«Réseau GlobE», un nouveau mécanisme de coopération entre Etats
La Convention des Nations unies contre la corruption (convention UNCAC, ou convention de Merida) a été adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 31 octobre 2003. A ce jour, elle a été ratifiée par 158 Etats, dont l’Algérie, qui compte parmi les premiers Etats signataires de la Convention des Nations unies contre la corruption. En effet, la Convention a été ratifiée le 25 août 2004, puis traduite concrètement dans la loi n°06-01 du 20 février 2006, relative à la prévention et à la lutte contre la corruption. Lors de la session extraordinaire de l’Assemblée générale contre la corruption tenue jeudi dernier, le SG Antonio Guterres a souligné qu’avant la pandémie de Covid-19, «les pays du monde entier ont été secoués par d’importantes manifestations antigouvernementales et la corruption était l’un des principaux griefs des manifestants… La corruption est souvent systématique et organisée, un crime qui traverse les frontières et trahit les peuples et les démocraties», a-t-il déclaré en notant que lorsque des personnes puissantes s’en tirent avec la corruption, les citoyens perdent confiance dans leurs institutions gouvernantes et les démocraties sont affaiblies par le cynisme et le désespoir. C’est en cela que le SG de l’ONU a appelé à la nécessité de revigorer l’engagement et la coopération internationale pour récupérer les avoirs volés et d’empêcher les criminels de trouver des refuges à l’étranger pour eux-mêmes et leurs fonds. La création du Réseau opérationnel mondial des autorités chargées de l’application de la loi anticorruption, réseau GlobE est qualifié de pas dans la bonne direction. Ce réseau donc «permettra aux autorités chargées de l’application des lois de naviguer dans les processus juridiques grâce à une coopération informelle au-delà des frontières, aidant à renforcer la confiance et à traduire en justice les coupables de corruption», indique Guterres. Le réseau GlobE travaillera en étroite collaboration avec les outils et autorités anti-corruption indépendantes afin de suivre, enquêter et poursuivre la corruption transfrontalière «y compris l’origine, le transit et le pays destinataire» avec célérité et efficacité. «Mettre fin à l’impunité et restituer les avoirs volés à leurs propriétaires sont des étapes importantes vers un nouveau contrat social sur la confiance, l’intégrité et la justice», a estimé le SG de l’ONU.
LA DIFFICILE ÉPREUVE DE TROUVER DES PREUVES
Lors de cette session de l’Assemblée générale sur la lutte contre la corruption, des responsables de pays ont soulevé la question des avoirs détournés et la difficile épreuve de les récupérer notamment par le manque de coopération des Etats destinataires et les conditions imposées. C’est le cas du ministre de la justice algérienne, qui a plaidé pour la responsabilité exclusive de l’Etat requérant dans la gestion des avoirs après recouvrement. Il souligne que ces avoirs doivent être restitués sans conditions. Une manière de signifier aux pays destinataires de ces avoirs, qu’il n’est pas de leurs ressort de jouir des biens et finances détournés revenant de droit au pays de leur provenance. A noter d’ailleurs que ces derniers éprouvent tout le mal du monde à récupérer ces fonds étant tenus d’apporter les preuves du lien de ces finances avec la corruption, le blanchiment d’argent, ou tout autre transfert illicite. La lente procédure d’enquêter et de déterminer les preuves peut prendre de longues années et le pays requérant peut perdre espoir de reprendre son dû et le pays hôte jouira in-fine de ces avoirs. Certains pays hôtes pourraient jouer sur des vides juridiques pouvant leur permettre de garder chez eux ces fonds ou bien faire du «chantage» aux pays requérants pour pouvoir jouir d’une partie des sommes retenues dans leurs banques. Le vice-ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie a indiqué d’ailleurs lors de son intervention aux travaux de la session extraordinaire que «les tentatives de son pays de récupérer les avoirs volés et transférés à l’étranger se heurtent à de réelle difficultés…» Il s’est félicité de ce que la Déclaration politique reconnaisse les lacunes juridiques en la matière et a réclamé «la création d’un nouvel instrument qui régirait la détection, la saisie et le recouvrement des avoirs obtenus de manière criminelle». Le président de la Commission des crimes économiques et financiers du Nigeria, Ahmed Bawa, a pour sa part souligné que son pays a perdu des milliards de dollars «qui dorment dans des paradis fiscaux, après avoir été volés et transférés par des dirigeants corrompus et leurs complices étrangers, dont les multinationales». Ces dernières, dit-il, profitent des déséquilibres systémiques des traités et structures de la coopération qui compromettent l’efficacité des mesures contre les fraudes et abus fiscaux. De ces milliards, le Nigeria n’a pu récupérer que 43 millions de dollars, dont récemment 4,2 millions de livres sterling auprès du Gouvernement britannique. Le même responsable a appelé les Etats parties à la Convention des Nations unies à introduire des mesures pour stopper les flux financiers illicites des pays les moins avancés vers les pays développés. Ceci en se plaçant favorable à «des règlements hors procès» de ces affaires tout en demandant une simplification des exigences liées aux éléments de preuve et des procédures d’entraide judiciaire pour accélérer la restitution des avoirs volés.
1000 MILLIARDS DE DOLLARS DE POTS-DEVIN PAR AN
La Suisse, qui est un pays connu pour être une destination privilégiée pour l’accueil des fonds douteux des dirigeants des pays en développement, a réagi lors de cette session onusienne en disant «comprendre la frustration de la population qui se voit privée de ses richesses et des perspectives de développement» en affirmant être également active dans le recouvrement des avoirs volés puisqu’elle a pu confisquer et restituer des milliards de dollars aux pays d’origine. «Les potentats corrompus ne trouveront pas de safe haven (paradis tranquille) chez nous», affirme encore les représentants de ce pays. Les Etats-Unis, pour leur part, affirment avoir restitué 1,5 milliard de dollars aux Etats requérants. Notons que les flux financiers sortis illicitement s’élèvent à des centaines voire des milliers de milliards de dollars. Et les restitutions s’élèvent à peine à quelques millions de dollars par pays. Pas moins de 1000 milliards de dollars de pots de vins sont versés chaque année. Selon un récent rapport de la CNUCED sur les flux financiers illicites, ce sont pas moins de 88,6 milliards de dollars qui quittent l’Afrique vers les pays développés chaque année de manière illicite soit 3,7% du PIB du continent. Dans la déclaration politique de cette assemblée onusienne, les Etats membres se disent conscients de la nécessité d’améliorer la mise en oeuvre des mesures prévues par la Convention pour le recouvrement et la restitution des avoirs et de s’engager pour une entraide judiciaire exempte de délais excessifs. «Un partenariat solide et basé sur la confiance entre l’Etat requérant et l’Etat requis est déterminant», disent-ils en s’engageant à renforcer l’échange «rapide d’informations fiables pour fournir une aide internationale visant à améliorer l’identification, la localisation, le gel, la saisie, la confiscation et la restitution du produit des infractions». Les Etats membres promettent «d’examiner les différents modèles possibles pour la disposition et l’administration du produit d’infractions, et si c’est faisable, l’allocation de ce produit au Trésor public, le réinvestissement des fonds à des fins spéciales et l’indemnisation des victimes de l’infraction, ainsi que la réutilisation des avoirs à des fins sociales au bénéfice des communautés». Des engagements qui attendront une concrétisation sur le terrain.