Chronique d’une année scolaire chaotique
L’année scolaire aura été, en raison d’un contexte marqué par la pandémie de Covid-19 et des grèves répétitives des enseignants, «un cas d’école» en matière d’improvisation et de cafouillage. Plus que jamais, les enseignants, les élèves et leurs parents redoutent une baisse du niveau scolaire en raison des perturbations liées, notamment, à une reprise scolaire tardive après une interruption de plus de huit mois ainsi que la baisse du volume horaire.
Pour Ali Bouzina, représentant de l’Organisation nationale des parents d’élèves (ONPE), il est essentiel de tirer les leçons de cette «année chaotique» afin de redresser la situation. «Ce fut, certes, une année exceptionnelle en raison de la crise sanitaire, mais elle fut surtout une année catastrophique pour l’éducation», nous dit-il. Pour lui, il est primordial que la préparation à l’année prochaine ne se fasse pas à la dernière minute. C’est, dit-il, ce qui pousse ensuite les responsables du secteur à recourir au replâtrage. Et de glisser : «Pour la rentrée prochaine, le ministère de tutelle aurait dû commencer les préparatifs dès le mois de mars.»
A en croire le représentant des parents d’élèves, trois facteurs ont influé négativement sur la scolarité, à savoir le retard dans l’annonce de la reprise scolaire, les grèves répétitives et l’organisation des compositions en plein mois de Ramadhan. «Sans même les plans exceptionnels liés à la crise sanitaire, il a toujours été difficile – depuis 2014 – de venir à bout du programme scolaire. Jusqu’à présent, aucune solution n’a été proposée pour régler ce problème qui tire ses racines de la surcharge des programmes et d’une mauvaise formation des enseignants. Le fait est, par ailleurs, que les écoles ne disposent pas de moyens pédagogiques (il n’y a parfois ni cartes géographiques ni microscopes), se contentant le plus souvent d’un enseignement théorique», dit Ali Bouzina. Et de trancher : «Le ministère de l’Education ne peut pas avancer sans regarder dans le rétroviseur. Il est essentiel de prendre en compte les erreurs passées pour rectifier le tir et redresser la situation. Rien n’est malheureusement fait dans ce sens, et nous assistons impuissants à l’effondrement du secteur de l’éducation.»
Du côté des syndicats de l’enseignement, on estime que les professeurs ont avancé cette année en terrain cahoteux. Selon Messaoud Boudiba, porte-parole du Conseil national autonome du personnel enseignant du secteur ternaire de l’éducation (Cnapeste) : «Tout le monde affirme que cette année scolaire a été exceptionnelle, mais nul ne reconnaît que l’enseignant a été celui qui en a porté le lourd fardeau, assumant la charge de travail, de pression et de labeur. C’est l’enseignant qui a assuré la réintégration des élèves, le rattrapage des insuffisances et l’adaptation aux plans exceptionnels. Il a fallu composer avec une surcharge de travail liée à l’augmentation du nombre de séances, sans oublier que des dizaines de professeurs ont été touchés par le coronavirus.» Citant l’allégement des programmes, il précise que les décisions prises n’étaient pas profitables aux élèves. «L’allégement des programmes a mis les enseignants dans une situation embarrassante, surtout lorsque des cours importants sont retirés, empêchant ainsi les élèves de bien intégrer les cours suivants», affirme Bouzina. Ce dernier plaide pour le retour à l’emploi du temps ordinaire. «Nous soutenons les plans exceptionnels, à condition que le département de tutelle procède à une ouverture des postes budgétaires qui permettra aux enseignants de les appliquer convenablement. Le secteur est, depuis longtemps déjà, en sous-effectif et la situation devient problématique lorsque les classes sont divisées en deux ou en trois», explique-t-il, en préconisant de mettre en place des groupes d’élèves ne dépassant pas les 25 éléments, afin d’atteindre l’objectif fixé par la loi d’orientation 04-08. «C’est, dit-il, l’occasion de mettre fin définitivement à la surcharge des classes, à travers l’ouverture de postes budgétaires et la réinsertion des vacataires.»