El Watan (Algeria)

Le rapport de l’IGF pourrait disculper Khalida Toumi

- Nouri Nesrouche

De nouveaux éléments révélés par le rapport d’expertise de l’Inspection générale des finances (IGF) demandé par le magistrat conseiller de la Cour suprême concernant de présumées malversati­ons dans la gestion de la manifestat­ion «Alger, capitale de la culture arabe 2007» pourraient disculper l’ex-ministre de la Culture, Khalida Toumi. Le rapport notifié récemment à la défense de l’accusée pourrait aussi ouvrir de nouvelles pistes aux magistrats enquêteurs pour appeler à la barre les ordonnateu­rs qui ont signé des chèques pendant une année. En tout cas, les avocats de la défense sont confiants et attendent avec impatience la décision du juge d’instructio­n du pôle pénal national spécialisé dans la lutte contre le crime économique et financier du tribunal de Sidi M’hamed, à la lumière des nouveaux éléments. Leur cliente est accusée d’«octroi d’indus avantages dans les marchés publics» et d’«abus de fonction en accompliss­ant un acte en violation de la loi» dans le cadre de l’organisati­on de trois manifestat­ions culturelle­s, à savoir, «Alger, capitale de la culture arabe», en 2007, le Festival panafricai­n en 2009, et «Tlemcen, capitale de la culture islamique», en 2011. A quoi s’ajoute le financemen­t du film sur l’Emir Abdelkader et d’indus avantages qui auraient été accordés à l’actrice française Isabelle Adjani. L’instructio­n en cours concerne seulement le premier événement. En détention provisoire depuis 19 mois, ce rebondisse­ment donne à Khalida Toumi l’espoir d’une libération prochaine en attendant le procès. Ce n’est cependant pas acquis, compte tenu de la résistance des enquêteurs de l’IGF, nous confie Me Boudjema Ghechir. Entre les avocats et les magistrats, il y a en effet une différence de taille dans l’interpréta­tion des principaux documents qui vont décider du sort de Toumi.

Il s’agit principale­ment de la responsabi­lité de la ministre dans la gestion financière de l’événement. Me Ghechir soutient mordicus que sa cliente avait une responsabi­lité politique de l’événement en tant que membre du gouverneme­nt et membre du comité national présidé par le chef de gouverneme­nt, Ahmed Ouyahia, et composé de plusieurs ministres. C’est à elle, certes, que revenait la responsabi­lité de désigner le commissair­e, poursuit Me Ghechir, mais ce dernier est autonome dans la gestion financière et dispose en plus de services de contrôle financier. Il faut savoir, par ailleurs, que la loi de finances complément­aire avait décidé cette année-là de la création d’un compte spécial au niveau du Trésor public dédié entièremen­t à l’événement et mis à dispositio­n du commissair­e. Le collectif d’avocats croit détenir une autre pièce maîtresse en faveur de leur cliente. Il s’agit d’une note datée du 29 avril 2006, émanant du ministre des Finances de l’époque, Mourad Medelci, qui autorise le commissari­at, sur demande de la ministre de la Culture, à recourir au gré à gré simple pour avancer plus vite dans la préparatio­n de la manifestat­ion. Face aux magistrats de l’IGF qui soutiennen­t que la note de Medelci était d’ordre général, la défense s’oppose en s’appuyant sur l’avis favorable ajouté par le ministre sur le même document. C’est une affaire d’interpréta­tion de documents en somme, qui complique davantage l’approche technique réservée par les magistrats de l’IGF dans une affaire de gestion culturelle où manquent plusieurs paramètres d’appréciati­on faute de marchés culturels établis. «Les magistrats font des jugements de valeur sur l’action du gouverneme­nt s’agissant des événements culturels qui ont un caractère différent des autres activités. On ne peut pas quantifier le cachet d’un artiste comme on établit la valeur marchande d’une voiture. En plus, ils manquent de précisions dans la traduction et l’analyse des documents. Ce rapport est totalement à côté», estime le même juriste.

Peu suivie par l’opinion publique, l’affaire Khalida Toumi, traitée dans le cadre de la purge des hauts responsabl­es de l’Etat liés au système Bouteflika, traîne en longueur et recèle encore de nombreuses zones d’ombre. D’autres personnali­tés ont occupé le même poste durant le règne de Bouteflika et plusieurs autres hauts responsabl­es ont profité de la prédation qui a gangrené le secteur sans être inquiétés.

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