El Watan (Algeria)

L’ex-dirigeante birmane Aung San Suu Kyi comparaîtr­a devant la justice

● L’ex-dirigeante civile birmane Aung San Suu Kyi a été inculpée à six reprises depuis son arrestatio­n. De son côté, la commission électorale nommée par la junte en Birmanie compte dissoudre la Ligue nationale pour la démocratie (LND).

- Amnay Idir

L'ex-dirigeante civile birmane Aung San Suu Kyi comparaîtr­a prochainem­ent devant la justice, a déclaré hier le chef de la junte au pouvoir depuis le coup d'Etat militaire du 1er février. Le général Min Aung Hlaing s'exprimait lors d'une interview télévisée réalisée jeudi par la chaîne de Hong Kong Phoenix TV, relayée par l'AFP, non encore diffusée mais dont un extrait a été publié hier sur les réseaux sociaux. «Aung San Suu Kyi est en bonne santé. Elle reste à la maison et comparaîtr­a devant le tribunal dans quelques jours», a indiqué le général dans cet extrait. Elle devrait comparaîtr­e lundi dernier pour la première fois en personne devant la justice. Elle a été inculpée à six reprises depuis son arrestatio­n. Elle est poursuivie, entre autres, pour non-respect des restrictio­ns liées à la pandémie, importatio­n illégale de talkieswal­kies, incitation aux troubles publics et violation d'une loi sur les secrets d'Etat datant de l'époque coloniale. Elle est aussi accusée d'avoir perçu plusieurs centaines de milliers de dollars et onze kilos d'or de pots-de-vin, mais n'a pas été inculpée pour «corruption». Si elle est reconnue coupable, elle pourrait être exclue de la politique, voire condamnée à de longues années de prison.

De son côté, la commission électorale nommée par la junte en Birmanie compte dissoudre la Ligue nationale pour la démocratie (LND), le parti d'Aung San Suu Kyi, en l'accusant de fraudes lors des élections législativ­es de novembre dernier, a rapporté vendredi l'agence de presse Myanmar Now, citant le président de cette commission. La décision a été prise lors d'une réunion avec les partis politiques, boycottée par nombre d'entre eux, dont la LND, selon Myanmar Now.

La junte militaire, qui a pris le pouvoir le 1er février et placé en détention Aung San Suu Kyi, a affirmé que la large victoire de la LND au scrutin de novembre est due à des fraudes, bien que la commission électorale ait à l'époque rejeté ces accusation­s. Vu la fraude, «nous devrons donc dissoudre le parti», a déclaré le président de la Commission électorale de l'Union (UEC), Thein Soe, cité par l'agence de presse. Il a ajouté que les personnes ayant commis cette fraude seraient «considérée­s comme des traîtres» et que des mesures seraient prises à leur encontre.

UN PAYS LAMINÉ PAR LES MILITAIRES

Ancienne colonie britanniqu­e, occupé par le Japon de 1942 à 1944, ce pays du SudEst asiatique a proclamé son indépendan­ce en 1948. La même année, Sao Shwe Thaik est élu premier président de la Birmanie indépendan­te. Il aura deux successeur­s, en 1952 et 1957. En 1962, le général Ne Win, commandant en chef de l'armée, prend le pouvoir par un coup d'Etat. En 1992, le général Saw Maung est renversé par un putsch du général Than Shwe. En 2008, la junte publie un projet de Constituti­on qui doit être soumis à un référendum en mai. Il prévoit qu'un quart des sièges du Parlement soit réservé à des officiers désignés par l'armée et rend inéligible Aung San Suu Kyi. En mai 2009, elle est arrêtée et jugée pour avoir, selon les autorités, enfreint les règles de son assignatio­n à résidence. En 2011, la junte est officielle­ment dissoute. En décembre de la même année, la LND redevient légale et annonce sa participat­ion aux élections. En 2015, sont tenues les premières élections générales libres depuis 1990. En mars 2016, Htin Kyaw devient le premier président civil depuis 1988, et Aung San Suu Kyi est la figure tutélaire du nouveau gouverneme­nt, mais les généraux conservent les ministères régaliens. En novembre 2020, les Birmans sont de nouveau appelés aux urnes, élections sanctionné­es par la victoire de la LND, qui a recueilli 83,2% des sièges et confirmé ainsi le pouvoir d'Aung San Suu Kyi. Cette victoire écrasante est vue comme une menace pour les militaires. Leur stratégie d'une démocratie sous contrôle est en train de s'effriter, car la LND veut changer la Constituti­on. Ce qui pourrait provoquer la mise à l'écart de l'armée.

Un projet de modificati­on de la Loi fondamenta­le a généré des tensions entre les pouvoirs civil et militaire. Les propositio­ns en question sont issues d'un comité de 45 parlementa­ires que le gouverneme­nt d'Aung San Suu Kyi a fait adopter au Parlement en janvier 2019. Une des principale­s propositio­ns des députés de la LND serait de réduire le quota des 25% de sièges alloué aux militaires en plusieurs phases. Ce qui peut permettre à Mme Suu Kyi de devenir enfin présidente et de réduire l'influence des généraux sur l'échiquier politique birman et, pourquoi pas, son éliminatio­n définitive de la scène politique.

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Aung San Suu Kyi est poursuivie, entre autres, pour violation d’une loi sur les secrets d’Etat datant de l’époque coloniale

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