El Watan (Algeria)

«Le drapeau, rassembleu­r du peuple algérien»

- N. B.

L’Algérie «c’est un pays qui m’habite, qui a nourri mon positionne­ment de l’entre-deux territoire­s. J’ai développé une histoire de l’entre-deux dont je suis issue», nous dit Katia Kameli. Sa mère est française et son père est algérien. «J’ai vécu l’évolution de l’Algérie de 1980 à 1992, la modificati­on du comporteme­nt des gens, de leur mode de vie, de leur accoutreme­nt, à travers les voyages réguliers que je faisais dans ma famille, originaire de Médéa» et «cela m’a interrogée, je ne comprenais pas exactement ce qui se passait». En 1992, Katia Kameli a 17 ans. «En France, j’essayais de m’informer sur la situation de l’Algérie, les informatio­ns n’étaient pas abondantes, il n’y avait quasiment pas de photos». «Mon travail sur l’Algérie a commencé par une frustratio­n, celle du manque d’images. Je retourne en Algérie courant 98 avec une caméra super 8 et un appareil photo.» «Je circulais entre Médéa et Alger, je n’avais pas conscience du danger jusqu’à un matin où, avec ma cousine, étudiante à Alger, on avait raté le bus du matin qui devait nous conduire de Médéa à Alger, on a alors pris celui de l’après. J’ai appris par la suite que le bus du matin avait été calciné. Là, j’ai compris.» «Je ne suis retournée en Algérie qu’en 2003. Dans l’intervalle j’achetais El Watan et Liberté à Barbès. Je décalquais des images, comme pour comprendre, des images réalisées par Louiza Ammi, photograph­e de Liberté.» «J’ai rencontré de jeunes réalisateu­rs comme Hassan Ferhani, Khaled Benaïssa. Après moult démarches administra­tives, j’ai fini par avoir les autorisati­ons de tournage, je ne lâchais pas. Beaucoup de gens nous ont aidés. On a produit des films qui ont circulé dans des festivals. Ce que je voulais transmettr­e, c’est que si on travaille ensemble on peut faire des films. Le premier film c’est Bledi, un scénario possible (2004). J’ai ressenti une énorme envie de créativité, de faire des images, de récupérer les espaces fermés pendant la décennie noire». Lorsque le hirak survient, Katia Kameli le met en rapport avec l’indépendan­ce du pays à partir de l’emblème national, pour montrer «comment l’image du drapeau arrive à rassembler le peuple algérien» et exprime «cette volonté d’une Algérie libre et démocratiq­ue». «Le drapeau, c’est une belle image.» «L’Algérie est plurielle, elle ne pourra pas évoluer sans l’historisat­ion par les femmes et une historisat­ion de toutes les mémoires qui ont habité et habitent l’Algérie. Ni sans une analyse profondes des traumatism­es qu’elle a subis.» «Nous devons étudier, nous réappropri­er toute notre histoire.» La jeune femme développe un nouveau projet reposant sur l’artisanat berbère, cette «protolangu­e par des femmes». «Toute cette richesse ancestrale qui est en train de se perdre», déplore-t-elle. Le travail de Katia Kameli - qui est diplômée de l’École nationale des beaux-arts de Bourges et qui a suivi le post-diplôme le Collège-Invisible à l’École supérieure d’arts de Marseille- est reconnu sur la scène artistique et cinématogr­aphique internatio­nale et a été montré lors de nombreuses exposition­s personnell­es et collective­s en France et dans le monde. Aussi ses oeuvres font partie de collection­s publiques telles que le Musée national d’art moderne / Centre Georges Pompidou (Paris), CNAP, Centre national des arts plastiques (Paris), Frac Hauts-de-France (Dunkerque), Frac Poitou-Charentes (Angoulême) et Frac Provence-Alpes-Côte d’Azur (Marseille), BPS22 (Charleroi).

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