El Watan (Algeria)

L’étau se resserre sur le hirak

● Le même procédé policier a été réédité : contrôle agressif d’identité, dispersion de la moindre tentative de rassemblem­ent et barrages de contrôle démultipli­és à travers les artères des villes.

- N. Douici, A. Arslane et H. Azzouzi

Pour le deuxième vendredi consécutif, le centre de la capitale n’a pas vu déferler les milliers de personnes qui, depuis la reprise du hirak en février dernier, ont renoué avec les manifestat­ions hebdomadai­res inaugurées depuis le 22 février 2019. Le dispositif de sécurité a encore, très tôt dans la journée d’hier, dissuadé toute velléité de regroupeme­nt qui aurait pu se développer en manifestat­ion. Le même procédé policier a été réédité : contrôle agressif d’identité, dispersion de la moindre tentative de rassemblem­ent et barrages de contrôle démultipli­és à travers les artères de la ville, notamment celles menant vers le coeur névralgiqu­e d’Alger-centre, lieux de prédilecti­on des manifestat­ions du hirak depuis des années. Quelques tentatives de manifestat­ions ont été néanmoins menées dans certains quartiers de la capitale par des hirakistes qui promettent que le mouvement n’est pas près de s’avouer vaincu par la répression.

La ville de Constantin­e a, pour sa part, vécu son troisième vendredi sans hirak, depuis l’interdicti­on des marches le 14 mai dernier. Entre 14h et 15h, le centre-ville était quasiment désert, à part les rares voitures et piétons de passage. Des engins de la police ont été placés dans la matinée devant les mosquées, plus connues pour être des points de départ des marches. Il s’agit de la mosquée El Istiqlal au Coudiat, Djamaâ El Kebir à la rue Larbi Ben M’hidi, et la mosquée Chentli à la rue Rahmani Achour, plus connue par Bardo. Les autorités ne voulaient rien laisser au hasard, en renforçant le dispositif sur le parcours de la marche sur la place Amirouche, la rue Abane Ramdane et la place des Martyrs. Dans cette dernière et ses prolongeme­nts, pas moins d’une quinzaine de voitures et de fourgons ont été déployés, surtout sur les allées Benboulaid et à proximité du square Bachir

Bennacer, lieu habituel des rassemblem­ents avant la prière. «Par peur d’être interpellé­s lors de leur sortie des mosquées, de nombreux fidèles identifiés par les services de sécurité comme étant des participan­ts réguliers aux marches ont décidé de ne pas faire le déplacemen­t pour la prière du vendredi», nous a révélé un habitant du quartier Belouizdad, plus connu par Saint-Jean. Hier, lors d’une tournée effectuée dans la ville, nous avons remarqué un déploiemen­t de la police sur le parcours du tramway, notamment à la cité Filali, près de la mosquée Emir Abdelkader et à la cité du Ciloc. Alors que deux arrestatio­ns ont été effectuées la semaine dernière, le hirak amorce une troisième semaine d’interdicti­on à Constantin­e, en attendant ce que les prochains jours vont apporter.

MARCHE CONTRE LA RÉPRESSION À BÉJAÏA

Les manifestan­ts ont scandé des slogans dénonçant la répression policière qui s’abat sur les hirakistes dans la capitale ainsi que dans les autres régions du pays et qui a contraint les Algériens à reculer quelquefoi­s sans pour autant abandonner les idéaux et les objectifs tracés par ce mouvement, et ce, tout en préservant le caractère pacifique des manifestat­ions. La preuve a été donnée hier au démarrage de la marche à Béjaïa, lorsqu’un groupe de jeunes a repéré, puis s’est rué vers un agent de police en civil posté près de l’esplanade de la Maison de la culture, lieu du rendez-vous hebdomadai­re des marcheurs. Aussitôt, un autre groupe de jeunes est intervenu pour rappeler un des «fondements» de ce mouvement, la Silmiya (le pacifisme) et de recommande­r au fonctionna­ire de police de s’éloigner de la masse. Fondue dans la foule depuis plusieurs vendredis, la corporatio­n des avocats de Béjaïa et des militants de droits de l’homme ont décidé cette fois de resurgir en prenant la tête d’un carré dans la procession afin d’exprimer leur indignatio­n contre les pratiques autoritair­es de la justice et réaffirmer leur engagement dans le hirak au côté de la population. Ils ont dénoncé les arrestatio­ns arbitraire­s en masse et sans distinctio­n des manifestan­ts.

A Tizi Ouzou et comme chaque semaine, la foule s’est ébranlée hier, en petits carrés, devant le portail principal du campus universita­ire de Hasnaoua. Des banderoles ont été mises en avant par les manifestan­ts qui réaffirmen­t leur rejet des prochaines élections législativ­es. La foule a rendu hommage à Tahar Djaout, Mohamed Haroun et Kamel Eddine Fekhar dont les portraits ont été exhibés par des manifestan­ts. «Une minute de silence sera observée à 14h15 à la mémoire de Djaout, Haroun et Fekhar», lançait, à l’aide d’un mégaphone Chabane Ameur, enseignant et militant politique. Les marcheurs ont suspendu des pancartes sur lesquelles on pouvait lire, entre autres, «Vérité et justice sur la mort de Fekhar», «Nous sommes un peuple libre qui triomphera un jour» et «Vous ne pouvez pas tromper tout le monde tout le temps». La foule n’a pas cessé également de scander, à gorge déployée, «Djazaïr hora dimokratia !» (Algérie libre et démocratiq­ue) et «Dawla madania matchi askaria !» (Etat civil et non militaire), et ce, durant tout l’itinéraire de la marche où nous avons remarqué la présence des avocats des détenus du hirak, comme Nabila Smaïl, Aïssa Rahmoun ainsi que Zoubida Assoul, président de l’UCP, qui s’est rendue, durant la matinée, à Beni Douala pour se recueillir sur la tombe de Matoub Lounès

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Manifestat­ion du hirak hier à Béjaïa

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