L’ex-policier «Haurus» devant la justice
Un scénario digne d’un film d’espionnage : un ancien agent de la sécurité intérieure, qui travaillait dans une unité antiterroriste, sera jugé la semaine prochaine en France pour avoir vendu sur le darknet des informations confidentielles issues de fichiers de police protégés. La justice a par ailleurs établi un lien entre cette affaire et les assassinats à Marseille de deux hommes, au sujet desquels le policier avait justement collecté des informations. Brigadier de police en poste à la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), l’homme de 35 ans opérait sous le pseudonyme de «Haurus». Il est accusé d’avoir monnayé en Bitcoins des données personnelles et confidentielles extraites de fichiers de police auxquels il avait accès: identités complètes, adresses, géolocalisations téléphoniques, etc. Selon l’accusation, il aurait effectué 382 recherches illégitimes et facturait ses services entre 100 et 300 euros. Il se voit également reprocher d’avoir fourni, à la demande, de faux documents d’identité, RIB, chèques, numéros de carte bleue, fabriqués de toutes pièces ou subtilisés. Lors d’une perquisition, tout un matériel de faussaire a été trouvé chez lui: des imprimantes, une plastifieuse, une plaque de découpe ou une lampe à UV. Arrêté en septembre 2018, il a reconnu la majorité des faits, commis entre 2017 et 2018. Après un an de détention provisoire, il a été placé sous contrôle judiciaire. Il ne peut plus, pour l’instant, exercer le métier de policier. L’enquête a établi que «Haurus» menait un train de vie «disproportionné» au regard de ses revenus de fonctionnaire. Interdit bancaire et endetté, il s’offrait des week-ends de luxe avec son compagnon, jugé à ses côtés notamment pour recel, complicité de fourniture de faux documents administratifs et complicité de détournement de la finalité de fichiers informatiques. Celui-ci, âgé de 26 ans, était étudiant et employé dans un magasin de vêtements. Il se présentera également devant le tribunal sous contrôle judiciaire après avoir passé des mois en détention provisoire. Devant les enquêteurs, il a assuré avoir «été tenu à l’écart» des activités illicites de son concubin.
ASSASSINATS MARSEILLAIS
Quatre autres personnes comparaîtront à leurs côtés : deux faussaires du darknet et deux clients d’Haurus, un détective privé et un homme trempant dans le milieu du grand banditisme marseillais, déjà incarcéré dans une autre affaire. Plusieurs «commandes» de ce dernier sont particulièrement étudiées par la justice, deux hommes ayant été assassinés à Marseille (sud), respectivement six jours et trois mois après la fin des recherches d’Haurus à leur sujet. Selon l’ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, consultée par l’AFP, le fonctionnaire a indiqué avoir appris dans la presse la mort d’un de ces hommes. Il a estimé peu probable que ses informations aient pu conduire à sa mort mais s’est dit «désolé» si c’était bien le cas. «Par contre s’il disparaît, ça sera pas nous car il a plein d’ennemis, le mec», avait indiqué le client à Haurus lors d’un échange sur une messagerie. «Il a bavé ?», s’était enquis l’agent de la DGSI. Réponse: «Je me mêle pas, je veux même pas savoir» (sic). Haurus a, à ce titre, également été mis en examen à Marseille en octobre dernier pour corruption passive et association de malfaiteurs en vue de commettre des crimes en bande organisée. Se sont portés parties civiles l’agent judiciaire de l’Etat ainsi que l’islamologue suisse Tariq Ramadan et une des femmes qui l’accusent de viol, Haurus ayant aussi effectué des recherches sur des personnalités publiques. «Qui a commandité cette recherche et dans quel but ?», s’interroge Me Pascal Garbarini, l’avocat de Tariq Ramadan, qui dénonce «des demandes très intrusives qui auraient pu mettre en péril (la) sécurité» de l’islamologue. Contactés par l’AFP, les avocats des prévenus ont refusé de s’exprimer en amont de l’audience. Le procès se tiendra de mardi à vendredi. Le délibéré devrait être connu à la rentrée.