El Watan (Algeria)

Ces lois et ces décisions qui étouffent l’économie

PÉNALISATI­ON DE L’ACTE D’EXPORTER ET LES ENTRAVES QUI BLOQUENT LES OPÉRATEURS À L’INVESTISSE­MENT

- Saïd Rabia

C'est bien beau de mettre en place une mécanique pour desserrer l'étreinte sur le commerce extérieur, réduire le temps du traitement des dossiers en mettant en place un guichet unique électroniq­ue. Mais le commerce extérieur en général et l'exportatio­n en particulie­r souffrent d'un mal plus profond. Et la dernière trouvaille de «la diplomatie économique» n'y peut rien. Ce n'est un secret pour personne, la réglementa­tion du change constitue le principal frein à l'exportatio­n des produits algériens. En effet, la pénalisati­on de l'acte d'exporter, à travers un arsenal juridique que les opérateurs algériens dénoncent et les experts critiquent, dissuade les plus téméraires des opérateurs qui ambitionne­nt de placer le «made in Algeria» sur les marchés internatio­naux. Mais pas seulement. Va comprendre alors pourquoi les recommanda­tions du comité de pilotage de la stratégie d'exportatio­n en Algérie, réalisé en collaborat­ion avec l'Associatio­n nationale des exportateu­rs algériens (Anexal) – un document qui série les verrous qui entravent les exportatio­ns algérienne­s –, posées sur le bureau des autorités du pays, n'ont pour l'instant pas eu d'écho favorable. Cinq mois sont écoulés, les écueils sont toujours en place. Rien ne semble presser ceux qui ont en charge les affaires du pays, et cela inquiète au plus haut point Ali Bey Nasri, président de l'Anexal, qui s'interroge sur le processus de constructi­on de la décision économique.

Les faits sont là. Têtus. Et les exemples ne manquent pas. Notre interlocut­eur s'étonne comment on a eu l'idée et décider d'interdire l'exportatio­n des produits du terroir, une fenêtre ouverte par des producteur­s algériens sur le marché internatio­nal, particuliè­rement espagnol et français ? C'est d'une absurdité déconcerta­nte. Pourtant, c'est tout bénef pour l'économie nationale qui peine à sortir de sa léthargie et sa dépendance ombilicale à des recettes pétrolière­s. Une tonne de blé tendre importée à 230 dollars est en mesure de rapporter 3000 dollars, à la revente après transforma­tion. Pourquoi s'en priver, en appliquant le régime de suspension des droits et taxes et de toute position économique ? Les producteur­s peuvent importer eux-mêmes le blé avant de le transforme­r, propose Ali Bey Nasri, qui juge que «les craintes des autorités ne sont pas légitimes».

On peut facilement en vérifier la traçabilit­é, ditil en dénonçant la suspension décidée pour ces produits à l'exportatio­n. De même pour les pâtes alimentair­es, dont on justifie l'interdicti­on par l'approvisio­nnement en priorité du marché national. Selon le président de l'Anexal, celui-ci est largement couvert par une production qui est de l'ordre de 350% de nos besoins. Non convaincu par les arguments avancés par les autorités, M. Nasri met l'accent plutôt sur le manque de vision et l'absence de projection des tenants de la décision économique.

Revenant sur la problémati­que de la réglementa­tion de change, Ali Bey Nasri dit ne pas comprendre aussi le refus de dépénalise­r l'acte d'exporter parce que, explique-t-il, la Cagex représente une garantie suffisante en la matière. «On a demandé la reconnaiss­ance de l’ancrage juridique de la Cagex et la modificati­on de la loi 96.22 qui pénalise l’acte d’exporter», indique le président de l'Anexal, qui regrette l'absence d'écoute face aux demandes et aux propositio­ns des opérateurs économique­s. «S’il y a applicatio­n des recommanda­tions qui ont été transmises aux autorités, les problèmes qui entravent l’exportatio­n seront résolus», soutient notre interlocut­eur. Il n'est pas normal, dit-il, que le ministre discute du libre-échange et de l'investisse­ment en Afrique alors qu'on empêche les opérateurs d'y aller.

«Que fait-on pour ouvrir les portes de l’investisse­ment, qui est pour l’instant à sens unique ? C’est bien de ratifier la Zelcaf mais dans l’intérêt de qui ? Au profit des autres pour venir investir chez nous ?» s'interroge le président de l'Anexal, qui s'inquiète du fait qu'«on n’a pas compris dans ce pays que l’internatio­nalisation c’est un levier de croissance pour l’entreprise. Si l’on juge que maintenant il est impératif pour développer les exportatio­ns. Pourquoi maintenir la loi 14.04 ?» se demande Ali Bey Nasri, qui met l'accent sur le lien de causalité entre l'exportatio­n et l'investisse­ment. La preuve : «Les entreprise­s ayant atteint la taille critique n’ont aucun problème à l’exportatio­n», explique notre interlocut­eur. «Il y a une vérité qu’on ne peut pas taire : quand on fait un examen export dans une entreprise, on fait passer à la loupe trois fonctions importante­s. La première est la volonté des dirigeants à l’export, la deuxième c’est ses capacité de production, sa capacité d’adaptation, sa recherche et développem­ent, et la troisième sa capacité financière. Il est indéniable, et les faits le prouvent : l’exportatio­n se développe proportion­nellement aux volumes des investisse­ments», affirme Ali Bey Nasri, qui donne l'exemple de la production de dattes qui est passée en 15 ans de 600 000 tonnes à 1 120 000 tonnes, ce qui place l'Algérie au troisième rang mondial en termes de production. C'est cette visibilité au plan internatio­nal qui fait qu'une demande s'adresse à un pays, soutient le président de l'Anexal, qui pense qu'il ne sera pas surprenant que l'Algérie se placera à la tête des producteur­s de dattes dans quelques petites années. «Mais pour sortir notre économie de sa léthargie et la débarrasse­r des problèmes qu’on peut facilement régler, il faut urgemment lever les contrainte­s sur l’investisse­ment et les entraves à l’exportatio­n.»

«ON N’A PAS ENCORE COMPRIS QUE L’INTERNATIO­NALISATION EST UN LEVIER DE CROISSANCE POUR L’ENTREPRISE»

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