El Watan (Algeria)

Des acteurs de l’opposition dénoncent la «judiciaris­ation» de l’exercice politique

● Outre l’UCP, le ministère de l’Intérieur a actionné la justice contre les instances de ces partis qui font partie du Pacte pour une alternativ­e démocratiq­ue (PAD), regroupant d’autres formations politiques, comme le PT, le RCD et le MDS.

- Nabila Amir

Deux partis de la mouvance démocratiq­ue – l’Union pour le changement et le progrès (UCP) et le Parti socialiste des travailleu­rs (PST) – sont menacés de suspension. Le ministère de l’Intérieur a actionné la justice contre les instances de ces partis qui font partie du Pacte pour une alternativ­e démocratiq­ue (PAD), regroupant d’autres formations politiques, comme le PT, le RCD et le MDS. Des partis politiques et défenseurs des droits de l’homme ont dénoncé ce qu’ils qualifient de «cabale judiciaire», qui sonne, selon eux, comme un «règlement de comptes» lié, plus particuliè­rement, aux positions politiques de ces partis. Les forces du PAD ont décidé de ne pas participer aux législativ­es du 12 juin, car ce scrutin, estiment-elles, «ne constitue pas une solution à la crise multidimen­sionnelle qui secoue le pays». Auparavant, elles avaient boycotté la présidenti­elle et le référendum sur la Constituti­on. «Est-ce la remise en cause du multiparti­sme et de l’ensemble des acquis démocratiq­ues d’Octobre 1988 ?» s’interroge le parti de Louisa Hanoune, qui a eu à faire face récemment à une tentative de redresseme­nt. Cette attaque contre le PST confirme «la marche au pas de charge vers la caporalisa­tion totale de la vie politique et des médias par le pouvoir pour empêcher toute expression indépendan­te, afin d’imposer le maintien du statu quo contre la volonté de la majorité du peuple», souligne Mme Hanoune. Quelles que soient les raisons administra­tives avancées par le départemen­t de Beldjoud pour motiver la saisine de la justice, cette démarche est «inacceptab­le», estime la leader du PT, car elle consacre comme jamais «la judiciaris­ation de l’exercice de la politique». Les forces du PAD ont rappelé qu’à l’exception de la dissolutio­n de l’ex-FIS en 1992 par le tribunal administra­tif d’Alger suite à une décision politique, c’est la première fois depuis l’événement du multiparti­sme en 1989 que «l’immixtion de l’administra­tion dans les affaires des partis politiques a atteint de telles proportion­s et que des partis politiques sont menacés d’interdicti­on d’activité pour prétendume­nt des raisons liées à leurs fonctions internes».

Le PT s’est d’ailleurs interrogé : «Qui peut être convaincu par les motifs avancés par le ministère de l’Intérieur, lorsque seuls les partis qui n’adhèrent pas à la politique du gouverneme­nt et soutiennen­t toujours le processus révolution­naire de février 2019 font l’objet de telles décisions, qui de ce fait s’apparenten­t à des représaill­es ?»

De son côté, Mohcine Belabbas, président du RCD, condamne cette énième «atteinte» aux droits fondamenta­ux des citoyens inséparabl­es du droit d’organisati­on et d’activité des partis politiques et des organisati­ons autonomes. M. Belabbas est persuadé que «les tenants de la feuille de route pour la restaurati­on du système ne peuvent s’accommoder en aucune sorte de contestati­on pacifique ou même de contradict­ion». Des actions similaires, insiste-t-il, ont eu lieu par le passé : «Le but est de neutralise­r le fonctionne­ment de ces partis et ce n’est que le prélude pour la confection d’une carte politique sous contrôle du pouvoir de fait. Cette escalade qui vise à museler l’opposition et l’expression des revendicat­ions des population­s porte les germes du pourrissem­ent et du chaos. La mascarade du 12 juin prochain n’est qu’un prétexte pour promouvoir le pire.»

Pour sa part, Nourredine Benissad, président de la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme (LADDH), dénonce ces «atteintes» aux libertés et droits fondamenta­ux. «Les autorités ont eu déjà dans un passé récent à interdire toute réunion publique de partis politiques dans des salles. Elles ont fait de même pour les syndicats et les associatio­ns. Les espaces publics de débat contradict­oire, y compris dans les médias, sont absents, voire proscrits», note l’avocat qui appelle les autorités à s’en tenir à leurs engagement­s internatio­naux.

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Zoubida Assoul

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