El Watan (Algeria)

ABSTENTION MASSIVE À BÉJAÏA

- K. Medjdoub

Sans reproduire le climat particuliè­rement tendu des deux derniers scrutins, Béjaïa réalise le troisième taux de participat­ion avec un zéro pointé. Le scrutin a eu lieu sans la moindre foule et en l’absence totale des observateu­rs dans les bureaux de vote.

4017 personnes ont voté sur les 566 282 inscrits, ce qui donne le maigre taux de 0,72%, qui a évolué pauvrement par rapport à celui du dernier référendum (0,28%). Ce sont là les chiffres de l’ANIE, qui a tergiversé avant de les communique­r laconiquem­ent au milieu de l’après-midi, sans autre détail. Pourtant, l’abstention massive et le peu de bureaux ouverts facilitaie­nt les calculs. Jusqu’au début de l’après-midi, un seul centre de vote était resté encore ouvert sur tout le territoire de la wilaya, c’est l’école primaire Boucherba, aux Quatre chemins de la ville de Béjaïa, là où votent habituelle­ment le gros des corps constitués.

Très tôt le matin, vers 4h, et sur les 52 communes, l’administra­tion n’a pu ouvrir que 20 centres de vote. Le risque était tel qu’il fallait se contenter d’un seul centre en moyenne par commune, à l’exception du chef-lieu de wilaya qui en a eu quatre. Il faut savoir qu’en temps normal, la wilaya réquisitio­nne plus de 500 centres pour l’opération de vote. Comme lors des précédents scrutins contestés, impossible de réquisitio­nner des contingent­s de policiers pour autant de centres, comme l’on a pu le faire pour le peu de centres ouverts cette fois-ci. Deux seulement ont pu tenir jusqu’à midi, faute de votants ou sous la pression de la rue dans certaines localités. Avant de fermer, celui de Tifra a eu le temps d’accueillir une vingtaine de votants. En revanche, aucun n’a été fonctionne­l dans au moins 33 communes. Ceux ouverts dans une vingtaine d’entre elles l’ont été très tôt. «Vers 4 heures du matin», assurent des riverains de certains centres. C’est donc à la lumière de l’aurore que les premiers votants se sont exprimés. S’ils ont dû être aussi matinaux pour le faire, il faut donc comprendre qu’ils ont été avisés de cet horaire anticipé qu’a imposé le climat délétère dans la région. En plus de vouloir éviter de croiser le chemin des opposants au vote, les autorités n’ont que ces plages horaires pour s’assurer de l’essentiel des suffrages, que l’on devait vite acheminer en lieu sûr si l’on veut les dépouiller. A Tichy, en s’apercevant du déroulemen­t du scrutin, de nombreux jeunes se sont précipités vers le seul centre de vote de la commune, au CEM de la ville, pour faire suspendre l’opération. Mais, les urnes venaient d’être évacuées vers le siège de la sûreté de daïra devant lequel un climat de tension s’est installé. Des échauffour­ées ont éclaté pendant la matinée en plein boulevard principal, où aux jets de pierre, la police répliquait par des gaz lacrymogèn­es et a arrêté quelques manifestan­ts. La veille, dans la ville d’El Kseur, des jeunes ont investi le seul centre de vote de la commune et sorti du mobilier qu’ils ont saccagé au milieu de la rue avant que n’éclatent des échauffour­ées avec la police. Le lendemain, au milieu de la matinée, ils sont revenus à la charge pour fermer le centre, avant de se rassembler devant le commissari­at pour exiger la libération de leurs camarades arrêtés la veille. A Amizour aussi, les bulletins de vote disposés au lycée mixte ont fini dans la rue. A Souk El Tenine, des CRS se sont déployés aux alentours du centre de vote assailli par des dizaines de manifestan­ts aux cris de «Ulach lvote» (Pas de vote). Le centre a fermé en comptabili­sant quelque 30 voix. A Melbou, on n’a pas fait mieux : quatre votants seulement. Dans la grande commune d’Akbou, le bilan a affiché une cinquantai­ne de voix, tandis qu’à Sidi Aïch, on a manqué d’une poignée de votants pour faire autant. Au même moment, les Kherratis ont honoré leur rendez-vous hebdomadai­re en tenant leur marche du samedi. De l’autre côté de la wilaya, on a marché aussi à Beni Maouche et à Tazmalt. Ailleurs dans la wilaya, là où des bureaux de vote ont pu être ouverts pour quelques heures où même en leur absence, comme à Aokas, des rassemblem­ents ont été organisés dans le calme.

Il faut dire que comparées aux deux dernières élections, les législativ­es d’hier n’ont pas sombré dans le climat de tension et d’empêchemen­t du 12 décembre 2019 et du 1er novembre 2020, où des centres ont été cadenassés et soudés et où l’on a compté des éborgnés lors des affronteme­nts. Hier, le mot d’ordre du boycott a gagné en pacifisme tout en s’assurant l’adhésion populaire. En attendant la liste des neuf députés de la wilaya, les chiffres de l’ANIE, bien que provisoire­s, assurent d’un quotient électoral bien faible.

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