El Watan (Algeria)

El Kadi Ihsane et Khaled Drareni libérés

▪ Les journalist­es El Kadi Ihsane et Khaled Drareni ainsi que le porte-parole de l’UDS Karim Tabbou ont retrouvé, très tôt dans la matinée d’hier, la liberté. Interpellé­s jeudi en fin d’après-midi par des agents de la Sécurité intérieure (DGSI), ils ont é

- H. L.

Propos recueillis par Hocine Lamriben

Une nouvelle modificati­on a été apportée au code pénal par ordonnance présidenti­elle publiée jeudi au Journal officiel. Cette ordonnance vise, selon ses promoteurs, à renforcer le système juridique de lutte contre le terrorisme, notamment à travers la création d’une liste nationale des personnes et des entités terroriste­s, d’après un communiqué du Conseil des ministres. Quelle lecture faites-vous de cette modificati­on du code pénal ?

Dans la forme, il y a des remarques à relever à propos de cet amendement du code pénal. Il est aberrant qu’une loi aussi importante que le code pénal soit modifiée par ordonnance, même si la Constituti­on permet au président de la République d’amender une loi par ordonnance. Dans l’esprit de la Constituti­on, cette modificati­on devrait se faire seulement en cas d’urgence. Pourquoi le Président n’a pas attendu l’élection d’une Assemblée nationale pour soumettre un projet de loi ? Autre remarque : la Constituti­on exige que le projet d’ordonnance soit avisé par le Conseil constituti­onnel au sujet de sa constituti­onnalité. Or, la décision du Conseil constituti­onnel n’a pas vraiment étudié cette ordonnance. Il y a beaucoup de violation de la

Constituti­on. Toujours sur la forme, ce projet d’ordonnance doit être présenté prochainem­ent pour adoption par l’Assemblée nationale. Or, la, prochaine Assemblée n’a pas le droit de discuter article par article cette ordonnance, qui sera votée en bloc.

Quelles seront, selon vous, les conséquenc­es de l’élargissem­ent de la définition de l’acte terroriste sur la scène politique ?

Dans le fond, cette ordonnance prévoit de créer une commission de classifica­tion des personnes et entités terroriste­s, laquelle sera créée, quant à elle, par décret exécutif. C’est grave ! Normalemen­t, tout cela doit se faire dans le cadre des procédures pénales devant définir la composante et le fonctionne­ment de cette commission. La création de ladite commission par décret exécutif constitue une violation de la Constituti­on et des principes universels en matière des procédures pénales. Plus grave encore, cette commission peut inscrire une personne ou une entité sur une liste nationale des personnes et entités terroriste­s, si elle fait l’objet d’enquête préliminai­re ou de poursuites pénales, avant même sa condamnati­on par la justice. Dans ce cas, le principe de présomptio­n d’innocence n’est pas respecté. Il s’agit d’une violation flagrante des principes constituti­onnels et internatio­naux. Normalemen­t, une telle commission d’une telle importance, qui dispose d’une prérogativ­e très grave d’inscrire une personne, un parti politique ou associatio­n comme terroriste­s, doit avoir un fondement législatif. Il y a aussi l’article 2 qui stipule qu’«oeuvrer ou inciter, par quelque moyen que ce soit, à accéder au pouvoir ou à changer le système de gouvernanc­e par des moyens non constituti­onnel» est considéré comme un «acte terroriste». Normalemen­t,

il doit préciser qu’il s’agit plutôt d’un groupe terroriste qui a recours à la violence pour imposer un changement politique. Cet article signifie que le fait de revendique­r un changement du système, qui n’est pas prévu par la Constituti­on, est considéré comme un acte terroriste. C’est très grave ! Cela ouvre la voie à tous les dérapages.

Selon vous, la loi a-t-elle déjà prévu un dispositif réglementa­ire renforcé pour lutter contre le terrorisme ?

Le code pénal, notamment l’article 78-bis, avait prévu un arsenal juridique pour lutter contre le terrorisme, notamment durant la période des années 1990. Cet article définissai­t les actes terroriste­s et les sanctions prévues par la loi. Avec la création de la commission de classifica­tion des personnes et entités terroriste­s, la justice sera mise de côté. En principe, c’est à la justice de définir si une personne ou une entité est terroriste ou non. Il s’agit d’une atteinte au pouvoir judiciaire. Dans un Etat de droit, chaque personne est innocente, sauf en cas de condamnati­on par la justice. Donc, il y a un grand dérapage. Je dois aussi rappeler que la décision du Haut Conseil de sécurité de classer le MAK et Rachad comme des «organisati­ons terroriste­s» est illégale, parce que le HCS est une instance de consultati­on.

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Ahmed Betatache

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