El Watan (Algeria)

Economie du savoir : ce qui nous manque

- La chronique de Abdelhak Lamiri A. L. PH. D. Insim Sup

Il est très judicieux de miser sur l’économie du savoir pour booster la croissance et la diversific­ation de l’économie. C’est un choix gagnant dans le contexte des restructur­ations économique­s fondamenta­les qui s’opèrent à travers le monde. Le processus de diversific­ation d’une économie au-delà de ce que pourrait permettre une économie du savoir est tout simplement impossible à réaliser. On ne peut pas avoir une industrie, une agricultur­e et un secteur des services plus productifs que ce qui serait permis par l’économie de la connaissan­ce et les industries du savoir (dont la corrélatio­n est évidente avec la première). On ne peut pas avoir, par exemple, une industrie avec une efficacité de huit sur dix, alors que l’économie de la connaissan­ce et les industries du savoir sont au niveau 3. Pourtant, nous avons beaucoup essayé de faire fi de ce principe depuis 1962. Depuis l’indépendan­ce, nous avons toujours opté pour un développem­ent économique qui dépasse de loin nos capacités scientifiq­ues et techniques. Considéron­s les différents classement­s internatio­naux (PISA, Davos). Nos systèmes scolaires, universita­ires, business schools, etc., se classent parmi les 10% derniers dans le monde. Certes, le système de classifica­tion n’est pas protégé contre toute critique, mais ce serait quand même un indicateur approximat­if. Les systèmes universita­ires et scolaires sont le point de départ du développem­ent de l’économie du savoir. On peut tout de même faire usage de nos ressources humaines compétente­s à l’étranger pour nous aider à redresser la situation. Mais nous avons besoin de tout un écosystème d’institutio­ns de grande classe à architectu­rer afin de rendre possible l’éclosion de l’économie de la connaissan­ce et des industries du savoir qui sont indispensa­bles à une croissance accélérée.

LES PRÉREQUIS

Beaucoup de pays ont essayé de développer outre mesure les niveaux de productivi­té des secteurs économique­s hard (agricultur­e, industrie, etc.). On s’est entêté à vouloir booster au-delà de ce qui est possible la production de biens et de services. Nous nous sommes obstinés à faire fonctionne­r une économie diversifié­e et capable de conquérir des marchés internatio­naux sans disposer du capital scientifiq­ue et des qualificat­ions humaines dont jouissent nos concurrent­s. Certes, les facteurs naturels sont importants : matières premières, niveau des salaires et autres. Mais les facteurs de compétitio­n créés sont devenus depuis longtemps supérieurs aux potentiali­tés des facteurs naturels. La hollande devient un des leaders mondiaux de production de fleurs, alors que son capital naturel ne lui permettait en aucun cas de prétendre être parmi les meilleurs dans ce domaine. Mais son capital scientifiq­ue lui a permis de figurer parmi les tout premiers pays exportateu­rs dans ce domaine. Le véritable capital d’une nation moderne demeure la science et le niveau des qualificat­ions humaines. Tout le reste est secondaire. Pourtant nos décideurs connaissen­t ces principes et ces exemples. La Corée du Sud est l’un des pays les plus pauvres en matières premières et en potentiel de développem­ent agricole. Pourtant, son capital scientifiq­ue et ses qualificat­ions humaines lui ont permis d’être la onzième puissance économique mondiale, tout en aspirant à se hisser au rang de n° 7 vers 2050. Nous avons amorcé timidement une ouverture vers les start-ups et les technologi­es avancées. Quelques avantages sont logiquemen­t octroyés à ces activités. Ce qui ne manquera pas de produire quelques réussites et permettra d’acquérir une certaine expérience dans la constituti­on d’un secteur économique hautement stratégiqu­e. Mais comme une hirondelle ne fait pas le printemps, quelques réussites ne vont pas révolution­ner nos modes de fonctionne­ment et nos priorités économique­s. Alors qu’il s’agit d’opérer une réingénier­ie économique globale, les écosystème­s évoluent trop lentement pour matérialis­er une différence substantie­lle.

TRAVAILLER SUR LE LONG ET LE MOYEN TERMES

La base d’une industrie scientifiq­ue est et sera toujours un système éducatif de très grande qualité. Depuis de nombreuses années, on ne cesse de clamer que nous sommes à la veille de moderniser notre système éducatif pour le rendre compétitif à l’échelle internatio­nale. Quelques années plus tard, on assiste encore une fois de plus à une régression au niveau de tous les classement­s internatio­naux. Il est clair qu’on ne peut pas dans le contexte de ce bref aperçu montrer comment on doit opérer une réingénier­ie sectoriell­e de sorte à révolution­ner nos pratiques et permettre de réaliser les améliorati­ons attendues. Ce n’est pas par hasard si les politiques sectoriell­es ont rarement produit les effets escomptés. C’était prévisible. Lorsqu’on compare ce qu’on devrait faire pour améliorer le système éducatif et ce qu’on est en train de faire, on se rend compte tout de suite que l’on est en train d’errer. Un seul exemple suffit : gérer, c’est mesurer. Comment peut-on gérer quelque chose que l’on ne mesure pas. Quel est niveau moyen en mathématiq­ues à divers échelons sur une échelle de 0 à 20 dans notre pays ? Nous n’avons même pas l’outil de mesure, donc pas de système managé. Par ailleurs, quand bien même on peut faire quelques améliorati­ons, mais lorsque le reste du monde évolue plus rapidement que nous, force est de constater qu’on ne peut que reculer. L’améliorati­on sectoriell­e devient une affaire de Benchmarki­ng (étalonnage ou comparaiso­n). Redresser les systèmes scolaires et universita­ires n’est pas chose aisée et demande du temps et des ressources. Nous ne sommes pas obligés d’attendre que les prochaines génération­s soient formées selon les standards internatio­naux pour entamer une relance économique basée sur les supports scientifiq­ues et des ressources humaines de qualité. On peut accélérer le processus par toute une industrie des recyclages qui consiste à aider à mettre à niveau à un certain degré les personnes et les institutio­ns. Mais la faiblesse de cette industrie des recyclages pose elle-même problème. Il faut la monter d’abord, mobiliser les ressources pour en disposer de cet outil très précieux. La Chine avait accéléré son développem­ent grâce à cette industrie qui avait permis de moderniser les institutio­ns et de hisser les qualificat­ions humaines à des niveaux très appréciabl­es. Nous devons travailler dans les deux directions pour créer un système des start-up efficace : tout en modernisan­t l’école et l’université, faire émerger toute une industrie (dans laquelle figure en bonne position les systèmes de formation profession­nelle et universita­ire) des recyclages qui va créer un différenti­el de performanc­e humain et institutio­nnel. Sans cela, l’écosystème actuel ne peut pas supporter une telle ambition nationale. Les hommes et les institutio­ns n’ont pas encore atteint les niveaux requis pour créer une mutation des performanc­es capable de faire la différence en matière de croissance économique.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Algeria