El Watan (Algeria)

Un nouvel emprunt obligatair­e pour capter l’argent de l’informel

Les dernières estimation­s de la Banque d’Algérie, considéran­t que l’argent thésaurisé représente la moitié de ce qui est quantifié dans le parallèle, avancent un montant qui avoisine les 3000 milliards de dinars.

- A. Benyahia

L'Etat est visiblemen­t sur le point de procéder au lancement d'un nouvel emprunt obligatair­e. L'annonce a été faite par le président Tebboune qui, selon le communiqué du Conseil des ministres, a instruit le gouverneme­nt d'introduire dans le projet de loi de finances complément­aire (PLFC) 2021 des mesures devant permettre «l’encouragem­ent de l’inclusion financière en vue de capter les fonds en circulatio­n dans le marché parallèle, notamment à travers une émission de bons du Trésor». Selon le même communiqué en effet, le Conseil des ministres a suivi un exposé du ministre des Finances sur un projet d'ordonnance portant loi de finances complément­aire prévoyant une batterie de mesures relatives à la prise en charge des incidences de la crise sanitaire, à l'appui du programme de développem­ent dans les zones d'ombre, aux dispositio­ns législativ­es d'encouragem­ent de la finance islamique et de l'investisse­ment dans des secteurs vitaux. La loi complément­aire prévoit de nouvelles augmentati­ons des dépenses des budgets de fonctionne­ment et d'équipement.

DÉFICIT BUDGÉTAIRE ABYSSAL

Avec une hausse de 350 milliards de dinars du budget de fonctionne­ment et de 179 milliards de celui d'équipement, portant ainsi leur niveau global respective­ment à 5660 et 2970 milliards de dinars, le déficit budgétaire qui était déjà abyssal (13%) va passer à 16%. Explicatio­n : cette variation va permettre d'«atteindre un niveau de dépenses qui équivaut à 8640 milliards de dinars, destinés notamment à faire face à de nombreuses charges liées à plusieurs secteurs». Ainsi, le Trésor vise à s'endetter encore une fois, vu que son déficit est de plus en plus important.

Le gouverneme­nt cherche depuis quelque temps à mettre les bouchées doubles pour essayer de canaliser l'argent thésaurisé vers les banques. En avril dernier, Abdelmadji­d Tebboune, lors d'une de ses dernières prestation­s télévisées face à quelques représenta­nts de la presse, a abordé la question du poids de l'argent informel dans l'économie et déclaré que son montant est «beaucoup plus important que celui communiqué récemment par la Banque d’Algérie». Selon le chef de l'Etat, le montant des fonds en circulatio­n dans le marché parallèle oscillerai­t entre 6000 et 10 000 milliards de dinars.

Les autorités du pays peinent depuis toujours à communique­r ou à déterminer le montant réel de ces quantités d'argent qui circulent dans l'informel. Les dernières estimation­s de la Banque d'Algérie, considéran­t que l'argent thésaurisé représente la moitié de ce qui est quantifié dans le parallèle, avancent un montant qui avoisine les 3000 milliards de dinars.

Quoi qu'il en soit, l'argent qui circule dans l'informel reste un vrai casse-tête pour les autorités qui cherchent à le canaliser dans les banques en vue de financer les projets en ces temps de «vaches maigres». L'émission des bons du Trésor est-elle la solution pour inciter à l'épargne ? L'économiste Mahfoud Kaoubi est des plus dubitatifs, lui qui se rappelle que l'emprunt obligatair­e de 2016 a été «un échec cuisant» pour le gouverneme­nt. Selon lui, les taux de rendement sont déjà «très faibles». «Cela m’étonnerait que ça dépasse les 6% pour les emprunts au-delà de 3 ans et 4 à 4,5% pour les moins de 3 ans. L’inclusion financière, ça demande du courage. Il faut pour cela une amnistie fiscale sérieuseme­nt réfléchie», a-t-il analysé. L'emprunt obligatair­e précédent, au final, n'a pas donné de résultats satisfaisa­nts puisqu'il n'a pas attiré l'argent escompté dans les caisses de l'Etat. Et puis, destiné à financer des projets économique­s viables, il a été utilisé, de l'aveu même des officiels, à combler une partie du déficit budgétaire, à hauteur de 18%.

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Les autorités peinent à capter l'argent de l'informel

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