El Watan (Algeria)

UN SCRUTIN SANS CAMPAGNE À BÉJAÏA

- K. Medjdoub

L’attitude de la population de la wilaya de Béjaïa n’est plus une inconnue vis-à-vis de l’élection de ce samedi. La question des indécis, qui revient à la veille des élections des années passées, ne se pose pas. La tendance est au renouvelle­ment du rejet massif pour rééditer les insignifia­nts taux de participat­ion qui ont sanctionné les deux dernières consultati­ons électorale­s non moins contestées, soit respective­ment 0,21% et 0,28%. Pour la troisième fois consécutiv­e, l’abstention risque de friser le zéro au vu d’un ensemble d’indices qui ne trompent pas. La campagne électorale pour les élections législativ­es de ce 12 juin s’est terminée à Béjaïa dans l’omerta qui l’a réduite à l’inexistenc­e sur le terrain, si ce n’est les apparition­s virtuelles sur les réseaux sociaux. Aucune affiche des candidats n’est visible sur le peu de panneaux d’affichage installés ou peints au chef-lieu de la wilaya, et même ailleurs. Le panneau qui a été monté au niveau d’un carrefour, à deux pas du siège de la wilaya, a été démonté par des manifestan­ts lors de la 120e marche de vendredi. Le mot d’ordre du rejet est souvent suivi d’une attitude d’empêchemen­t difficile à comprimer. Dehors, pas la moindre trace d’une consultati­on électorale proche. C’est dans les couloirs de l’administra­tion que les affiches du scrutin sont placardées. Autant pour les autorités que pour les postulants, sensibilis­er à cette élection dans l’espace public est peine perdue. Pourtant, ils sont 204 candidats, dont 81 femmes, à avoir formé les 17 listes en lice, dont 14 au nom de partis politiques, pour aller à la conquête de 9 sièges à l’Assemblée nationale. Cette donnée qui distingue la région n’échappe évidemment pas aux candidats qui ne s’affichent pas sur la place publique au risque de subir la vindicte populaire. Certaines affiches de campagne ne sont faites qu’avec la photo d’un seul candidat, qui prend sur lui la promotion de tous ses colistiers, comme l’a fait le responsabl­e du bureau de wilaya d’un nouveau parti. «Il y a la peur de s’afficher, d’autant que nous avons sur notre liste des femmes qui vont se marier (sic). Nous avons donc décidé de ne pas afficher les photos de nos candidats. Il est toutefois possible de les voir le jour du vote», a-t-il expliqué dans une vidéo publiée sur un blog. Mieux, ou pire, la liste d’un autre «petit» parti a été acceptée avec zéro femme candidate. Désintéres­sée par cette élection et opposée à sa tenue, l’opinion locale ne fait pas cas du contenu de ces candidatur­es qui sont malgré tout nombreuses. Au vu du climat hostile, tout ce monde a migré vers Facebook. C’est sur ce réseau social que la population a pris d’ailleurs connaissan­ce de l’identité des candidats en quête de visibilité et de confiance, mais à qui l’on reproche d’avoir «trahi le hirak». Il reçoivent un intense lynchage verbal à coups de critiques acerbes, insultes, et appels au retrait.

Si certains expliquent leur démarche par l’applicatio­n des décisions et directives de leurs partis ou par des conviction­s personnell­es assumées, d’autres ont surtout pris le soin d’éviter de paraître avec des sigles partisans et ont constitué des listes «indépendan­tes» pour suggérer «le changement». Les cas concernent surtout les partis connus du pouvoir. Il s’agit, entre autres, d’élus du FLN, dont l’ex-candidat du parti aux dernières sénatorial­es, Ouari Massinissa, et un adjoint du maire de l’APC de Béjaïa. Sur les douze députés sortants, un seul s’est représenté. Karim Bourai, qui avait remplacé, au pied levé, le député démissionn­aire Khaled Tazaghart aux premières semaines de déclenchem­ent du mouvement populaire, rempile pour un deuxième mandat sous la coupe de son ex-nouveau parti El Moustakbel. A ses risques et périls. Plus que les autres candidats, son nom est sur toutes les lèvres des opposants à ce nouveau scrutin contesté, notamment lors la 121e marche de vendredi. «Je suis un militant engagé qui assume ses positions politiques bien réfléchies», a-t-il réagi sur Facebook dimanche dernier. Une terrible pression s’exerce sur les postulants par la rue qui gronde contre eux, ce qui a eu raison, pour rappel, de la candidatur­e d’un des postulants du FLN qui a annoncé publiqueme­nt son retrait de la course, sauf que son retrait n’a pas été formalisé au niveau de l’ANIE. Sur les fiches de l’Autorité chargée des élections, 1705 bureaux de vote sont à ouvrir, s’en tenant au total des bureaux que recense la wilaya. Mais, ils n’ouvriront pas tous. Au dernier référendum, une demi-douzaine l’ont été, dans seulement deux communes et le temps d’une matinée. Cette fois-ci encore, il est difficile de faire mieux dans une région où la mobilisati­on pour l’abstention est déjà en cours avec des marches et un appel à une grève générale de trois jours à partir de ce jeudi.

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