue de ses oeuvres et qui lui valut d’ailleurs une distinction au Salon de Paris. Réalisée en 1899 au profit de l’Etat français, elle met en scène une symbolique du pardon incarnée par l’accolade d’un vieillard et de son enfant. Lors de son acquisition, elle fut exposée au Musée du Luxembourg à Paris jusqu’à l’année 1938. Cette même année, à Skikda, on allait célébrer alors le centenaire de la colonisation de l’ancienne Philippeville et c’est dans ce cadre que Paul Cuttoli, maire de la ville et sénateur du Constantinois parvint à convaincre les responsables du Musée du Luxembourg d’autoriser l’exposition de cette statue à Skikda. Le 28 octobre 1938, on la débarqua au port de cette ville, et depuis, elle demeure exposée à la même place où on l’installa. Non loin du square Guennoune, une autre statue en marbre est exposée au jardin de l’ancien syndicat d’initiative et du tourisme, actuel centre de santé de la sûreté de wilaya de Skikda. Intitulée «Diogène brisant son écuelle à la vue d’un enfant qui boit dans sa main», elle a été sculptée en 1899, par Emile-André Boisseau, en hommage au philosophe grec Diogène. Ce dernier est représenté avec son éternelle canne, le corps chétif, l’air triste, tendant sa main droite à un récipient brisé, une symbolique qui sied parfaitement à l’intitulé de l’oeuvre. Diogène,
élève de Socrate, est un philosophe grec, adepte de l’autarcie. Sans toit ni artifices, il vivait dans le dénuement total et prônait la simplicité et la vie en harmonie avec la nature. L’histoire de son écuelle brisée est une allégorie tirée d’un événement que Diogène a eu à vivre en apercevant un enfant se courber pour emplir ses mains d’eau d’une fontaine pour boire sans user de réceptacle. «Cet enfant –dit alors Diogène- vient de me donner une leçon en m’apprenant que j’ai encore du superflu», en référence à l’écuelle que le philosophe utilisait pour boire. D’ailleurs le sens de cette phrase est gravé par le sculpteur au centre de la platebande de la statue où on pouvait lire «Par Jupiter, cet enfant m’apprend que j’ai du superflu». Pour revenir à l’histoire de cette statue, et selon le catalogue des oeuvres d’art françaises du Musée d’Orsay, avant de parvenir à Skikda, elle avait transité par le musée du Luxembourg, au Panthéon, puis au Louvre. Son dernier signalement en France remonte à 1926. Comment est-elle arrivée à Skikda ? Peu d’informations sont disponibles à ce sujet, bien que l’hypothèse de son déplacement à cette ville lors des festivités du centenaire de la colonisation reste la plus probable. Dans le même périmètre, tout près de la bâtisse mauresque du commissariat, une quatrième statue en marbre repose sur un étal sculpté. C’est «le Rêve» d’Eugène Thivier, un sculpteur parisien connu surtout pour son oeuvre «le Cauchemar». La statue de Skikda représente un enfant étendu et soutenu par une sorte de rambarde. Contrairement aux autres statues se trouvant dans les jardins qui se succèdent entre le commissariat et la Banque centrale, la provenance de cette statue reste inconnue. Relevons au passage que les statues de «Brennus», de «Diogène» et du «Rêve» n’ont malheureusement pas échappé aux mains destructrices de quelques indélicats. Certaines de ces oeuvres ont même été grandement endommagées. Signalons, pour conclure, qu’en plus des oeuvres citées dans cet écrit, il existe encore à Skikda d’autres belles sculptures en bronze qu’on peut admirer à l’Hôtel de Ville ainsi qu’au jardin du théâtre régional. Mais c’est là une autre histoire, tout aussi magnifique, qu’on vous racontera un jour.