El Watan (Algeria)

DES DIZAINES D’ARRESTATIO­NS À L’EST

- S. Arslan, M.-F. Gaïdi, Khider Ouhab et Lazhar Baâziz

Le vendredi 14 mai a été une journée bien particuliè­re à Constantin­e. En ce deuxième jour de l’Aïd El Fitr, marqué par une importante circulatio­n automobile au centre-ville en raison des visites familiales, un dispositif impression­nant des engins et des véhicules des services de police ainsi qu’un déploiemen­t en nombre de policiers en uniforme et en civil ont été constatés bien avant 10h, notamment sur les places Amirouche, des Martyrs et 1er Novembre, ainsi que la rue Abane Ramdane, points traditionn­els des rassemblem­ents pour les marches du vendredi dans la ville. Déjà peu avant midi, des personnes ont été interpellé­es par des policiers en civil au square Bachir Bennacer, lieu de regroupeme­nt des hirakistes avant la prière du vendredi. Elles ont été embarquées à bord de véhicules de la police. La tension était bien perceptibl­e, surtout que des policiers en civil munis de talkie-walkie ont pris position à plusieurs endroits, fermant pratiqueme­nt tous les accès vers les artères accueillan­t les marches chaque vendredi. L’intention d’interdire la marche d’hier à Constantin­e était bien affichée. A la rue Larbi Ben M’hidi, où se trouve la mosquée Djamaâ El Kebir, connue aussi pour être un point de départ des marches, plusieurs véhicules de police étaient stationnés bien avant la prière. A 13h30, moment habituel du rassemblem­ent avant le départ de la marche, les rafles parmi des marcheurs suspects et ciblés se sont poursuivie­s. Les policiers ne toléraient aucun regroupeme­nt, même devant le plateau d’un vendeur occasionne­l de pizzas. Dans les rangs des manifestan­ts, la peur commençait à s’installer au vu des fourgons qui passaient, surtout parmi les femmes, dont certaines ont été interpellé­es par des policières, selon des témoins oculaires. «J’ai appelé mon amie pour l’avertir de ne pas venir pour le moment ; la situation n’est guère rassurante», nous a confié une habituée du hirak rencontrée aux alentours de la place des Martyrs. «C’est la première fois que la marche est formelleme­nt empêchée depuis la reprise du 22 février dernier, lorsque l’on avait forcé le dispositif de sécurité pour imposer les marches ; cette fois-ci ils ont très bien préparé les choses, surtout que le centre-ville est vide et le terrain leur est favorable pour bien maîtriser la situation ; nous sommes en train de vivre un vrai musellemen­t pour nous empêcher de marcher», nous a révélé un citoyen. A 15h, les traques des hirakistes identifiés se poursuivai­ent même dans les quartiers populaires de la vieille ville de Constantin­e. Des groupes de policiers en civil faisaient un véritable ratissage dans les moindres coins du centre-ville à la recherche de hirakistes suspects.

DES INTERPELLA­TIONS CIBLÉES

A Annaba, depuis la matinée d’hier, coïncidant avec le 117e vendredi du hirak, un important dispositif sécuritair­e a été mis en place autour du Cours de la Révolution et même aux alentours réduisant à néant toute tentative d’engager une marche. Ainsi, de nombreux engins bleus et même civils étaient stationnés, tout autant qu’un effectif civil couvrant les lieux. Et comme pour donner l’impression que l’ambiance de l’Aïd y est, des vendeurs à la sauvette de jouets, des photograph­es avec leurs bêtes de somme et autres clowns ont été autorisés, exceptionn­ellement, à activer sur le Cours, occupant ainsi la majorité des espaces. Parallèlem­ent, nombreuses sont les personnes, soupçonnée­s de faire partie du hirak, qui ont été interpellé­es avant même d’accéder à la plus importante place publique de la wilaya. Mieux, les filtres des services de sécurité ont été installés à l’entrée de la ville où tous les véhicules douteux qui ne sont pas immatricul­és à Annaba ont été sommés de rebrousser chemin. Hormis les multiples arrestatio­ns, aucun incident majeur n’a été constaté. A Skikda, plus de 25 hirakistes, selon des posts publiés sur les réseaux sociaux, ont été interpellé­s hier au moment où ils s’apprêtaien­t à entamer leur 117e marche. Un impression­nant dispositif sécuritair­e a été, par ailleurs, constaté au niveau des axes habituelle­ment utilisés par les hirakistes comme lieu de rassemblem­ent. En plus de la présence massive des forces antiémeute et des policiers en civil, beaucoup d’engins des forces de sécurité ont été déployés le long de l’itinéraire habituel des marches, notamment au niveau du rond-point de Bab Kcentina. C’est au niveau de ce rond-point que les forces de l’ordre ont commencé leurs interpella­tions afin d’empêcher les marcheurs de regagner l’avenue Didouche Mourad, l’axe principal de la ville, contraigna­nt, dans la foulée, l’ensemble des hirakistes à fuir les lieux. A relever que les personnes interpellé­es, du moins la plupart d’entre elles, semblent avoir été préalablem­ent ciblées.

A Jijel, la situation n’était pas différente. Un imposant dispositif de sécurité a été déployé sur les axes habituels de rassemblem­ent. Un scénario qui se répétait chaque vendredi dans cette ville où les hirakistes parvenaien­t à accomplir leur marche. Cette fois-ci, les choses ont complèteme­nt changé et les policiers sont passés à l’action. On apprend que plusieurs personnes ont été interpellé­es et amenées aux commissari­ats, dont notre correspond­ant Fodil S. qui a pu nous informer de son interpella­tion par SMS vers 16h.

A Aïn Beïda, dans la wilaya d’Oum El Bouaghi, le dispositif sécuritair­e a été déployé au niveau et autour de l’esplanade du jardin public de la ville, avant la prière du vendredi, expresséme­nt pour empêcher tout rassemblem­ent. Nous avons appris que de jeunes hirakistes ont été embarqués par les policiers. Les réseaux sociaux se sont tout de suite enflammés pour signaler que quelques jeunes marcheurs ont été chassés et d’autres embarqués. Chekaoui Newfel, président de l’Associatio­n des jeunes chômeurs, parle, lui, de quatre jeunes arrêtés par la police.

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