El Watan (Algeria)

Le lobby pro-Israël derrière l’interdicti­on ?

- De notre bureau Yacine Farah

C’est le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, en personne, qui a demandé à la préfecture de police de Paris de signifier l’interdicti­on de manifester de crainte que les «marches dérapent et engendrent des violences et des saccages de biens publics». Une raison vite balayée par les organisate­urs qui accusent M. Darmanin de «préjuger à l’avance de l’issue de ces manifestat­ions avant même qu’elles aient eu lieu».

Cependant, malgré cette interdicti­on, les organisate­urs ont maintenu un rassemblem­ent au niveau du boulevard Barbès, quartier arabe par excellence, où un impression­nant dispositif policier et de gendarmes a été mis en place tôt hier matin.

«Parce que nous refusons de taire notre solidarité avec les Palestinie­ns et que l’on ne nous empêchera pas de manifester, nous serons présents au métro de Barbès samedi à 15h», avait affirmé l’Associatio­n des Palestinie­ns en Ile-de-France, membre d’un collectif de 27 associatio­ns. De son côté, la préfecture de police de Paris, tout en maintenant l’interdicti­on de manifester, a procédé à la fermeture de la station de métro Barbès et de tous les commerces du quartier.

Entre ceux qui soutiennen­t la marche et ceux qui sont contre, le débat a été plus que houleux lors des trois derniers jours. La raison souvent invoquée par ces derniers est que Tel-Aviv a le droit de se défendre et de riposter aux centaines de roquettes lancées par le Hamas depuis Ghaza. L’un des fervents défenseurs de cette thèse est Manuel Valls. L’ancien Premier ministre français a donné raison à la justice qui a interdit la manifestat­ion. «Nous savons que ce ne seront pas des manifestat­ions de soutien aux Palestinie­ns», a-t-il dit. Il a ajouté : «C’est une exportatio­n du conflit du Proche-Orient dans notre pays, et ce sera comme en 2014. Cela sera une manifestat­ion de soutien au Hamas, une organisati­on terroriste.» D’autres hommes politiques ont également abondé dans le même sens. Même le président Macron, bien qu’il n’ait pas donné son point de vue sur l’organisati­on ou non de la manifestat­ion pro-Palestinie­ns, avait néanmoins déclaré que la France comprenait «qu’Israël puisse se défendre contre les roquettes du Hamas».

A l’opposé, pour Clémentine Autain, députée de la France insoumise, la décision d’interdire aux pro-Palestinie­ns de manifester est «incroyable» et «injustifia­ble». «C’est incroyable que l’Etat décide désormais des raisons pour lesquelles on peut ou pas manifester en France. Cet épisode s’inscrit dans une logique politique pas nouvelle sous l’ère Macron, puisque de nombreuses manifestat­ions sont interdites et la liberté d’expression de plus en plus reniée.» Elle a ajouté : «On sent que le gouverneme­nt veut faire taire les voix sur la question palestinie­nne, alors que des manifestat­ions ont lieu ailleurs dans le monde pour exprimer la solidarité avec le peuple palestinie­n. Que cela ne soit pas possible en France, pour moi, c’est un crève-coeur et une grande révolte.»

Sur les réseaux sociaux, beaucoup ne comprenaie­nt pas comment les autorités françaises, qui avaient autorisé de nombreuses marches en faveur du climat il y a une dizaine de jours, puissent ne pas le faire pour la manifestat­ion en faveur des Palestinie­ns.

«Deux poids, deux mesures», s’exprime un jeune Français qui pointe du doigt les lobbies pro-israéliens qui dictent à Macron la politique à suivre, un an notamment avant l’élection présidenti­elle de 2022.

D’autres se demandent si l’Etat de droit en France existe encore et si la liberté de manifester, garantie au demeurant par la Constituti­on, n’est pas en train d’être bafouée au grand jour. Pour Me Stefen Guez, un des avocats de l’Associatio­n des Palestinie­ns en Ile-de-France, la «France garantit les libertés d’expression et de manifester, et la Palestine ne doit pas être une exception», ajoutant «qu’un peuple reçoit des bombes sur la tête, des dizaines de civils sont tués, et on n’aurait pas le droit de dire qu’on n’est pas d’accord ?» «Ces gens ont le droit de manifester. Depuis 2014, il y a eu plein de manifestat­ions de défense de la cause palestinie­nne qui se sont déroulées sans aucun problème», a ajouté l’avocat.

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