Farida Ramadan, une Egyptienne transgenre en quête de «dignité»
Hijab bicolore assorti à son khôl et à son rouge à lèvres carmin, Farida Ramadan, femme transgenre de 50 ans, bouscule les idées reçues et se bat pour faire valoir ses droits dans une Egypte conservatrice où la communauté LGBTQ+ est souvent prise pour cible.
Issue d’un milieu modeste de Damiette (nord-est), cette ex-institutrice raconte qu’enfant elle ne s’intéressait déjà «pas aux trucs de garçons».
A l’adolescence, elle déclare à ses proches son sentiment de transidentité, s’attirant une «grande réprobation» et des «railleries inimaginables», dit-elle. Rejetée «par 90% des gens» à Damiette, elle quitte rapidement le foyer familial, puis sa région et tente en vain sa chance au Caire et à Alexandrie (nord). La loi égyptienne «ne reconnaît pas la transsexualité», selon l’un des membres fondateurs de Bedayaa, une ONG locale de défense des droits des personnes LGBTQ+ (lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres, queers et autres variations de genre).
Toutefois, dans son règlement, le syndicat des médecins autorise les opérations de «correction sexuelle» à condition d’obtenir «l’aval d’un comité spécial» constitué de médecins et d’un cheikh d’Al Azhar, grande institution de l’islam sunnite installée au Caire. Le comité s’appuie sur une fatwa (édit islamique) stipulant que la réassignation sexuelle, c’est-à-dire l’opération de changement de sexe, doit être justifiée par un «problème biologique et non mental», précise le militant associatif, sous couvert d’anonymat. Les règles du syndicat imposent des «examens hormonaux, des tests de chromosomes et deux ans minimum de psychothérapie et de traitement hormonal», excluant de facto beaucoup d’aspirants à la réassignation, bien qu’aucune statistique officielle n’existe au sujet des personnes transgenres.
Pour couronner le tout, le comité se réunit de manière irrégulière et le cheikh est absent «depuis au moins deux ans», selon Bedayaa. Or, «aucune opération ne peut être réalisée sans l’accord d’Al Azhar». Sollicitée par l’AFP, l’institution n’a pas réagi. Faute de moyens, Farida Ramadan a dû s’armer de patience : opérée en 2016, elle avait entamé ses démarches une quinzaine d’années auparavant et obtenu son autorisation en 2006. «Je n’avais pas d’argent : je travaillais, je mettais de côté puis je prenais un rendez-vous», se souvientelle. En 2006, alors qu’elle enseignait depuis 13 ans, elle a été renvoyée pour cause d’absentéisme en raison de son traitement.