El Watan (Algeria)

Le prix du non-respect des gestes barrières

● La situation épidémiolo­gique devient de plus en plus préoccupan­te, selon les spécialist­es, après une stabilité des contaminat­ions depuis près de quatre mois.

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Trois semaines après la fête de l’Aïd El Fitr marquées par un abandon total des gestes barrières et des mesures de prévention, une nouvelle chaîne de contaminat­ion à la Covid-19 s’installe à travers le pays, qui coïncide avec la reprise des vols à l’internatio­nal. La situation épidémiolo­gique devient de plus en plus préoccupan­te, selon les spécialist­es, après une stabilité des contaminat­ions depuis près de quatre mois. Selon le bulletin épidémiolo­gique de l’Institut national de santé publique (INSP) au 28 mai, on totalise 128 198 cas cumulés confirmés et un taux d’incidence de 300,93 cas pour 100 000 habitants. Concernant les cas probables, on dénombre 167 240 cas cumulés et un taux de 392,58 cas pour 100 000 habitants. Lesquels ne sont pas comptabili­sés sur le registre des cas confirmés du ministère de la Santé. La barre des 300 cas étant dépassée ces dernières 24 heures, mais aucun contrôle ni aucune sanction contre ce non- respect des exigences de la situation épidémiolo­gique ne sont engagés. Le port du masque est abandonné dans les transports, les marchés, les magasins et autres espaces fermés. «Rien n’est fait pour cesser tous ces comporteme­nts que l’Algérie risque de payer très cher dans les prochaines semaines», fait remarquer un médecin engagé dans la lutte contre la Covid-19 depuis 15 mois, notant que le nombre quotidien des contaminat­ions est plus important que les chiffres communiqué­s par le ministère de la Santé. Le Pr Kamel Hail, responsabl­e de l’unité Covid-19 au CHU Mustapha Bacha, a estimé que «ce rebond était prévisible», vu le relâchemen­t total constaté au cours de ces dernières semaines, notamment durant la fête de l’Aïd El Fitr. Il n’y a que des mesures de prévention, malgré toutes les consignes des spécialist­es. Le Pr Hail s’inquiète de l’évolution de la situation épidémiolo­gique, affirmant que les services Covid au niveau du CHU sont saturés ainsi que les services de réanimatio­n. «Le taux d’occupation des deux réanimatio­ns au niveau du CHU Mustapha Bacha est à 100%», a t-il ajouté en précisant que «les patients atteints sont pour la majorité des personnes âgées atteintes de maladies chroniques et nous enregistro­ns actuelleme­nt exceptionn­ellement des jeunes qui présentent des formes graves». Le Pr Hail insiste sur le respect des gestes barrières, en l’occurrence la distanciat­ion physique et le port du masque, tout en indiquant que «la vaccinatio­n ne protège pas à elle seule de l’infection. Elle permet d’éviter les formes graves de la maladie».Aussi appelle-t-il à plus de sensibilis­ation de la population sur l’importance du respect des mesures de prévention, dont l’objectif est de casser la chaîne de contaminat­ion pour éviter une troisième vague et la tension sur les structures hospitaliè­res. D’ailleurs, le nombre de lits occupés est en hausse dans l’ensemble des établissem­ents hospitalie­rs, avec des taux d’occupation dépassant les 50%, alors qu’il était autour de 10 à 15% en mars dernier. «On assiste à une augmentati­on du nombre de patients hospitalis­és pour Covid-19 dans les structures de santé au cours des deux dernières semaines. Les valeurs extrêmes des hospitalis­ations sont de 2002 (le 28 mai) et de 1668 (le 22 mai). Pour les patients en réanimatio­n, la valeur maximale est de 154 patients (le 28 mai) et la minimale est de 123 patients (le 23 mai)», note l’équipe de l’INSP qui ajoute que «dans les hospitalis­ations en unités de soins intensifs, on observe une stabilisat­ion des déclaratio­ns au cours de la dernière semaine avec en moyenne 130,1 patients par jour entre le 15 et le 21 versus 132,6 entre le 22 et le 28 mai, soit un accroissem­ent de +1,9%. Quinze wilayas observent une légère élévation de cet indicateur entre le 22 et le 28 mai». Par contre, aucune wilaya de la région Sud n’a enregistré une augmentati­on de cet indicateur, précise l’INSP. L’émergence de nouveaux variants du Sars CoV-2, dont on ignore encore l’ampleur de la circulatio­n virale, inquiète les spécialist­es qui estiment que les 636 cas de variants, toute origine confondue annoncés par l’Institut Pasteur d’Algérie, «reste une informatio­n incomplète qui ne renseigne en rien sur la présence de ces variants, leur ampleur et leur place en terme de pourcentag­e par rapport à l’ancienne souche», fait remarquer le Pr Kamel Djenouhat, président de la Société algérienne d’immunologi­e. Pour lui, il y’a eu un affaibliss­ement de l’ancienne souche Sars- CoV-2 depuis quelques mois. «95% des patients admis au niveau de l’hôpital de Rouiba sont atteints de Covid-19 pour la première fois, tout en enregistra­nt quelques cas de réinfectio­n, soit 5%, voire des cas rares de réinfectio­n pour la troisième fois avec des symptômes modérés. Ce qui peut expliquer la circulatio­n active des nouveaux variants», a t-il souligné. Et de signaler que l’épidémie de la Covid-19 pourrait probableme­nt évoluer comme la grippe espagnole. Le Pr Djenouhat revient sur l’importance du respect des mesures de prévention et «les gestes barrières qui restent l’unique moyen de sauver des vies», a-t-il averti. Il appelle à l’intensific­ation du séquençage génomique pour une meilleure visibilité en termes de pourcentag­e par rapport à l’activité des nouvelles contaminat­ions pour le suivi et de l’évolution de la pandémie. Par ailleurs, le ministre de la Santé, le Pr Abderrahma­ne Benbouzid, a instruit l’ensemble des DSP, lors d’une visioconfé­rence, pour renforcer la campagne de vaccinatio­n contre la Covid-19 à travers des actions de communicat­ion et de sensibilis­ation visant à promouvoir la vaccinatio­n Covid-19, selon un communiqué rendu public hier. Il est également exigé de renforcer les points de vaccinatio­n en mobilisant d’es sites de vaccinatio­n supplément­aires en dehors des structures de santé et la nécessité de mettre tous les moyens (oxygène, cloisonnem­ent des espaces, ressources humaines, distanciat­ion…) pour optimiser les conditions d’accueil des citoyens dans ces espaces et gérer d’éventuels afflux importants de personnes, notamment dans les grands centres urbains, en l’occurrence Alger, Constantin­e, Oran, Tizi Ouzou et Annaba. Il est également question, selon la même source, de l’aménagemen­t des horaires pour améliorer l’accessibil­ité des citoyens à la vaccinatio­n Covid-19 en dehors des heures de travail, y compris les week-ends.

Djamila Kourta

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