La piqûre de rappel
Le résultat de la participation électorale (3,7%) au scrutin des législatives de ce samedi au premier pointage de 10h a, sans doute, fait l’effet d’une douche froide dans les milieux officiels et auprès des formations politiques, candidats et autres acteurs impliqués dans ce scrutin. Celui de 14h, qui n’avait pas sensiblement évolué, gagnant une dizaine de points seulement en 6 heures, avec 14,7% de votants à une heure censée traditionnellement enregistrer un début d’affluence, après le rituel du marché du week-end, a confirmé une tendance lourde, qui se dessinait et qui allait être sentencieusement validée à la clôture du scrutin en plafonnant à 30,20% avec la prolongation d’une heure de l’horaire des opérations de vote intervenue à 20h. Le moins que l’on puisse dire est que la moisson, en termes de participation électorale, aura été peu fructueuse. Il sera difficile aux autorités de nier ou de feindre de ne pas saisir la portée politique profonde du désert électoral ayant marqué le scrutin de ce samedi. Durant toute la campagne électorale, les responsables à différents niveaux, relayés par les chefs des formations politiques et les candidats en lice à ce scrutin, ont tenté de convaincre que les urnes vont parler haut et fort ce 12 juin et conforter la feuille de route politique et institutionnelle mise en place depuis l’élection présidentielle du 12 décembre 2019. Le président Abdelmadjid Tebboune avait quelque peu anticipé la question de la participation électorale, sur laquelle l’attendaient ses contradicteurs, en déclarant devant la presse à sa sortie de l’isoloir que le taux de participation ne l’intéressait pas plus que la «légitimité des représentants élus» qui sortiront des urnes. Le scénario des deux précédents scrutins – présidentiel et révision constitutionnelle – qui avait laissé un goût amer auprès des décideurs, au plan de la participation électorale, a été reconduit, telle une piqûre de rappel, à l’occasion du vote pour les législatives de ce samedi. Ce taux figé, comme l’est le pays, reflète les positions irréconciliables du pouvoir et d’une large frange de la société qui a boudé les urnes. Il serait vain de chercher à déterminer le niveau de proximité des partisans du boycott avec le hirak, tant le désaveu est cinglant et massif. En revanche, la question est de savoir si ce message fort sera entendu cette fois-ci par le pouvoir ? Et s’il n’est pas trop tard et vain de chercher à construire sur un champ de ruines ? Rassembler les Algériens autour d’un projet de société consensuel après deux années de larmes et de meurtrissures, de profonds ressentiments d’une société violentée, de rêves contrariés ? Au-delà des déclarations officielles se voulant décomplexées par rapport à la question lancinante du taux de participation, qui est un instrument de mesure reconnu pour jauger la santé démocratique d’un pays, il est un fait incontestable que les résultats du dernier scrutin auront fatalement comme conséquence d’affaiblir davantage le pouvoir et de réduire sa capacité à négocier une issue à l’impasse politique dans laquelle se trouve le pays. Au plan extérieur, des repositionnements ne sont pas à exclure de la part des partenaires de l’Algérie ayant manifesté une certaine bienveillance, voire parfois de la duplicité avec le pouvoir en soutenant le processus politique engagé.