Kenza Khatto en liberté provisoire et El Kadi Ihsane sous contrôle judiciaire
A l’issue du procès qui s’est tenu en toute fin de journée, et au cours duquel notre consoeur a été prise d’un malaise et s’est évanouie en pleine audience, le tribunal a prononcé la remise en liberté de Kenza. Le procès est reporté au 25 mai.
Après quatre jours et autant de longues nuits de garde à vue, notre consoeur Kenza Khatto a été présentée hier devant le procureur de la République près le tribunal de Sidi M’hamed. La reporter de Radio M a été arrêtée brutalement, rappelle-t-on, vendredi dernier, en pleine couverture de la marche réprimée du hirak, au deuxième jour de l’Aïd El Fitr. D’après Me Zoubida Assoul, les charges mentionnées dans le procès-verbal de la police judiciaire indiquaient : «incitation à attroupement non armé», «outrage à corps constitué» et «non-respect de l’instruction du wali d’Alger portant mobilisation de la force publique pour interdire les marches». Maître Zoubida Assoul, qui a rendu publiques ces informations via sa page Facebook, ajoute cette curieuse accusation tapée noir sur blanc dans le même PV, faite à Kenza : il lui est reproché de relayer les publications de «el moharidh Khaled Drareni», «el moharidh» étant entendu ici plus au sens de «instigateur» que de «incitateur». Il convient cependant de préciser que les griefs énumérés par la PJ ne sont pas forcément retenus par le parquet. Au final, après son audition par le procureur de la République, Kenza Khatto a été jugée en comparution immédiate pour ces chefs d’inculpation : «atteinte à l’unité nationale», «publications pouvant porter atteinte à l’intérêt national», «incitation à attroupement non armé» et «outrage à corps constitué».
A l’issue du procès qui s’est tenu en toute fin de journée, et au cours duquel notre consoeur a été prise d’un malaise et s’est évanouie en pleine audience, le tribunal a prononcé la remise en liberté de Kenza. Le procès est reporté au 25 mai.
Hier, El Kadi Ihsane, directeur de l’agence Interface Medias, éditrice de Radio M et du site électronique Maghreb Emergent, a été auditionné lui aussi par le procureur de la République près le tribunal de Sidi M’hamed. Ihsane avait reçu, lundi aprèsmidi, une «convocation pour se présenter à la brigade de gendarmerie de Bab J’did», rapporte Radio M, avant de se voir notifier, peu après, une autre convocation «l’informant qu’il devait se rendre immédiatement à la brigade de gendarmerie de Bab J’did en vue d’une présentation devant le procureur de Sidi M’hamed en procédure d’urgence».
Après avoir été auditionné par le procureur de la République, ce dernier a transmis le dossier de notre confrère au juge d’instruction, qui a décidé de le placer sous contrôle judiciaire. «Le journaliste et directeur des deux médias Radio M et Maghreb Emergent, El Kadi Ihsane, a été placé aujourd’hui (mardi 18 mai, ndlr) par le juge d’instruction près le tribunal de Sidi M’hamed sous contrôle judiciaire», rapporte le site radio-m.net.
«INTERDICTION DE QUITTER LE TERRITOIRE NATIONAL»
D’après Radio M, El Kadi Ihsane est accusé d’«atteinte à la sécurité et l’intégrité de l’unité nationale» et de «publications qui nuisent à l’intérêt national». S’il a pu ressortir libre du bureau du juge d’instruction, le fringant homme de médias se voit néanmoins soumis à un régime de liberté sévèrement encadré à en juger par ces restrictions détaillées par Radio M : «El Kadi Ihsane est interdit de quitter le territoire national suite à son placement sous contrôle judiciaire ce mardi 18 mai par le juge d’instruction près le tribunal Sidi M’hamed.» La même source précise que le directeur d’Interface Medias est ainsi «mis sous ISTN (Interdiction de sortie du territoire national), avec retrait de son passeport». Il est également «interdit de quitter la circonscription de la wilaya d’Alger sans autorisation préalable». Ihsane est, en outre, «obligé de se présenter chaque lundi matin à 10h pour émargement».
Selon l’avocate Fatiha Rouibi, l’éditeur électronique est poursuivi sur la base d’une plainte du ministre de la Communication, Ammar Belhimer. Info confirmée par le Comité national pour la libération des détenus qui précise : «Ihsane El Kadi a été présenté devant le procureur du tribunal de Sidi M’hamed d’Alger, ce mardi 18 mai 2021, suite à une plainte déposée par le ministre de la Communication.» Rappelons que le journaliste avait déjà été convoqué par la brigade de gendarmerie de Bab J’did le 31 mars dernier puis auditionné le même jour par le procureur de la République près le tribunal de Sidi M’hamed. C’était là aussi suite à une plainte du ministère de la Communication en réaction à un article publié sur le site radio-m. net le 23 mars 2021 sous le titre : «Pourquoi la place de Rachad doit être protégée dans le hirak ?» Avant cela, le directeur de Radio M avait été convoqué le 6 octobre 2020 par la brigade de gendarmerie de Bab J’did. Le lendemain, le parquet près le tribunal de Sidi M’hamed précisait à travers un communiqué que notre confrère «fait l’objet d’une instruction préliminaire pour des plaintes et faits susceptibles d’être qualifiés de pénaux». L’arrestation arbitraire et le procès intenté à notre amie Kenza Khatto, qui ne faisait pourtant que son travail, les convocations à répétition d’El Kadi Ihsane pour ses articles, son placement sous contrôle judiciaire, à quoi s’ajoute la mise sous mandat de dépôt de l’un de ses associés, en la personne de Nabil Mellah, un manager à l’intégrité reconnue de tous, n’ont qu’une signification : les autorités, en panne d’arguments, perdant toute retenue, sont décidées à clouer le bec à ce média libre et son journalisme courageux.