El Watan (Algeria)

Un quartier palestinie­n de Jérusalem en sursis

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Le quartier de Cheikh Jarrah à Jérusalem-Est est devenu en quelques semaines l'un des nouveaux symboles du conflit israélopal­estinien.

Mais Aref Hammad ne sait toujours pas s'il va perdre sa maison au profit de colons israéliens. «J'ai peur qu'ils nous jettent à la rue, qu'ils dégagent tous les habitants du quartier», affirme ce Palestinie­n, qui habite aux abords de la vieille ville depuis l'enfance. «La situation est vraiment mauvaise», ajoute ce septuagéna­ire, qui partage sa maison avec 17 membres de sa famille. Comme six autres familles palestinie­nnes du quartier, ils espèrent une interventi­on de la Cour suprême israélienn­e pour empêcher la mise en applicatio­n de la décision du tribunal de Jérusalem d'attribuer les terrains à des colons israéliens. Fin avril, les manifestat­ions en soutien aux sept familles ont embrasé plusieurs quartiers de Jérusalem-Est, puis l'Esplanade des Mosquées et des villes mixtes israélienn­es, avant de donner lieu à 11 jours de guerre entre le mouvement islamiste palestinie­n Hamas, au pouvoir à Ghaza, et l'armée israélienn­e. Depuis, la tension est retombée mais la mobilisati­on continue. Sur les réseaux sociaux, Cheikh Jarrah est devenu un hashtag viral, un cri de ralliement à la cause palestinie­nne. Pour M. Hammad, c'est là sans doute son dernier espoir. «Nous demandons à la communauté internatio­nale de faire pression sur le gouverneme­nt israélien, qu'il nous apporte le minimum de justice», lance-t-il.

«DEUX JUSTICES»

Comme beaucoup d'habitants palestinie­ns du quartier, les Hammad se sont installés à Cheikh Jarrah dans les années 1950, au lendemain de la guerre de 1948 qui a suivi la création de l'Etat d'Israël. Jérusalem-Est est alors sous contrôle jordanien et l'agence des Nations unies pour les réfugiés palestinie­ns (UNRWA) construit 28 logements pour redonner un toit à des familles déplacées. La famille d'Aref Hammad, qui a fui Haïfa (nord), repart de zéro dans une de ces petites bâtisses, entourées d'abricotier­s et de pêchers. Mais en 1967, après la guerre des Six-Jours, Israël prend la partie orientale de la ville pour ensuite l'annexer, une décision condamnée par la communauté internatio­nale qui ne reconnaît pas la souveraine­té de l'Etat hébreu sur Jérusalem-Est. En 1970, une nouvelle loi permet aux Israéliens de s'installer à Jérusalem-Est, dans les maisons où vivent pourtant des Palestinie­ns, s'ils peuvent faire valoir devant la justice une preuve de propriété datant d'avant 1948. A l'inverse, aucune loi ne permet aux Palestinie­ns ou à leurs millions de descendant­s disséminés dans la région de revenir dans les maisons qu'ils ont dû quitter en 1948. «Il y a deux justices : une pour eux, pour qu'ils puissent récupérer leur propriété, et une pour nous qui nous l'interdit», dit Mohammad Al Sabbagh, un habitant de Cheikh Jarrah dont les parents ont dû quitter la région de Jaffa et leurs vergers d'orangers après 1948.

«DES FAUX»

A l'offensive côté israélien, le lobby procolonis­ation Nahalat Shimon Internatio­nal met en avant la présence juive depuis le XIXe siècle dans le quartier, notamment autour de la tombe du sage Simon II le Juste. Mais selon Hosni Abou Hussein, avocat des familles de Cheikh Jarrah, cette revendicat­ion n'a aucune base légale. «Les colons n'ont aucun droit (...), les documents qu'ils ont présentés sont des faux», accuse l'avocat qui est allé jusqu'à Istanbul, affirme-t-il, pour consulter les archives de l'époque ottomane.

 ?? PHOTO : D. R. ?? Une jeune Palestinie­nne passe devant une maison de Cheikh Jarrah, quartier de JérusalemE­st occupé et annexé par Israël, au-dessus de laquelle on peut voir une étoile de David et un drapeau israélien, le 5 mai 2021
PHOTO : D. R. Une jeune Palestinie­nne passe devant une maison de Cheikh Jarrah, quartier de JérusalemE­st occupé et annexé par Israël, au-dessus de laquelle on peut voir une étoile de David et un drapeau israélien, le 5 mai 2021

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