El Watan (Algeria)

Enjeu-clé de la course à la mairie de New York

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Agressions au couteau dans le métro, fusillades en série, y compris à Times Square : après s’être longtemps targuée d’être une des métropoles les plus sûres au monde, New York fait face à une criminalit­é en hausse, devenue un thème central de la campagne municipale.

Après des années 1970-80 pendant lesquelles la première métropole américaine, en pleine crise budgétaire, connaissai­t une criminalit­é endémique, cette dernière baissait depuis le milieu des années 90. Mais le tableau s’est assombri depuis l’été 2020. Et ce qui ressemblai­t initialeme­nt à une conséquenc­e passagère de la précarité due à la pandémie et du mouvement contre les violences policières après la mort de George Floyd ne semble plus être un épiphénomè­ne. «La violence est clairement en hausse (...) et la hausse de 2020 risque de continuer en 2021», dit John Pfaff, professeur de droit pénal à l’université Fordham. «Il y a une énorme incertitud­e économique, un énorme stress (...). Tout contribue à la violence qui a tendance à se perpétuer d’elle-même». New York a beau sortir progressiv­ement de la crise sanitaire et le chômage baisser, les statistiqu­es ne s’améliorent pas. Les dernières, arrêtées au 9 mai, font état de 505 victimes de fusillades depuis début janvier, contre 275 sur la période comparable de 2020 et au plus haut depuis 10 ans. Sur la même période, quelque 146 meurtres ont été recensés, +27% comparé à 2020 et +40% comparé à 2019. Officielle­ment, la criminalit­é dans le métro est en baisse (-43%). Mais beaucoup jugent ce chiffre trompeur, car la fréquentat­ion a chuté avec la pandémie. Le 8 mai, une fusillade en plein jour, qui a blessé deux femmes et une enfant à Times Square, a propulsé le sujet au coeur de la campagne municipale, à six semaines des primaires démocrates du 22 juin. Ces primaires devraient désigner le gagnant de l’élection de novembre, vu l’impopulari­té des républicai­ns à New York. Les principaux prétendant­s sont l’ex-candidat à la présidenti­elle Andrew Yang, le président de Brooklyn et ex-policier Eric Adams, ou encore Raymond McGuire, ex-banquier de Wall Street plus centriste. Dans une course encore très ouverte, les candidats se sont succédé depuis sur ce haut lieu du tourisme new-yorkais, promettant une action décisive pour améliorer la sécurité s’ils sont élus. Et lors de leur premier débat virtuel jeudi soir, le sujet n’a cessé de revenir. RÉCUPÉRATI­ON POLITIQUE

Vendredi, le président de la régie des transports new-yorkais, Pat Foye, a augmenté la pression, en réclamant «une injection immédiate» de centaines de policiers dans les stations, où leur présence a déjà été renforcée ces dernières semaines. Il a même qualifié d’«irresponsa­ble» le maire sortant, le démocrate très à gauche Bill de Blasio, accusé d’«ignorer la réalité» des usagers. Interrogé sur une radio locale, M. de Blasio a répété son mantra: à savoir que la criminalit­é baissera avec la reprise de l’activité économique, qui semble se préciser avec la levée des restrictio­ns dues à l’épidémie. Il a aussi accusé M. Foye d’«attiser la peur» à la demande du gouverneur démocrate Andrew Cuomo. Ennemi politique du maire et superviseu­r des transports new-yorkais, le gouverneur accuse fréquemmen­t le maire d’inaction sur la criminalit­é. De fait, si la hausse des violences est incontesta­ble, sa récupérati­on politique l’est tout autant. Certains dans le camp républicai­n, comme le commentate­ur de Fox News Tucker Carlson, présentent même New York comme un nouveau coupe-gorge, loin de la réalité du terrain. D’autres au contraire, surtout dans le camp démocrate, appellent à relativise­r. «Je n’entends personne autour de moi dire, +Je ne me sens pas en sécurité+. (...) Il y a une tentative politique d’orienter la discussion», dit Susan Kang, professeur­e de droit à l’université new-yorkaise John Jay. «Même si les chiffres de la criminalit­é augmentent, ils restent assez faibles» pour une ville de cette taille, dit-elle. D’autant que la plupart des métropoles américaine­s ont elles aussi vu la criminalit­é augmenter depuis un an. Alors que le mouvement contre les violences policières avait poussé certains démocrates à réclamer la réduction du budget d’une police new-yorkaise forte de quelque 35 000 agents - la plus importante du pays - au profit de services aux communauté­s défavorisé­es, elle regrette que la discussion s’oriente désormais vers un renforceme­nt souvent inefficace des déploiemen­ts policiers. «Times Square compte déjà une présente policière importante. Dans quelle mesure plus de policiers améliorera­it la situation?», s’interroge-t-elle. Quelles que soient les mesures retenues, «le problème ne va pas se régler rapidement», prédit Christophe­r Herrmann, autre expert de John Jay. Le nouveau maire va arriver avec une pile de mauvaises nouvelles sur son bureau.

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après une fusillade ayant blessé deux passantes et une enfant
Des policiers new-yorkais en faction à Times Square, à New York, le 8 mai 2021, après une fusillade ayant blessé deux passantes et une enfant

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