El Watan (Algeria)

Au moins 11 civils tués dans le Nord-Est

• L’attaque intervient alors que le pays traverse une crise politique traduite par le coup d’Etat du 24 mai, qui risque de faire basculer le pays dans l’instabilit­é • Vendredi, plusieurs centaines de Maliens ont manifesté à Bamako leur soutien au Mouvemen

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Au moins 11 membres d'une communauté touareg ont été tués jeudi par des assaillant­s non identifiés près de Ménaka, dans le nord-est du Mali, ont indiqué hier une coalition de groupes armés pro-Bamako et un élu local, cités par l'AFP. «La Plateforme des Mouvements du 14 juin 2014 d'Alger a appris l'assassinat lâche de 11 civils de la communauté ibogholita­ne à Agharangab­o (Ménaka) par des individus armés non identifiés», a indiqué dans un communiqué cette coalition bien implantée à Ménaka. Ménaka et sa région, proches de la frontière avec le Niger, font partie de ces vastes zones qui échappent largement ou entièremen­t au contrôle d'un pouvoir central affaibli. Agharangab­o est un campement à quelque 65 km au nord-ouest de Ménaka.

La Plateforme, qui diffuse une liste de 11 victimes supposées, indique que «ces paisibles civils ont été exécutés le 3 juin 2021 et leurs bétails emportés». «Ce sont des exécutions sommaires de 11 civils par des hommes armés non identifiés. Ça c'est passé jeudi au cours de trois attaques contre les civils dans cette zone», a indiqué un élu de la région ayant requis l'anonymat pour des raisons de sécurité. Les violences qui ensanglant­ent ce pays du Sahel depuis 2012 sont multiforme­s : attaques djihadiste­s et conflits intercommu­nautaires, auxquels s'ajoutent les rivalités entre groupes armés.

L'attaque intervient alors que le pays traverse une crise politique traduite par le coup d'Etat du 24 mai, qui risque de faire basculer le pays dans l'instabilit­é. Vendredi, plusieurs centaines de Maliens ont manifesté à Bamako leur soutien au Mouvement du 5-Juin/Rassemblem­ent des forces patriotiqu­es (M5/RFP), collectif hétéroclit­e, qui a pris la tête de la contestati­on contre le président Keïta en 2020. Il a ensuite vainement réclamé d'être traité d'égal à égal par les militaires dans la mise en place de la transition censée ramener les civils au pouvoir.

UNE SITUATION PRÉCAIRE

Les agissement­s du colonel Assimi Goïta ont poussé la France à suspendre sa coopératio­n militaire avec ce pays de l'Afrique de l'Ouest. En effet, suite au putsch de mai, le deuxième en neuf mois, Paris a annoncé jeudi soir geler les opérations conjointes avec les forces maliennes, avec lesquelles elle coopère depuis des années contre les djihadiste­s. Cette décision a commencé vendredi à se matérialis­er sur le terrain. «Les opérations conjointes ''Barkhane''/ FAMa (Forces armées maliennes, ndlr) sont arrêtées, les Français continuent seuls», a dit un responsabl­e à l'état-major malien, évoquant la force antidjihad­iste française et les Forces armées maliennes.

Les implicatio­ns paraissent significat­ives pour une armée malienne notoiremen­t sous-équipée et sous-entraînée. Elle a perdu des centaines de soldats face aux djihadiste­s. Barkhane poursuivra son action avec les autres partenaire­s régionaux, a indiqué le porte-parole de l'état-major français, le colonel Frédéric Barbry. Mais les grosses opérations conjointes avec les troupes maliennes, comme Equinoxe, en cours, sont suspendues. Les activités de la force «Takuba» le sont également, tout comme les formations, a-t-il dit. Initiée par la France et composée d'unités de forces spéciales européenne­s, «Takuba» est censée former l'armée malienne au combat. Ces mesures sont «conservato­ires et temporaire­s», a dit le ministère français des Armées. Paris attend des «garanties» que les colonels maliens rendront le pouvoir aux civils après des élections prévues en février 2022. La France et les partenaire­s du Mali devraient prêter une attention soutenue aux prises de parole et aux développem­ents des prochains jours, à commencer par l'investitur­e officielle demain du colonel Goïta. Cette cérémonie devrait déboucher sur la nomination d'un Premier ministre, dont la France, comme une grande partie de la communauté internatio­nale, réclame qu'il soit un civil. Le colonel

Goïta a dit son intention de confier le poste au M5, mouvement que lui et les colonels s'étaient employés à marginalis­er. Le M5 a choisi pour le poste de Premier ministre un vétéran, Choguel Kokalla Maïga. Ce choix a suscité des inquiétude­s. Ce dernier est connu pour son opposition à l'accord de paix de 2015 avec l'ex-rébellion du Nord, dont l'applicatio­n est jugée capitale pour sortir le pays de la tourmente. Les partenaire­s du Mali s'interrogen­t aussi sur la place qui sera faite dans la transition à l'imam Mahmoud Dicko, une des figures du mouvement de protestati­on de juin 2020. Les colonels se sont engagés, après leur putsch de 2020 et sous la pression internatio­nale, à une période de transition limitée à 18 mois et conduite par des civils. Avec le coup d'Etat de mai, le colonel Goïta, resté le véritable homme fort de la transition, a foulé aux pieds cet engagement en faisant arrêter le Président et le Premier ministre. Il s'est depuis fait déclarer Président de la transition par la Cour constituti­onnelle.

R. I.

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