El Watan (Algeria)

Echec au chantage

- Par Tayeb Belghiche

Brusquemen­t, la voix du Maroc s’est éteinte, ses dirigeants pavoisaien­t, bombaient le torse lorsque Donald Trump, encore à la Maison-Blanche, avait annoncé qu’il ouvrira un consulat des Etats-Unis à El Ayoun, la capitale du Sahara occidental. En échange, Rabat donne un caractère officiel et public à ses rapports avec Israël en décidant l’établissem­ent des relations diplomatiq­ues. Rien de surprenant dans la mesure où les relations entre les deux pays existaient depuis plusieurs décennies, au point qu’elles ont poussé le roi Hassan II à jouer un rôle primordial dans la paix israélo-égyptienne et la conclusion des accords de Camp David. Un rôle révélé notamment par le général Moshe Dayan dans son livre Paix dans le désert. Le marchandag­e honteux initié par Trump va donner des idées au roi Mohammed VI, qui s’est cru désormais assuré de l’impunité grâce au parapluie israélo-américain et que, par conséquent, il peut tout se permettre sans tenir compte des sentiments de son peuple, qui s’est senti déshonoré par la nouvelle donne politique faite sur le dos du pauvre peuple palestinie­n. Il a sans doute pensé au coup tordu de son père et sa fameuse «marche verte». En novembre 1975, l’Espagne, le Maroc et la Mauritanie concluent à Madrid des accords à la suite desquels les Espagnols cèdent aux Marocains et aux Mauritanie­ns l’administra­tion du territoire sahraoui. Avec l’assentimen­t déclaré de l’Espagne, le roi Hassan II, jouant les conquérant­s, envoie de malheureux civils désarmés envahir le Sahara occidental. L’événement est célébré à ce jour par le palais royal comme un haut fait d’armes, alors que l’armée espagnole avait ouvert grandes les frontières du Sahara pour permettre aux FAR d’occuper le terrain. Mohammed VI s’est dit que lui aussi ferait un coup de même nature pour épater son peuple. En 2002, il envoie des militaires marocains occuper les îles espagnoles de Perejil, désertes et situées au large des côtes marocaines. Madrid dépêche deux dizaines de gendarmes pour les en expulser manu militari. L’aventure tourne au vaudeville. Et voilà que le monarque récidive à nouveau. Comme l’a fait son père, il envoie une dizaine de milliers de civils marocains, dont 2000 enfants, envahir l’enclave de Ceuta, oubliant que Trump n’est plus à la Maison-Blanche. L’opération tourne au ridicule. Contrairem­ent à 1975, les Espagnols considèren­t cette invasion comme une agression contre leur pays et une atteinte à leur dignité. Rabat ne s’attendait pas à une réaction ferme. Même l’Europe apporte un soutien sans faille à l’un des siens, à la grande surprise de la monarchie qui se croyait l’enfant gâté des Européens. Mais le ridicule ne tue pas. Ayant sans doute perdu la boussole, le palais royal n’hésite pas à recourir aux mensonges pour faire oublier ses déboires. Son Premier ministre, Saad Eddine El Othmani, annonce que les manoeuvres militaires organisées par l’Africom, la structure américaine en Afrique, avec les forces de neuf autres pays, auront lieu en territoire marocain et au Sahara occidental. Mal lui en prit. Il essuie un démenti cinglant. Le colonel US, porteparol­e de l’Africom, précise que ces manoeuvres auront lieu à l’intérieur des frontières internatio­nalement reconnues du Maroc et pas du tout au Sahara occidental. Encore un autre camouflet. Il ne reste à Rabat que le secrétaire général de l’ONU, le Portugais Antonio Guterres, pour appuyer, discrèteme­nt, l’expansionn­isme marocain, violant le mandat qui lui a été donné pour défendre la légalité internatio­nale et le droit des peuples à l’autodéterm­ination et à l’indépendan­ce.

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