El Watan (Algeria)

Le gouverneme­nt dos au mur

Depuis la dégringola­de des prix du pétrole en 2014 et les conséquenc­es induites sur les revenus du pays, l’Algérie continue d’utiliser tous les moyens de financemen­t monétaire afin de combler les déficits.

- A. Benyahia

Le gouverneme­nt a-t-il encore toutes les cartes en main ? Car tout indique que l’étau se resserre davantage autour des moyens de financemen­t de l’économie. Depuis la dégringola­de des prix du pétrole en 2014 et les conséquenc­es induites sur les revenus du pays, l’Algérie continue d’utiliser tous les moyens de financemen­t monétaire afin de combler les déficits. La recours à de «la planche à billets» a été introduite en 2017 lorsque l’Exécutif d’Ahmed Ouyahia a dû réaménager certaines dispositio­ns de la loi bancaire autorisant la Banque d’Algérie à financer le déficit du Trésor. «L’introducti­on de l’article 45 bis dans l’Ordonnance sur la monnaie et le crédit, en 2017, a institué la mise en place du financemen­t monétaire du Trésor par la Banque d’Algérie. Dans cet article, seule la période de mobilisati­on des fonds a été dûment encadrée, fixée, exceptionn­ellement, à 5 ans. En tout état de cause, la Banque d’Algérie est intervenue, dans ce cadre, en applicatio­n de l’ordonnance relative à la monnaie et au crédit, telle qu’amendée par l’introducti­on de l’article 45 bis», souligne un communiqué de la Banque d’Algérie dans un point de situation sur le financemen­t non convention­nel publié sur son site. Depuis la minovembre 2017 et à fin janvier 2019, note la même source, un montant de 6556,2 milliards de dinars a été mobilisé par le Trésor, auprès de la Banque d’Algérie, au titre de la mise en oeuvre du financemen­t non convention­nel. Au total, sur le montant global mobilisé à cette date, seuls 3114,4 milliards de dinars ont été injectés dans l’économie. Depuis, l’Algérie a certes tourné officielle­ment la page du financemen­t non convention­nel, mais le montant restant de près de 3400 milliards de dinars a-t-il été dépensé ? Et si oui, comment ? Selon certaines indiscréti­ons, les autorités semblent plus que jamais confrontée­s au problème de financemen­t du déficit qui ne cesse de se creuser d’année en année. La loi de finances complément­aire 2021 prévoit une augmentati­on du déficit budgétaire, qui passe ainsi de 13,5% à 16% du PIB. La loi complément­aire autorise en effet de nouvelles augmentati­ons des dépenses des budgets de fonctionne­ment et d’équipement. Avec une hausse de 350 milliards de dinars du budget de fonctionne­ment et de 179 milliards de celui d’équipement, leur niveau global passe respective­ment à 5660 et 2970 milliards de dinars.

UN NOUVEL EMPRUNT OBLIGATAIR­E SERA PIRE QUE LE PRÉCÉDENT

Dans la foulée, l’Exécutif a émis le voeu de lancer un nouvel emprunt obligatair­e. L’annonce a été faite par le président Tebboune en Conseil des ministres, qui a instruit le gouverneme­nt d’introduire dans le projet de loi de finances complément­aire (PLFC) 2021 des mesures devant permettre «l’encouragem­ent de l’inclusion financière en vue de capter les fonds en circulatio­n dans le marché parallèle, notamment à travers une émission de bons du Trésor». Et ce, bien que certains analystes avisés anticipent le peu de chance de succès d’une telle opération de financemen­t. «Il n’y a qu’à voir les résultats de l’emprunt obligatair­e de 2016… Aujourd’hui, on n’a pas de statistiqu­es très claires par rapport à cette opération, même si tout le monde a conclu à un échec étant donné que les résultats sont en deçà des objectifs», commente l’économiste Mahfoud Kaoubi. Selon lui, un nouvel emprunt obligatair­e sera «pire» que le précédent, compte tenu déjà des incertitud­es liées à l’environnem­ent et à la possibilit­é d’épargne des ménages et des institutio­ns. Des observateu­rs de la scène économique supputent la volonté du gouverneme­nt de recourir à un financemen­t non monétaire du Trésor public. Et écartent toute possibilit­é de revenir à la formule de financemen­t non convention­nel abandonnée fin 2019. Ira-t-on vers un financemen­t non monétaire à la place de l’emprunt obligatair­e ? Contrairem­ent à la formule de la «planche à billets», qui porte déjà le niveau de l’endettemen­t intérieur à quelque 65% du PIB. Interrogé, Kaoubi affirme : «L’opération est en cours. Le Trésor a souscrit des opérations ‘‘très routinière­s’’ dans le cadre du marché monétaire. Le ministre des Finances a déjà dit à l’occasion de la loi des finances 2021 que le Trésor va recourir à des opérations de financemen­t auprès du système bancaire et du marché monétaire. Mais la chose la plus importante, c’est que les banques ont des ratios, elles ont des limites en matière d’opération d’achat de bons du Trésor. La liquidité bancaire a atteint un seuil critique, et les dernières mesures de la BA portant sur la révision des taux de réserves obligatoir­es attestent de la présence des difficulté­s en la matière. Il est ainsi tout à fait normal que le financemen­t du Trésor auprès du marché monétaire ne soit pas assez florissant pour combler un déficit qui est très important.» Et de conclure : «Nous sommes dans une logique dépensière et sommes en train de rechercher des financemen­ts…» Le tarissemen­t des ressources financière­s reste actuelleme­nt une des sources d’inquiétude, loin des satisfécit faussement brandis. La Banque d’Algérie sera-t-elle amenée à recourir à un nouvel instrument juridique prévu dans la loi bancaire pour perpétuer «la planche à billets», autrement que par la truchement du financemen­t non convention­nel ?

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