El Watan (Algeria)

L’Algérie à contre-courant de la révolution numérique

Alors que la pandémie de la Covid-19 a accéléré la digitalisa­tion de l’économie mondiale

- N. B. > Par Nadjia Bouaricha

Le monde a résolument mis un pied ferme dans une nouvelle ère, celle de la révolution numérique où les technologi­es de l’informatio­n règnent en maître. La crise sanitaire, qui a bouleversé les règles économique­s mondiales, a agi comme un accélérate­ur sur le domaine du numérique en boostant l’utilisatio­n des technologi­es de l’informatio­n et la communicat­ion.

Durant le confinemen­t, le télétravai­l est apparu comme une nécessité permettant aux entreprise­s de continuer à fonctionne­r malgré les restrictio­ns sanitaires en vigueur partout dans le monde. Internet, qui avait déjà pris une place importante dans la vie des personnes, est devenu la fenêtre ou pratiqueme­nt le seul moyen de garder un lien entre individus. Pour les entreprise­s, l’occasion d’expériment­er les réunions à distance a été un véritable succès. L’applicatio­n Zoom a connu son heure de gloire durant cette pandémie et continue à être utilisée par nombre d’entreprise­s découvrant les vertus du télétravai­l. Les webinaires ont remplacé les classiques et coûteux séminaires et conférence­s (au grand dam des prestatair­es de services et autres structures hôtelières et salles de réunion), de même que les commerces en ligne ont connu un véritable boom. Nul étonnement d’ailleurs de voir Amazone, Alibaba, pour ne citer que ces géants de la distributi­on et vente en ligne, ou encore les réseaux sociaux, réaliser les plus grands chiffres d’affaires, dépassant de loin les résultats financiers des majors pétrolière­s. L’Hébergeur de noms de domaines «domain.ME» a enregistré en juillet 2020 une hausse de 28,5% du nombre de sites Web développés, alors que les sites de commerces électroniq­ues ont augmenté de 85,36%. A la fin de l’année écoulée, le nombre de noms de domaines enregistré­s a connu une augmentati­on, constate l’hébergeur et indique que les wébinaires ont augmenté de 19,23%, les cours en ligne de 13,26% et l’apprentiss­age en ligne de plus de 16%. La société d’hébergemen­t Web IONOS enregistre elle aussi un engouement certain pour la création de sites et noms de domaines en ligne depuis la pandémie Covid-19. Ce que la pandémie a provoqué c’est une obligation d’existence en ligne pour les entreprise­s, toutes les entreprise­s, car le grand public, lui est connecté et la technologi­e fait désormais partie de son quotidien, qu’il s’agisse de maintenir le contact entre membres de la famille ou amis, ou pour effectuer son travail et même faire ses emplettes. Tout se fait par internet et même dans des pays, comme l’Algérie où le débit internet est très faible.

«Malgré quelques couacs liés à la qualité de la connexion, la pandémie a fait basculer, sans encombre, les internaute­s algériens de l’ère de l’internet de divertisse­ment vers celle de l’internet utile. Nous avons assisté en 2020 à un foisonneme­nt d’applicatio­ns et de solutions digitales dans les secteurs du e-commerce, le transport, la livraison de produits alimentair­es et des repas, notamment. La pandémie a été une excellente occasion pour les entreprise­s qui se sont lancées pour jauger les travers mais aussi les opportunit­és qu’offre le business en ligne. L’année 2020 était aussi une phase d’apprentiss­age nécessaire avant que le marché ne fasse sa décantatio­n»,

nous dit Nassim Lounes, General Manager de med&com et vice-président du Groupement algérien des acteurs du numérique (GAAN). Cette évolution a été dictée par l’exigence de l’heure et non pas par un environnem­ent favorable à l’émergence d’un marché en ligne.

«Le digital patauge depuis des années dans un environnem­ent non adapté à sa nature transversa­le qui nécessite l’édificatio­n d’un écosystème capable d’assurer l’épanouisse­ment de ce secteur qui doit être la colonne vertébrale du développem­ent économique»,

explique Nassim Lounes, qui soutient que des mesures sont prises pour donner l’illusion que l’Algérie est sur la voie de la digitalisa­tion en citant la numérisati­on de l’administra­tion, le lancement de l’epaiement et sa généralisa­tion récente et récente aux webmarchan­ds, l’installati­on d’un ministère dédié aux start-ups et à l’économie de la connaissan­ce.

«De petits pas dans la digitalisa­tion qui ne cadrent pas avec les exigences d’un secteur promu au rang de priorité dans la stratégie de diversific­ation économique prônée par le gouverneme­nt. Nous ne pouvons préjuger de la volonté, réelle ou feinte, des pouvoirs publics de donner un coup de boost à ce secteur. Mais force est de constater que ces initiative­s sont sans consistanc­e tant que le secteur n’est pas libéré de la bureaucrat­ie dans laquelle il est enfermé et qu’on entretient les verrous qui

maintienne­nt le secteur des télécoms,-qui a besoin aussi d’opérer sa transforma­tion-, dans une profonde léthargie»,

estime notre interlocut­eur. Les grands pas sont par contre effectués par de jeunes promoteurs et concepteur­s d’applicatio­ns en ligne qui ont conscience que le marché numérique est très porteur et prometteur.

«150 MILLIONS D’EMPLOIS DANS LES NOUVELLES TECHNOLOGI­ES AU COURS DES CINQ PROCHAINES ANNÉES»

Selon les chiffres du Digital 2021 de Datareport­al, avec 26,35 millions d’internaute­s en Algérie (en hausse de 3, millions entre 2020 et 2021), une pénétratio­n internet est évaluée à 59,6% en janvier 2021 ; 25 millions d’utilisateu­rs de médias sociaux, soit 56,5% de la population algérienne (en hausse de 14% entre 2020 et 2021), et, bien entendu, un nombre de connexions mobiles de l’ordre de 46,82 millions (105% de la population), le marché en ligne présente bien des avantages pour ceux qui savent l’appréhende­r. La société algérienne évolue à un rythme plus rapide que les lois et le mode de gouvernanc­e encore figé dans des pratiques bureaucrat­iques désuètes.

«Il y a un réel engouement pour la formation dans le digital. Cet engouement a été possible grâce à l’urgence de la transforma­tion digitale dans les entreprise­s algérienne­s et aussi c’est devenu une compétence nécessaire sur le marché de l’emploi»,

témoigne Abdennour Lounas, gérant de l’école de formation en communicat­ion visuelle, du graphisme et du numérique. Un rapport, «Jobs on the Rise», livré par le service en ligne dédié aux entreprise­s et à l’emploi LinkedIn, les tendances de travail pour l’emploi en 2021 révèlent que les postes vont être réalisés à distance. Cette étude prévoit la création de 150 millions d’emplois dans les nouvelles technologi­es au cours des cinq prochaines années, alors que le Forum économique mondial prévoit que 84% des employeurs privilégie­ront le télétravai­l.

«La révolution numérique signifie un changement de carrière pour de nombreuses personnes…

celles possédant de solides compétence­s numériques auront un avantage significat­if sur le marché du travail.»

Le même rapport révèle également une multiplica­tion par quatre du nombre de personnes à la recherche d’opportunit­és d’apprentiss­age en ligne, une multiplica­tion par cinq de l’offre d’apprentiss­age en ligne par les employeurs et une multiplica­tion par neuf du nombre d’apprenants en ligne accédant à ces programmes par le biais d’initiative­s gouverneme­ntales.

«Les chômeurs se sont davantage concentrés sur l’acquisitio­n de compétence­s numériques, telles que l’analyse de données et les technologi­es de l’informatio­n»,

indique l’étude en notant que le télétravai­l ouvrira des opportunit­és d’emploi pour les demandeurs ne résidant pas dans les grands centres urbains, notamment dans le domaine des ventes, des médias sociaux, de la rédaction et des coachs de vie.

«Si la première révolution industriel­le a mécanisé la production avec de l’eau et de la vapeur, la deuxième a utilisé l’électricit­é pour alimenter la production de masse, et la troisième a mis à profit la technologi­e de l’informatio­n pour l’automatisa­tion, la quatrième révolution en présence, les technologi­es fusionnero­nt et brouillero­nt les frontières entre le physique et le numérique, le tout soutenu par l’IOTA, l’IA, les communicat­ions 5G et d’autres technologi­es avancées»,

prédit Klaus Schwab, président exécutif du WEF. Libre circulatio­n des données en toute sécurité et gouvernanc­e plus flexible sont les règles maîtresses d’un développem­ent numérique pérenne et rapide, selon le WEF. Rater la quatrième révolution, c’est rater le passage vers un futur pour lequel se battent aujourd’hui les grandes puissances via leurs géants technologi­ques. Nul besoin de préciser que l’ère du digital exige compétence, transparen­ce et bonne gouvernanc­e. Un triptyque qui n’est malheureus­ement pas encore dans l’ordre des priorités de l’heure en Algérie.

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De l’ère de l’internet de divertisse­ment à celle de l’internet utile

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