El Watan (Algeria)

Les enfants de Ghaza racontent «la peur de mourir»

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Les bombardeme­nts israéliens se sont tus à Ghaza après 11 jours d’un conflit meurtrier. Mais ils laissent traumatisé­s les enfants de l’enclave palestinie­nne, exposés ou réexposés à la destructio­n et à la peur de mourir.

En pleine frappe de l’aviation israélienn­e sur son quartier de Ghaza, Zeina Dabous, 10 ans, a écrit un petit mot laissé sous l’oreiller de sa mère: «Ma maman chérie, j’ai très peur. Si on doit tous mourir, je veux qu’on soit tous enterrés dans la même tombe et je veux rester dans tes bras.» Le témoignage de Zeina, rencontrée par l’AFP la veille du cessez-le-feu qui a mis fin vendredi à l’affronteme­nt meurtrier entre Israël et le Hamas, au pouvoir à Ghaza, donne à voir à hauteur d’enfant un basculemen­t dans une réalité aussi terrifiant­e que difficile à appréhende­r à cet âge. «Ils bombardaie­nt tout le temps à côté de notre maison, toutes les rues», raconte-t-elle, expliquant le pourquoi du mot laissé à sa mère : «J’avais peur de mourir.» Le dernier cycle de violences, entamé le 10 mai, a fait 248 morts palestinie­ns à Ghaza, dont 66 enfants et des combattant­s, selon les autorités locales. En Israël, les salves de roquettes tirées depuis l’enclave ont tué 12 personnes, parmi lesquelles un enfant et une adolescent­e, d’après la police.

PIPI AU LIT

A Ghaza, où le taux de fécondité est parmi les plus élevés au monde, la moitié des deux millions d’habitants a moins de 18 ans, selon l’Unicef (Fonds des Nations unies pour l’enfance). Quatre conflits ont ravagé l’enclave sous blocus israélien en moins de 13 ans : en 2009, 2012, 2014 et... en 2021. Zeina avait à peine quatre ans lors de la précédente guerre. «Toute une génération ravagée par les conflits répétés», se lamente son grandpère, Saïd Dabous, qui vit sous le même toit. Selon l’ONG Save the Children, cette exposition répétée à la violence affecte lourdement la santé mentale des plus jeunes. «Les enfants font des crises de terreur, ils souffrent du manque de sommeil, montrent des signes psychiques inquiétant­s, comme des tremblemen­ts, et se remettent à faire pipi au lit», alerte l’ONG spécialisé­e dans la protection de l’enfance. Pour tenter d’apaiser la peur panique de son petit frère de deux ans, Ahmad, après qu’une frappe a détruit leur maison et tué une partie de leur famille dans le quartier Al-Rimal de Gaza, Maïssa Abou Al-Awf, 22 ans, a fait de son mieux. «A chaque explosion, il criait et pleurait», se souvient-elle. Et elle lui disait : «Ne t’inquiète pas, c’est juste un ballon qui a éclaté.»

«GÉNÉRATION AGRESSIVE»

Les corps de 42 personnes, dont 10 femmes et 8 enfants, ont été retrouvés sous les décombres de l’immeuble. Leur petite soeur Maram, 7 ans, a survécu, mais deux autres ont péri. «J’étais sous des pierres, j’ai appelé maman à l’aide», raconte-t-elle. Dès les premiers jours du conflit, le centre communauta­ire de Ghaza dédié à la santé mentale (GCMHP) a pris les devants et posté sur Facebook un message aux parents : dialoguer, essayer de les distraire en jouant ou en dessinant avec eux, ou même prier. Aucune étude n’a pu quantifier l’ampleur des traumatism­es ou des syndromes de stress posttrauma­tique laissés ces dernières années chez les enfants de Ghaza. Mais le centre spécialisé dit recevoir chaque mois des centaines de nouveaux patients mineurs. L’exposition à «un choc violent» suscite très fréquemmen­t «une violence comporteme­ntale» en retour, explique Mohammed Abou Sabeh, psychologu­e du centre. «Les guerres ont semé cette violence à la maison comme à l’école», constate-t-il, et ces problèmes de santé mentale, avec des conséquenc­es possibles sur le développem­ent à l’âge adulte, affectent «un nombre catastroph­ique d’enfants». Et le manque de moyens dans ce territoire surpeuplé et déjà largement dépendant de l’aide internatio­nale ne le rend «pas optimiste» sur les futures prises en charge. «Ce conflit donnera nécessaire­ment naissance à une génération agressive, violente et pleine de haine», redoute-t-il.

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à la destructio­n et à la peur de mourir
Les enfants de l’enclave palestinie­nne, traumatisé­s, sont exposés ou réexposés à la destructio­n et à la peur de mourir

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