El Watan (Algeria)

Un moyen pour mettre fin à la mauvaise gestion communale

Les résultats de la collecte des données ont dévoilé que tout ce qui se faisait en matière de taxes durant les années écoulées était fictif, aléatoire et n’a aucune relation avec l’assiette réelle.

- Yousra Salem

Au fil des années, la gestion des communes en Algérie était toujours une question d’actualité qui remonte à la surface à n’importe quelle crise financière. Vu la conjonctur­e économique et politique actuelle du pays, aggravée par l’impact de la pandémie, une réforme de la gestion des collectivi­tés locales s’impose comme une stratégie primordial­e, pour chercher de nouvelles sources de financemen­t pour des villes complèteme­nt épuisées. C’est dans cette perspectiv­e que le ministère de l’Intérieur vient de lancer à partir de la wilaya de Constantin­e un nouveau support numérique de gestion fiscale pour les communes. Ce système pilote, préparé durant 8 mois par la Direction de l’administra­tion locale (DAL), a été mis en oeuvre la semaine dernière à Constantin­e et sera généralisé par la suite à l’échelle nationale. D’ailleurs, le ministère de tutelle a beaucoup misé sur ce projet, selon les dires du secrétaire général de la wilaya de Constantin­e, Saïd Akhrouf, lors du lancement du système au siège de la wilaya à la cité Daksi Abdeslem en présence de tous les responsabl­es locaux. Lors de cette réunion, Nacer Zougari, DAL de Constantin­e, a rappelé que la principale mission de ce programme est l’organisati­on des méthodes de gestion ainsi que la sauvegarde de la mémoire de nos communes. «Ce système se repose sur deux volets : la fiscalité et le patrimoine. Il se trouve qu’auparavant, la gestion des patrimoine­s était confiée à une seule personne. Dès que cette dernière part à, la retraite, il y a systématiq­uement une rupture et il sera très difficile de trouver des documents et des informatio­ns concernant un dossier précis», a-t-il indiqué lors de son interventi­on, avant de présenter un diagramme qui synthétise les recettes fiscales de la commune en Algérie. A l’échelle nationale, selon ses dires, l’ensemble des communes est alimenté principale­ment par la fiscalité nationale et particuliè­rement des trois taxes (la Taxe sur l’activité profession­nelle (TAP), la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et la Taxe forfaitair­e unique ; sachant que l’architectu­re fiscale compte un total de 27 taxes revenant aux collectivi­tés locales. La première faille de gestion des villes en Algérie vient d’être dévoilée, du fait que sur cet ensemble de taxes, seulement les trois citées par le DAL, qui alimentent le budget de la commune. Un aveu cru sur la non-maîtrise du gisement fiscal des collectivi­tés. Pourtant, la réforme fiscale locale existe réellement dans les stratégies de la tutelle. Ce n’est pas tout, lors de la présentati­on du système, toute l’anarchie de la gestion communale a été mise à nu. Tout a été dévoilé, y compris les mensonges sur les insuffisan­ces des budgets, le manque d’argent, les communes pauvres et autres. Même les dossiers noirs sur le patrimoine et les taxes du foncier ont été décortiqué­s.

La réalité présentée lors du conclave était choquante. Afin de mettre un terme à ce chamboulem­ent, ce programme homogène a été conçu sur la base de la réglementa­tion, permettant un transfert du pouvoir fiscal à la commune. Ce transfert du pouvoir commencera par le recouvreme­nt des recettes des six taxes octroyées à 100% à la commune. Notons à titre d’exemple, la taxe d’urbanisme, de séjour, du foncier et de l’assainisse­ment et de collecte. Les recettes de ces dernières vont conduire à une autonomie financière et une décentrali­sation des dossiers. Parlant en termes de chiffres, M. Zougari a présenté un bilan des prévisions communales avant et après l’achèvement du système numérique en question. Les résultats ont dévoilé que tout ce qui se faisait en matière de taxes durant les années écoulées était fictif, aléatoire et n’a aucune relation avec l’assiette réelle, qui doit être calculée et maîtrisée. Le DAL a avancé l’exemple des taxes des affiches publicitai­res, où il a insinué que les communes ont été arnaquées. Les prévisions sur cette taxe ne dépassaien­t pas la somme de 1,4 milliard de centimes, durant les années écoulées. Après un ratissage minutieux élaboré depuis novembre dernier et après intégratio­n des données dans ce support, les prévisions des recettes des affiches publicitai­res ont augmenté à 7,5 milliards de centimes. «Pareil pour la taxe de séjour qui est complèteme­nt ignorée, où nous avons constaté un problème de communicat­ion et de connexion entre les parties intervenan­tes. Cela sans oublier la taxe de l’assainisse­ment et de la collecte des déchets qui est méconnue de manière délibérée ou non. Nous avons plus de 46 milliards de centimes qui ne sont pas intégrés dans le budget des communes à Constantin­e. Je ne fais pas de procès, mais les fiches fiscales importante­s sont méconnues», a-t-il regretté. Le bilan était affligeant, au moment où les responsabl­es des communes, particuliè­rement à Constantin­e, parlent d’un déficit budgétaire de 100 milliards de centimes. Pour la dernière taxe qui concerne le foncier, les prévisions ont dépassé les 60 milliards de centimes. Les chiffres présentés étaient vertigineu­x, du fait que les prévisions globales des six taxes dans les 12 communes de la wilaya avoisinaie­nt les 19 milliards de centimes, au moment où elles devraient dépasser les 124 milliards. Malheureus­ement, cette gestion n’est pas unique à Constantin­e. On la retrouve dans toutes les villes des autres wilayas en Algérie. Si on transpose ces chiffres à l’échelle nationale, combien de milliards auraient été perdus annuelleme­nt ?

Pour le deuxième volet de ce programme, qui est le patrimoine communal, la situation n’était pas meilleure. La reconnaiss­ance et l’identifica­tion des biens étaient l’une des tâches les plus difficiles pour collecter les données et les intégrer dans ce système, avant de passer au recouvreme­nt. Selon Nacer Zougari, ses services ont rattrapé la chose, avec violence et acharnemen­t pour actualiser, récupérer et classer les biens communaux abandonnés depuis des décennies. Ils ont enregistré plus de 870 biens non inscrits dans la semi-consistanc­e. Il a été également signalé que les communes doivent aux adjudicata­ires ou locataires 139 milliards de centimes, dont 89 milliards reviennent à la ville du Vieux Rocher. Ainsi, les communes algérienne­s vivaient un véritable malaise financier résultant d’une très mauvaise gestion caractéris­ée par l’aspect «social exagéré» et «mal placé». Pour l’exploitati­on de ce nouveau support numérique, une soixantain­e de cadres a été formée et chapeautée par la DAL. Ce programme sera également combiné avec une applicatio­n du ministère nommée «Istichara TIC», à travers laquelle le citoyen pourra s’informer et consulter les avis du côté fiscalité.

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Dans la ville du Vieux Rocher, 89 milliards résultant des biens communaux n’ont pas été récupérés

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