Bombardement turc d’un camp de réfugiés
Trois civils ont été tués hier dans le bombardement d’un drone turc sur un camp de réfugiés dans le nord de l’Irak, rapporte l’AFP. Ankara accuse l’Irak d’inaction et assure n’avoir pas d’autre choix que de mener elle-même sa guerre, sur le sol irakien, contre le Parti des travailleurs kurdes (PKK), groupe rebelle de Turquie qu’elle qualifie de «terroriste», comme ses alliés occidentaux. Le drone turc a visé, selon le député kurde originaire de Makhmour, Rachad Galali, «un jardin d’enfants près d’une école» dans le camp de Makhmour, monté à la fin des années 1990 par l’Organisation des Nations unies (ONU) pour accueillir des Kurdes de Turquie. «Trois civils ont été tués et deux blessés», a-t-il affirmé, précisant qu’aucun enfant n’a été tué. En début de semaine, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a évoqué le camp de Makhmour, sur le territoire irakien hors Kurdistan, à 250 km au sud de la frontière turque, où Ankara accuse régulièrement le PKK de faire la loi. Il l’a comparé aux monts Qandil, sur la frontière orientale de l’Irak, la plus grande base du PKK, qui livre depuis 1984 une sanglante guérilla sur le sol turc ayant fait plus de 40 000 morts. «Pour nous, la question de Makhmour est aussi importante que Qandil. Pourquoi ? Parce que Makhmour est presque devenu l’incubateur de Qandil (...). Si nous n’intervenons pas, cet incubateur va continuer de produire (des terroristes)», a-t-il déclaré. Et de prévenir : «Si les Nations unies ne nettoient pas cet endroit, alors nous nous en chargerons.»
La Turquie mène depuis le 23 avril une nouvelle campagne militaire, aérienne et parfois terrestre, contre le PKK en Irak. Après les tirs d’artillerie à partir de son sol depuis 2018, la Turquie préfère désormais les drones, plus précis pour viser un ennemi qui se déplace à pied ou à bord de pick-ups dans des zones très accidentées, et aussi moins chers, car de fabrication locale. Baghdad, qui a déjà perdu deux hauts gradés dans des tirs de drones turcs, dénonce régulièrement des violations de sa souveraineté, alors qu’Ankara a de facto installé une dizaine de bases militaires depuis 25 ans au Kurdistan irakien. Baghdad a, à plusieurs reprises, convoqué l’ambassadeur turc mais n’a jamais pris de mesure plus radicale contre Ankara, l’un de ses premiers partenaires commerciaux. Le PKK, qui refuse de reconnaître le gouvernement kurde irakien et milite pour un Kurdistan unifié, à cheval sur la Syrie, la Turquie, l’Irak et l’Iran, est autant l’ennemi d’Ankara que d’Erbil, capitale du Kurdistan irakien.
Hier, quelques heures avant l’attaque du drone turc, cinq peshmergas kurdes irakiens ont été tués dans une embuscade du PKK au mont Metin, à Dohouk, province du Kurdistan irakien frontalière de la Turquie, selon le viceministre des Peshmergas du gouvernement de la région, Serbast Lazkin.
Les Forces de défense du peuple (HPG), la branche armée du PKK, ont accusé les peshmergas d’être «entrés dans une zone de conflit à Metin» entre le PKK et l’armée turque «qui veut occuper le Kurdistan» irakien. «Ces mouvements de peshmergas sont un coup de couteau dans le dos du PKK et nous refusons leur entrée dans une zone sous notre contrôle», ont ajouté les Forces de défense du peuple dans leur communiqué.
R. I.