Sommet extraordinaire des dirigeants ouest-africains
● Vendredi, la Cour constitutionnelle malienne a déclaré le colonel Goïta chef de l’Etat et président de transition du Mali, parachevant le deuxième coup d’Etat, conduit par l’officier en question et les militaires, en neuf mois. Vice-président, il a repr
Les chefs d’Etat et de gouvernement de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) se réunissent, aujourd’hui, à Accra (Ghana) en sommet extraordinaire consacré au Mali. La Cédéao a invité le colonel Assimi Goïta à venir à Accra. Il était attendu hier pour des «consultations», selon l’AFP citant un courrier de l’organisation. Vendredi, la Cour constitutionnelle malienne a déclaré Assimi Goïta chef de l’Etat et président de transition du Mali, parachevant le deuxième coup d’Etat, conduit par l’officier en question et les militaires, en neuf mois. La Cédéao a co-rédigé avec l’Union africaine, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma), la France, les Etats-Unis, entre autres, un communiqué rejetant «par avance tout acte imposé par la contrainte, y compris des démissions forcées». Une mission de la Cédéao dépêchée au cours de la semaine au Mali a évoqué l’éventualité de sanctions. Engagés militairement au Sahel, la France et les Etats-Unis ont évoqué une telle option.
Lundi dernier, les militaires ont arrêté le président Bah Ndaw et le Premier ministre Moctar Ouane, qui assuraient la transition dans le pays. Ils les ont fait conduire de force au camp de Kati, haut lieu de l’appareil de Défense à quelques kilomètres de Bamako. Cet événement intervient quelques heures seulement après l’annonce d’un nouveau gouvernement, que dominent toujours les militaires. Néanmoins, sont écartés des officiers proches de la junte qui a pris le pouvoir après le coup d’Etat d’août 2020 et dont Assimi Goïta est le chef. Des militaires détiennent toujours les ministères de la Défense, de la Sécurité, de l’Administration territoriale et de la Réconciliation nationale. Mais parmi les changements annoncés dans un communiqué lu à la radio-télévision publique, deux membres de l’ancienne junte, les colonels Sadio Camara et Modibo Kone, quittent leurs portefeuilles respectifs de la Défense et de la Sécurité. Ils sont remplacés respectivement par le général Souleymane Doucoure et le général Mamadou Lamine Ballo. Les portefeuilles de l’Education et des Affaires foncières sont confiés à deux membres de l’Union pour la République et la démocratie (URD), principale force politique du Mouvement du 5-Juin (M5), le collectif qui a animé la contestation ayant débouché sur le renversement du président Keïta. Mi-avril, les autorités de transition ont annoncé l’organisation, le 31 octobre, d’un référendum sur une révision constitutionnelle promise de longue date et ont fixé à févriermars 2022 les élections présidentielle et législatives à l’issue desquelles elles remettraient le pouvoir à des dirigeants civils. Mardi, le colonel Assimi Goïta a indiqué avoir déchargé de leurs prérogatives le Président et le Premier ministre de transition. Il a aussi affirmé, dans une déclaration lue à la télévision publique par un collaborateur en uniforme, que «le processus de transition suivra son cours normal et que les élections prévues se tiendront courant 2022». Vice-président, le colonel Goïta, à la tête des putschistes qui ont renversé le président élu, Ibrahim Boubacar Keïta, en août 2020, a reproché aux deux dirigeants d’avoir formé un nouveau gouvernement sans se concerter au préalable avec lui, bien qu’il soit en charge de la Défense et de la Sécurité. «Une telle démarche témoigne d’une volonté manifeste du président de la transition et du Premier ministre d’aller vers une violation de la charte de transition (…), d’où une intention avérée de sabotage de la transition», a-t-il indiqué. La charte, rédigée principalement par les colonels, est un texte référence de la transition censée ramener des civils au pouvoir. Le colonel Goïta a affirmé être «dans l’obligation d’agir» et de «placer hors de leurs prérogatives le Président et le Premier ministre ainsi que toutes les personnes impliquées dans la situation».
LES PRONUNCIAMIENTOS COMME TRADITION
L’histoire du Mali est marquée par des putschs. Ainsi, le 19 novembre 1968, un putsch dirigé par 14 officiers, dont le lieutenant Moussa Traoré, renverse Modibo Keïta, au pouvoir depuis l’indépendance en 1960, et met en place un Comité militaire de libération nationale (CMLN). Traoré cumule les fonctions de président du CMLN, chef de l’Etat et du gouvernement. Quant à Modibo Keïta, il meurt en détention dans la capitale Bamako en 1977 dans des circonstances suspectes. D’après la version officielle, il est mort d’un oedème pulmonaire. Durant son règne, Moussa Traoré a réduit toutes les libertés. En 1978, il fait arrêter son ministre de la Défense, Kissima Doukara, qu’il accuse de planifier un coup d’Etat pour le renverser. L’année suivante, il crée l’Union démocratique du peuple malien (UDPM), parti unique, qui dirige le pays. Promu général en 1983, il est renversé le 26 mars 1991 lors d’un coup d’Etat militaire précédé d’un soulèvement populaire. Un Comité de transition pour le salut du peuple (CTSP), présidé par Amadou Toumani Touré, est chargé de diriger le pays. Après une conférence nationale qui adopte un projet de Constitution instaurant le multipartisme et un système présidentiel, Amadou Toumani Touré remet le pouvoir à un régime civil. En 1992, Alpha Oumar Konaré est élu Président à l’issue des premières élections démocratiques de l’histoire du Mali. En mai 2002, Amadou Toumani Touré retrouve le pouvoir en remportant le second tour de l’élection présidentielle. Alpha Oumar Konaré est réélu en 1997. Il ne s’est pas représenté, respectant en cela les termes de la Constitution limitant à deux le nombre de mandats à la magistrature suprême. En mars 2012, des militaires dirigés par le capitaine Amadou Haya Sanogo renversent le régime du président Amadou Toumani Touré, l’accusant d’«incompétence» dans la lutte contre la rébellion touareg et les groupes islamistes dans le Nord. Le 18 août, une mutinerie éclate dans la garnison militaire de Kati, près de Bamako, d’où était parti le pronunciamiento de 2012. Le président Keïta et son Premier ministre Boubou Cissé sont arrêtés. Des soldats fraternisent avec des manifestants qui réclament depuis des mois le départ du chef de l’Etat, l’accusant de corruption et d’impuissance face à l’insécurité.