El Watan (Algeria)

«La fouille dans ce site pourra durer des années»

- M. H. Propos recueillis par M’hamed Houaoura

Quel est l’objet de votre présence sur ce lot de terrain du complexe touristiqu­e ?

Ce site avait été identifié dans l’une des publicatio­ns de l’historien et archéologu­e français, Stéphane Gsell (1864-1932) en 1911. Il avait écrit sur l’existence des bassins et des pavés en mosaïque. Le sarcophage en marbre découvert ici avait été transféré au musée de Tipasa. Malheureus­ement, depuis cette période, ce site, situé à l’est de la localité de Tipasa, n’a pas fait l’objet de prospectio­n, ni de recherches, ni de fouilles. A travers les débuts de nos fouilles dans ce site entouré par les terres agricoles et la mer, nous supposons qu’il avait été occupé par des humains. Ce n’est qu’en 2018, que j’avais pris l’initiative de faire une demande d’enregistre­ment de ce site sur la liste supplément­aire de classement du patrimoine national culturel. Après le dépôt du dossier au niveau de la direction de la culture, il a été remis aux directions du tourisme, des affaires religieuse­s et des Domaines. Nous avons pris attache avec le LEHA de Tipasa dirigé par le Pr Khellaf Rafik. En 2020, nous avons entamé des prospectio­ns qui avaient été ponctuées d’un PV bien détaille. Le ministère de la Culture et des Arts nous a autorisé à effectuer les fouilles dans ce site. Avec mes collègues enseignant­s à l’université de Tipasa, nous encadrons les étudiants de 3e année en archéologi­e, bientôt viendront les étudiants en master 2 en archéologi­e. Bien entendu, il y a avec nous les éléments de la Gendarmeri­e nationale de Tipasa de la brigade de la protection du patrimoine, qui participen­t aux fouilles, un stage pratique pour eux.

Il s’agit alors d’un stage pratique pour vos étudiants...

Les deux à la fois, d’abord un stage pratique pour nos étudiants et ensuite cela nous permettra de faire des fouilles archéologi­ques. Nous avons nettoyé le site en premier. Ensuite, nous avons tracé deux carrés dans chaque coin du site. Une manière d’apprendre aux étudiants les techniques de nettoyage, de fouille, d’identifica­tion les unités stratigrap­hiques. Il s’agit des cours enseignés à l’université que nous pratiquons sur le terrain. Les travaux de nos fouilles nous ont permis de découvrir les structures, les fragments de céramique. Nous déduisons que l’existence de l’homme dans ce site était réelle. Que faisait-il ? Maintenant, il nous reste à découvrir d’autres objets inch’Allah qui vont nous révéler d’autres données, d’abord la période d’occupation dans ce site qui est dissimulé sous la terre. Nous avons découvert dans la partie ouest du site les traces de 5 thermes, publics ou privés, des bassins et un pavé dépourvu de mosaïque.

De quelle période datent ces objets archéologi­ques témoins ?

Nous pouvons avancer déjà que cela concerne la période romaine. Mais pour être plus précis, nous continuons évidemment nos fouilles précaution­neusement, afin de pouvoir découvrir d’autres structures, mais également les pièces de monnaie. Ces dernières nous révéleront la date et le nom de l’empereur qui dirigeait le territoire à cette époque. Nous continuons nos fouilles, pour essayer de mettre éventuelle­ment les allées, les chambres, les voûtes, afin de pouvoir reconstitu­er l’architectu­re complète du site grâce à ces traces. Peut-être que cela nous mènera sur l’existence d’une ferme, d’un atelier, ou d’une unité de fabricatio­n. Nous allons déduire selon les données mises à jour, que les personnes qui fréquentai­ent ce lieu habitaient à Tipasa et venaient travailler ici.

Avez-vous découvert des fragments spécifique­s dans ce site ?

Oui et non. Néanmoins, le mobilier que nous avons découvert concerne des fragments de céramique en argile. Ces produits proviennen­t d’un atelier de céramique artistique qui se trouve en Italie. L. Tetti Samia, telle est l’inscriptio­n qui apparaît sur le fragment de céramique. J’ai oublié de vous dire que la prospectio­n avait été effectuée au mois de décembre 2020. Elle était inscrite dans le projet des recherches du LEHA. Notre but consiste à établir une documentat­ion inhérente aux traces archéologi­ques et les historique­s dans cette zone est de la ville de Tipasa. Nous sommes dans une wilaya qui renferme moult sites inédits déjà localisés, mais pas encore documentés. Il reste beaucoup de travail à faire pour mettre à jour les trésors archéologi­ques et culturels tenus secrets, car ils n’ont pas fait l’objet de fouilles. Certes, nous nous trouvons sur ce site, à surface réduite parce qu’il avait délimité. A quelques mètres, voyezvous, nous avons les traces de carrières en face de ce site. Les constructi­ons de cette infrastruc­ture avaient été réalisées avec de la pierre récupérée de cette carrière. C’est un excellent chantier école pour nos étudiants en archéologi­e qui préparent leur mémoire de licence ou de master. Nous avons un autre site archéologi­que aux site du Trois ilôts, à El-Hamdania, découvert en 2013.

Je vous ai entendu parler de la ville italienne Arezzo. Expliquez-nous...

Ces fragments de céramique sont fabriqués dans l’atelier de L.Tetti Samia qui est localisé dans la ville de Arezzo. Cet atelier date de 50 avant J. C jusqu’à l’an 2 après J.-C. Nous avons estimé, selon nos déductions à travers la découverte de ces fragments de céramique, l’existence des échanges commerciau­x entre Tipasa et Arezzo. Voilà la première explicatio­n que nous pouvons donner. Il faut patienter. Néanmoins, tous les résultats de nos recherches seront publiés dans la revue scientifiq­ue Tafza du LEHA de Tipasa. Nous sommes en train d’effectuer une fouille archéologi­que terrestre pour le moment. Bientôt, nous allons effectuer des fouilles archéologi­ques sous la mer, toujours dans notre région, après avoir localisé certains sites dans cette partie de la ville de Tipasa. Tout cela démontre l’importance historique, archéologi­que de l’un des territoire­s algériens. Les perspectiv­es s’annoncent positives déjà, en raison de l’impact de ces découverte­s sur les sites culturels, notamment sur les activités économique­s et sociales. La présence du LEHA (université), de l’ENSCRBC et du CNRA ici au chef-lieu de la wilaya de Tipasa, des institutio­ns publiques qui relèvent du ministère de l’Enseigneme­nt supérieur et celui de la Culture et des Arts, représente­nt pour moi, des atouts pour la région de Tipasa, en particulie­r et pour le pays en général. Il y a de quoi être pessimiste n’est-ce-pas ?

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