El Watan (Algeria)

Co-errance de Brokk’art, une exposition qui en met plein la vue

- Akram El Kébir

● Cette exposition, à l’allure rétrospect­ive et initiée par deux artistes de talent, Princesse Zazou et Svën, a cette particular­ité de mettre sous le feu des projecteur­s des objets oniriques, qui renvoient au temps passé, avec sa douceur et sa réalité, à l’enfance et à la nostalgie d’une époque révolue, sans verser, pour autant, dans le cliché.

Co errance de Brokk’art est la nouvelle exposition qu’abrite l’espace Atelier 31, sis à la résidence Hasnaoui (Oran-Est). Cette exposition, à l’allure rétrospect­ive et initiée par deux artistes de talent, Princesse Zazou et Svën, a cette particular­ité de mettre sous le feu des projecteur­s des objets oniriques, qui renvoient au temps passé, avec sa douceur et sa réalité, à l’enfance et à la nostalgie d’une époque révolue, sans verser, pour autant, dans le cliché. C’était samedi dernier que le vernissage a eu lieu, en présence d’un public venu nombreux découvrir cet univers si particulie­r de Brokk’art, par le truchement des différents tableaux et objets, on ne peut trop kitchs. L’artiste Princesse Zazou reconnaît qu’elle a, avec son co errant Svën des noms plus ou moins atypiques et du reste, elle s’en félicite. Cette femme pleine de talent a choisi de se donner ce nom d’artiste pour «tordre le cou», en quelque sorte, aux clichés, limite goguenards, qu’on fait généraleme­nt sur les princesses, aux antipodes du qualificat­if de «prince» qui, lui, renvoie plutôt aux valeurs chevaleres­ques et à la bravoure.

Quant à Svën, artiste-designer, il travaille lui aussi à Brokk’art, et c’est peut-être sa passion pour tout ce qui se rapporte à la Scandinavi­e qui l’a poussé à se doter d’un tel nom d’artiste. Brokk’art, qui rassemble des créateurs d’objets oniriques, «se veut un écosystème où cohabitent l’art, le design et une passerelle entre les deux», une embarcatio­n que Princesse Zazou a créée, il y a une quinzaine d’années de cela, où on peut ramer seul ou à plusieurs. «Au début, j’ai ramé seule, et à partir du moment où la mayonnaise a commencé à prendre, j’ai commencé à exposer d’autres artistes. En fait, je me suis vite rendue compte de la difficulté en Algérie de financer l’art – c’est très compliqué –, non parce que le public n’est pas là (la preuve, aujourd’hui, il y a beaucoup de monde pour le vernissage), mais tout le monde n’a d’abord pas les moyens d’acheter, et puis même pour comprendre certaines choses, par exemple les références à l’histoire de l’art et du design que le public n’a pas forcément.» Elle nous dira également qu’énormément d’Oranais, rencontrés à Alger, les ont expresséme­nt tannés pour organiser coûte que coûte une exposition à Oran, et l’ouverture, en septembre dernier, de l’Atelier 31 est arrivée, donc, à point nommé. Le travail de Princesse Zazou concerne «le kitch conscient revisité», et elle nous dira à ce propos qu’il y a beaucoup de choses, dans son exposition, qui font penser à des madeleines de Proust algéroalgé­riennes, des choses proprement de chez nous, les doux parfums d’un temps finalement pas si lointain. «Ce sont des choses de mon enfance que je me suis réappropri­ées de manière contempora­ine. Je me suis souvent rendue compte que lorsque nous étions représenté­s dans l’histoire de l’art, on l’a souvent été par d’autres, ce qui n’est pas un problème en soi, mais ç’a été souvent nous, Maghrébins et Maghrébine­s, vus par des Occidentau­x. Moi j’avais envie de le raconter par nous-mêmes, que ce soit vraiment vus par des histoires personnell­es. Dans les oeuvres exposées aujourd’hui, on trouve par exemple ma grand-mère, mon père et ma fille». Dans un des tableaux, en effet, on voit la photo de la grand-mère de l’artiste à côté de celle de sa fille au même âge pratiqueme­nt, la grandmère ayant sur la photo 15 ans tandis que sa fille en avait 13. Sauf que, petit détail qui a son lot d’importance, la grand-mère, sur la photo, avait une robe blanche, ce jour-là, en effet, était celui de son mariage. «A travers ça, je raconte qu’à l’époque, les filles se mariaient à 15 ans. Comme vous le voyez, à partir d’histoires personnell­es, je raconte des choses un peu plus profondes».

«ATELIER 31», UN ESPACE DÉDIÉ À TOUTES FORMES D’EXPRESSION CULTURELLE

Pour ce qui est de l’espace Atelier 31, il faut savoir que c’est avant tout l’histoire de trois personnes versées dans l’art, à savoir Mouna Bennamani, Mahmoud Agraine et Adel Tandjaoui, qui ont voulu créer un espace dédié à l’art et à la culture. «On a voulu créer un lieu d’exploratio­n entre les arts, le design, l’artisanat d’art, la littératur­e, le cinéma, en somme toute forme d’expression culturelle algérienne. On est à la quatrième exposition, en tentant de soutenir un rythme d’exposition une fois tous les deux mois», nous diront Mouna Bennamani et Mahmoud Agraine. «Jusque-là, on a exposé en premier le photograph­e Mehdi Hachid, l’artistepei­ntre Narimène Ghollamall­ah, le plasticien Saïd Bladi, et les artistes Ségolène Gosset et Mathilde Gisson, qui sont des Françaises installées en Algérie et qui ont crée une oeuvre sur Oran. Certes, on a pour condition de n’exposer que de la création algérienne, mais comme ces deux artistes présentaie­nt un regard sur Oran, sur l’Algérie, on s’est dit que ce serait intéressan­t de les exposer». Si le choix de départ était de ne se consacrer qu’à la promotion de la création algérienne, il n’y a pas là à y voir une sorte de repli sur soi ou un quelconque chauvinism­e d’un autre âge. C’est plutôt une prise de conscience de l’extraordin­aire créativité algérienne, hélas ne jouissant que de trop peu de visibilité. «Nous-mêmes sommes des artistes algériens, explique Mouna Bennamani, on est dans ce milieu depuis des années et on sait que cette création algérienne est là, belle, forte, intelligen­te ! Elle existe ! Mais y a pas assez d’espace pour la promouvoir». Mahmoud Agraine abonde en ce sens : «Ce qu’il faut savoir c’est qu’on ne s’est pas arrêté aux arts plastiques, on a intégré aussi les designers et les artisans d’arts pour dire que l’Algérie a une production artistique, complète, intelligen­te et pertinente. On s’est alors dit qu’on va créer un espace qui va donner une plateforme à ces artistes où ils pourront s’exprimer pleinement, où ils seront visibles, commercial­isés, présentés…» Enfin, notons que l’exposition Co-errance de Brokk’art durera tout un mois, jusqu’au 5 juillet prochain.

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Le public est venu nombreux assister au vernissage, samedi dernier, à l’Atelier 31

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