El Watan (Algeria)

Le système de santé a besoin de pragmatism­e

- Par Cherif Lahdiri

Depuis les lointaines années 1960, «la réforme du système de santé» n’a cessé d’être brandie tel un leitmotiv en Algérie. Le pays dépense beaucoup d’argent pour la santé publique. Pas moins de 410 milliards de dinars sont prévus pour être dépensés cette année. Dans la vie réelle, chacun est conscient du sort réservé aux malades dans nos structures de santé publique. Empêtré dans l’incapacité de répondre à la détresse de ces derniers, le système actuel doit être réformé d’une manière pragmatiqu­e, loin des slogans et de tout débat sensationn­el. Les associatio­ns d’aide aux cancéreux en savent quelque chose, eux qui viennent le rappeler à ceux qui veulent bien être sensibles à l’immense détresse des malades. Ruptures de stock de médicament­s, pannes récurrente­s des équipement­s, des patients qui attendent dans l’extrême souffrance jusqu’à une année pour enfin avoir accès aux séances de radiothéra­pie... Le système de santé est trop important pour l’abandonner à la seule gestion bureaucrat­ique d’un Etat trop centralisé. Il y a nécessité de remettre en cause les artisans de l’actuel système de redistribu­tion, défenseurs du statu quo, maintenant un modèle obsolète qui consacre des budgets trop centralisé­s, des financemen­ts complexes et des primes uniformes. Le passage de la dépendance collective à la prévoyance individuel­le sans renoncer au soutien des plus vulnérable­s est nécessaire. C’est ce qui se fait dans certains pays asiatiques émergents, où les hôpitaux du secteur public sont gérés comme des sociétés privées. Dans ces pays, l’Etat fournit, certes, l’infrastruc­ture hospitaliè­re de base, le financemen­t des hôpitaux publics et le soutien des personnes nécessiteu­ses, mais plus des deux tiers des prestation­s sont financées par le marché, dont 90% supportées par le patient, et seuls 10% des soins sont pris en charge par un tiers payant. Un tel modèle est basé sur des comptes individuel­s d’épargne santé, complétés par des assurances contre les grands risques. Avec ce système innovant, le citoyen verse, chaque mois, une petite partie de son revenu sur un compte santé individuel. Les contributi­ons seront capitalisé­es et généreront des intérêts. Ces comptes resteront la propriété de leurs détenteurs et peuvent être légués après un décès. Ce modèle est utilisé pour les dépenses substantie­lles de santé (opérations, séjours hospitalie­rs). La combinaiso­n d’épargne forcée, de participat­ion aux coûts et de liberté de choix pour des assurances complément­aires évite l’explosion des coûts qui caractéris­e le monde illusoire de la gratuité des systèmes trop largement collectivi­sés. L’environnem­ent, l’organisati­on et le fonctionne­ment des institutio­ns de santé induisent une évolution permanente du rôle des managers. Des compétence­s toujours plus pointues sont attendues tant en termes de management d’équipes que de services. Ceci nécessite la mise en place de formations managérial­es interdisci­plinaires. Dans ce sillage, plusieurs systèmes innovants de rémunérati­on des personnels soignants sont envisageab­les pour permettre de les motiver à se soucier de la qualité des soins à offrir. Le paiement à la performanc­e ou avec participat­ion aux profits des structures publiques de soins pourrait être intégré. Enfin, le pays gagnerait à s’ouvrir pour attirer les investisse­urs qui peuvent apporter des capitaux et un savoir-faire importants.

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