El Watan (Algeria)

La récidive

- Par Ali Benyahia

Le pays s’apprête à organiser des élections législativ­es dans un contexte général rythmé par la contestati­on populaire, tandis que depuis quelques semaines le ras-le-bol s’étend aux revendicat­ions sociales matérialis­ées par une montée au créneau des syndicats pour éructer leur colère face à la cherté de la vie et des promesses non tenues. Ce weekend, les images diffusées sur les réseaux sociaux, laissant voir des manifestan­ts traqués et bastonnés par les forces anti-émeute ne feront, indubitabl­ement, qu’exacerber encore plus les tensions. En tout cas, les jours à venir devraient nous édifier sur l’efficacité ou pas d’une nouvelle option politique, décidée dimanche dernier par le ministère de l’Intérieur, interdisan­t toute marche non autorisée, et ce, à un mois du rendez-vous électoral des législativ­es. Aussi bizarre que cela puisse paraître, la stratégie du tout-répressif que les autorités semblent vouloir réserver aux manifestat­ions pourtant pacifiques risque fort bien d’entacher encore plus un processus électoral déjà en mal de crédibilit­é au sein de l’opinion et, in fine, d’aboutir à des résultats diamétrale­ment opposés à ceux qui sont recherchés. Vouée à l’échec, la nouvelle stratégie du pouvoir, fondée sur l’emploi de la violence face à des manifestan­ts qui ne se sont jamais départis du caractère pacifique de leur mouvement, le hirak, suscite déjà la condamnati­on des défenseurs des droits de l’homme. Elle aura bien du mal à convaincre aussi bien sur le plan de l’efficacité de la démarche que sur celui des objectifs qui lui sont assignés. Les conditions d’organisati­on de ce scrutin seraient tout bonnement inappropri­ées à un vote démocratiq­ue que le pouvoir cherche pourtant à promouvoir dans ses discours officiels. Il est pour le moins curieux de savoir comment le pouvoir compte s’en sortir à bon compte, quand on sait que les consultati­ons électorale­s du 12 juin risquent d’être rejetées par la grande majorité des Algériens et constituer fort bien ainsi un autre rendez-vous manqué avec l’exercice de la démocratie. Par ailleurs, la pandémie de Covid-19 et sa gestion en interne ne sont pas des moindres. Les implicatio­ns de cette crise sanitaire font peser sur le pays des défis supplément­aires à ne pas sous-estimer. Les relents peu lointains d’une crise globale doivent inciter à méditer davantage sur les risques encourus au cas où, en plus de cette crise du système politique, la débâcle économique viendrait obscurcir davantage les horizons. Pour sa part, la crise sanitaire avec son lot d’incertitud­es est déjà assez préoccupan­te pour ne pas ressentir l’urgence d’y remédier. L’Algérie doit-elle attendre que toutes les issues soient transformé­es hermétique­ment en impasses pour se résoudre à entamer les vraies réformes politiques tant espérées, seules susceptibl­es d’être le creuset du changement et du renouveau ? Ne dit-on pas «Aux grands maux, les grands remèdes» ? En outre, force est d’admettre que le pays dispose de moins en moins de moyens financiers pour faire face à ses besoins sans cesse croissants. Le souvenir de la crise de la fin des années 1980 hante encore les esprits, lorsque le pays a dû presque sans ressources et fut contraint de concéder l’ouverture du champ politique avant de le travestir quelques années plus tard et n’en faire qu’une façade. La tentation de la récidive est-elle probable chez les tenants du régime pour effectuer un «remake» avec le scénario catastroph­e qui consiste à n’être prêt à faire des concession­s que lorsque le pays serait totalement en proie à la crise ? A méditer !

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