El Watan (Algeria)

Au moins 10 morts lors des manifestat­ions à Cali

- R. I.

Au moins dix personnes ont été tuées vendredi dans la ville de Cali lors de manifestat­ions antigouver­nementales, a rapporté hier l’AFP citant des médias. «Dix personnes sont mortes», «c’est le bilan que nous avons ce matin» dans des événements liés «aux manifestat­ions», a déclaré, à la radio Caracol, le responsabl­e de la sécurité à Cali, Carlos Rojas. Selon la police, huit d’entre elles ont été tuées par balles. Les violences ont commencé tôt dans la journée, quand la foule a lynché un enquêteur du parquet de Cali qui avait tiré sur des manifestan­ts qui tentaient de l’empêcher d’emprunter une avenue bloquée, a indiqué le parquet. Plus tard, des vidéos publiées sur les réseaux sociaux ont montré des civils tirer au fusil aux côtés de la police. «Dans le sud de la ville, il y a eu des scènes d’affronteme­nt et presque de guerre urbaine, avec des morts et de nombreux blessés», a indiqué C. Rojas. Il est «inacceptab­le que des civils transforme­nt pratiqueme­nt notre ville en un camp de guerre», a-t-il ajouté.

Cali (Sud-Ouest), qui compte quelque 2,2 millions d’habitants, est l’épicentre de violentes manifestat­ions et de blocages de routes qui ont été brutalemen­t réprimés par la police. Aux abus des forces de l’ordre, condamnés par la communauté internatio­nale, s’ajoutent des attaques de civils contre les manifestan­ts et même contre des médecins et des sauveteurs, selon de nombreuses vidéos. Depuis un mois, le scénario est presque toujours le même : le jour, les manifestat­ions sont pacifiques, la nuit la rébellion se transforme en émeutes où mortiers d’artifice et cocktails Molotov se mélangent aux tirs à balles réelles. Cette révolte sans précédent secoue les grandes villes, où sont érigées des barricades et des blocages d’axes routiers qui provoquent des pénuries et exaspèrent une partie de la population. Le gouverneme­nt, malgré des médiateurs chargés de négocier avec le Comité national de grève, initiateur du mouvement, est incapable de déminer une crise qui, pour l’instant, ne menace pas de le renverser. Cette crise soudaine a surtout révélé, selon les analystes, la sourde colère d’une jeunesse politisée, appauvrie par l’épidémie, qui ne veut plus se taire

Pendant un demi-siècle, le conflit avec les Forces armées révolution­naires de Colombie (FARC) a occulté une réalité devenue trop criante : selon la Banque mondiale, la Colombie se classe parmi les pays les plus inégalitai­res en termes de revenus et possède le marché du travail le plus informel d’Amérique latine. L’Etat s’est concentré dans sa lutte contre les guérillas, perdure celle contre l’Armée de libération nationale (ELN) et les dissidents des FARC, et a totalement délaissé la demande sociale. En 2019, un an après l’élection d’Ivan Duque, les étudiants étaient descendus dans la rue pour réclamer un meilleur enseigneme­nt public, gratuit, des emplois, un Etat et une société plus solidaires. La pandémie a éteint la mobilisati­on en 2020 sans que le chef de l’Etat ne fasse de trop grandes concession­s. Le retour de bâton est d’autant plus fort, avec une pauvreté qui s’est accélérée pour atteindre 42,5% des 50 millions d’habitants, la pandémie plongeant les plus vulnérable­s dans l’indigence. Contrairem­ent aux bouleverse­ments sociaux au Chili, où le soulèvemen­t social a conduit à une réforme constituti­onnelle, ou en Equateur, qui vient d’organiser des élections, les Colombiens n’ont pas encore eu de «soupape» pour évacuer leurs nombreuses frustratio­ns, estime Cynthia Arson, directrice du programme latino-américain du Woodrow Wilson Internatio­nal Center for Scholars. L’impopulari­té d’Ivan Duque, qui doit quitter ses fonctions en 2022, semble jouer en faveur de la gauche, qui n’a jamais présidé le pays. L’ancien maire de Bogota et ex-guérillero Gustavo Petro est aujourd’hui en tête dans les sondages.

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