Eloge de l’ouverture
Chems-Eddine Hafiz a publié une tribune dans Le Monde. Pour le recteur de la Grande Mosquée de Paris, organisme dépendant de l’Algérie, «le combat contre le racisme et pour l’égalité est universel ».
Répondant aux interlocuteurs qui ont critiqué l’accord de partenariat avec la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra), le recteur de la Grande Mosquée de Paris, Chems-Eddine Hafiz, répond : «J’attache beaucoup d’importance au partenariat que nous venons de signer avec la Licra…». «Cette signature est d’abord la reconnaissance du travail fait par la Licra, qui dispose d’un réseau aussi compétent qu’efficace, et qui est un interlocuteur de toujours du monde musulman.» M. Hafiz avance l’idée que «les meilleurs moments sont ceux consacrés à la coopération avec les autres cultes, catholique, protestant et juif. Sur bien des points, nous sommes en phase, sur d’autres, nous divergeons. Mais quelle chance de pouvoir en parler de manière constructive, avec – toujours partagée – la volonté de respecter la place de la spiritualité». Le recteur propose de remonter aux sources de la Licra, nommée au début (en 1926) «Lica». «Créée pour lutter contre l’antisémitisme, la Lica avait entrepris un travail construit avec la communauté musulmane en terre algérienne, dans la solidarité et la défense des droits. Un travail de terrain, qui reposait déjà sur le même principe : le même droit pour tous. De nombreux musulmans étaient membres de la Lica, et les grands leaders musulmans de l’époque étaient au ren-dez-vous. Ainsi existait, dès 1931, une coopération institutionnalisée entre la Lica et l’Association des oulémas, créée par Cheikh Abdelhamid Ibn Badis.» Ainsi, en déduit M. Hafiz, «le combat contre le racisme et pour l’égalité est universel, et les musulmans peuvent faire défendre leurs droits par des juifs, comme il est aussi naturel que des juifs fassent défendre leurs droits par des musulmans. Je serai aux côtés de tous ceux qui luttent dans cette direction». Refusant les barrières inutiles, le recteur persiste et signe : «Soyons nous-mêmes et ouvrons-nous aux autres, pour le bien et l’apaisement de tous. Je parle de l’ouverture aux autres et du rejet de toute forme de haine, cette éthique de la religion musulmane si souvent incomprise, même par certains de ceux qui s’en réclament». L’islam, fait remarquer le recteur de la Mosquée de Paris, n’est pas une nouveauté en France. Lors de l’inauguration de la Grande Mosquée de Paris, rappellet-il, en 1926, «les discours des hiérarques de la République se succédaient pour vanter ‘‘la France puissance musulmane’’. Chacun avait alors une mémoire vive et reconnaissante du sacrifice des 100 000 soldats musulmans tombés sur les champs de bataille de la Première Guerre mondiale, pour la sauvegarde de la nation. L’islam fait partie de l’histoire de la France, une histoire riche, douloureuse, marquée d’injustices, renvoyant souvent les musulmans à ses marges».
«BARRER LA ROUTE À CE QUI EST DE NATURE À FRACTURER LEUR SOCIÉTÉ»
Aujourd’hui installés en France, des millions de musulmans en sont partie intégrante, «membres à part entière de la communauté nationale, désormais indispensables pour dessiner son avenir et rejeter toutes les forces extrémistes et antirépublicaines qui s’attaquent à notre pacte social. Qui pourrait le nier ?» Les lois ne sont pas à leur désavantage et les règlements européens les protègent, assure le recteur qui n’oublie pas qu’il est avocat. Cela, relève le recteur Hafiz, impose un défi majeur : «La haine islamiste vise aussi des musulmans et ces derniers, les croyants sincères qui refusent le dévoiement du message islamique, sauront toujours trouver les ressources nécessaires pour barrer la route à ce qui est de nature à fracturer leur société et à ternir l’image de leur religion. Il n’y a aucune fatalité.» Pour finir, Chems-Eddine Hafiz joue la positivité dans une société très agitée par notamment la haine ressentie par les personnes d’origine ou de vécu musulman :