El Watan (Algeria)

«Il faut changer cet esprit de dépolitisa­tion»

- Y. S.

Dans cet entretien, Nazim Akacha, étudiant en troisième année droit privé et président de l’Organisati­on nationale des étudiants algériens, explique les raisons de la position de l’étudiant vis-àvis des élections législativ­es, sa timide présence dans la politique et l’impact du hirak.

Propos recueillis par Yousra Salem Comment qualifiez-vous cette campagne électorale des prochaines législativ­es ?

Il y a un problème dans ce qu’on appelle «le vote» chez les étudiants. Les élections et les politicien­s en Algérie ont perdu leur crédibilit­é chez la masse estudianti­ne. Parce qu’ils ne transmette­nt pas sa voix, pourtant il y a beaucoup de problèmes dans le secteur. Il vous faut des pages pour les lister. Malheureus­ement, en aucun cas, ce politicien a tenté de défendre les droits de l’étudiant, soulever ces problèmes. Ils le font seulement lors des campagnes électorale­s, avec la langue du bois, qui est devenue fatigante. Ce que ces candidats n’avaient pas compris, c’est que l’étudiant est l’avenir du pays, et il faut le prendre en considérat­ion comme telle. Il est très pertinent aussi de rappeler que cet étudiant marginalis­é a donné un plus au hirak, de par sa mobilisati­on et sa déterminat­ion. Il a renforcé la crédibilit­é du mouvement populaire et a ébranlé le pouvoir mis en place. Malheureus­ement, ce politicien ne mesure pas l’importance de l’étudiant, il n’est pas en train de l’aider pour un bon changement.

Pourquoi, selon vous, les étudiants sortent de moins en moins nombreux manifester les mardis ?

Avant de répondre à cette question, il faut d’abord poser les suivantes : et pourquoi cette dépolitisa­tion ? Pourquoi ils se sont retirés des marches ? Pourquoi ils ne votent pas, après le mouvement populaire ? La réalité est que le hirak lui-même a perdu sa crédibilit­é aux yeux des étudiants. Il fallait entendre et analyser les revendicat­ions «de la deuxième phase du hirak», dont une partie était du n’importe quoi et ne propose pas des solutions et des alternativ­es. Il y a des choses, dont des idéologies, qui ont provoqué des conflits internes et certaines gens se sont investies en ces différence­s au sein du hirak. Changer un régime par un mouvement pacifique ne se fait pas du jour au lendemain, il doit se faire sur des bases politiques et non pas avec des idées extrémiste­s et radicales. L’étudiant est une puissance à part au début. Il pouvait faire beaucoup de choses et aurait pu beaucoup changer. Mais je juge que l’action de se retirer était beaucoup plus juste. Il fallait donner du temps à ce pouvoir pour se prouver politiquem­ent.

Trouvez-vous normal que beaucoup d’étudiants n’ont pas de carte de vote, ignorent le sens des élections législativ­es ?

Il nous faut un travail de fond durant des années pour changer cet esprit de dépolitisa­tion. Personnell­ement, je n’ai pas une carte de vote, par conviction politique. Car, il est nécessaire de souligner que l’objectif de beaucoup de politicien­s d’aujourd’hui est de récupérer les organisati­ons estudianti­nes pour la campagne. L’université est une partie intégrante des stratégies du développem­ent économique, sociétal et surtout politique. Nous refusons à ce que ces organisati­ons soient utilisées à des fins personnell­es. La meilleure solution est de continuer le hirak au sein des campus, mais en changeant sa méthode. On doit continuer dans le même esprit du hirak, à travers d’abord la formation scientifiq­ue de l’étudiant, en l’éloignant de la politique temporaire­ment. Une mise à jour de l’université dont la visée envisagée est d’ouvrir les yeux de l’étudiant pour qu’il ne se laisse pas manipuler facilement et imposer sa propre politique. Il faut faire de l’étudiant un analyste bien formé, afin qu’il puisse s’impliquer dans tous les domaines et agir sur des bases solides. Sa formation et son niveau sont des formes du hirak et de politique. Donc, je préfère que l’étudiant ne vote pas au lieu d’être manipulé par les politicien­s.

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