El Watan (Algeria)

Youcef Dris signe un ouvrage sur Ziryab

- Djamel Benachour

Installé à Oran depuis de nombreuses années, Youcef Dris vient juste de publier un ouvrage consacré à Zyriab, un musicien de l’âge d’or de l’Andalousie musulmane dont il subsiste aujourd’hui une bonne part de mythe. L’ouvrage en question vient juste de sortir chez Le Lys Bleu éditions à Paris. Il comporte une dizaine de chapitres retraçant le parcours de l’artiste. L’auteur, également poète et romancier, né en 1945 à Tizi Ouzou a, dans le passé, dans les années 1970, contribué dans les pages culturelle­s du quotidien El Moudjahid, mais a eu également, entre autres, à un moment de son parcours, dirigé l’hebdomadai­re Côte Ouest à Oran. Mais pourquoi un tel livre sur la musique ? Il y a d’abord un désir d’évasion en ces temps marqués par les restrictio­ns dues à la pandémie, mais pas seulement. Pour lui, «la réponse est simple : tout petit, j’ai baigné dans l’univers musical, grâce à un papa mélomane (…) Il était aussi un excellent musicien, et les instrument­s à cordes vibraient sous ses doigts sans aucun effort, alors qu’il n’avait aucune formation dans ce domaine». Le père en question n’était cependant pas un profession­nel dans le monde musical, car le métier qu’il exerçait était celui d’horloger mais là aussi le rapport est vite établi. «Ce que mon père maîtrisait le mieux, c’est cette mécanique de précision qu’était l’horlogerie. Aucun mécanisme aussi compliqué soit-il n’avait de secret pour lui. Il a même mis cette minutie dans le travail, au service de la musique, puisqu’il consacrait une grande partie de son temps à réparer des phonograph­es. En effet, son arrière-boutique située à la rue de la Paix de Tizi-ouzou ne désempliss­ait pas de ces appareils mécaniques qui vous égaillaien­t la vie. Devant son échoppe d’horloger, les passants avaient plaisir à s’arrêter un instant pour écouter des chansons provenant des 33 et 78 tours qui tournaient sans arrêt sur les phonograph­es que mon père avait réparés. On pouvait alors se délecter des chansons de Slimane Aazem, cheikh El Hasnaoui, cheikh Nourredine, Berthe Silva, Piaf, Dario Moreno, Hadj M’rizek, Khlifa Belkacem, ou bien Rimitti, Beggar Hadda, Aïssa el Djarmouni et bien d’autres artistes encore de cette époque», nous explique-t-il, précisant au passage que «grâce à son ‘oreille absolue’, il était également souvent sollicité par les riches européens de Tizi Ouzou pour leur accorder leurs pianos». Le fait est que c’est au milieu de cette atmosphère et à cette période que, rapporte-t-il encore, El Hachemi Guerouabi, enfant, a sans doute été initié à la pratique musicale. Il venait d’Alger passer des vacances chez sa grande soeur, épouse de l’horloger. On l’aura deviné,Youcef Dris est le neveu de cet autre monument de la chanson algérienne. «Le jeune garçon, âgé alors de 10 ans, aimait à fréquenter cette ‘caverne d’Ali Baba’où il s’amusait à passer en boucle les disques sur les phonograph­es des clients. C’est aussi dans cette arrière-boutique qu’il avait appris à jouer ses premières notes de musique sur la mandoline de mon père qui n’était pas avare en conseils». Pour lui, cet ouvrage sur Ziryab sonne donc comme un écho à ces souvenirs d’enfance (les siens) particuliè­rement marquants. Sans le revendique­r lui-même, ce lien privilégié avec le grand chanteur du genre chaâbi lui confère une certaine légitimité pour lui consacrer une biographie et c’est chose faite en 2008 avec un ouvrage sorti chez Non lieu Editions. Hormis des recueils de poèmes (Grisailles en 1993, Gravelures en en 2009), Youcef Dris a également publié en 2005 Chez l’ENAG un recueil de faits divers intitulé Affaires criminelle­s. Mais c’est sans conteste le récit inspiré d’une histoire vraie (photos à l’appui) intitulé Les Amants de Padovani (référence à une plage de Bab El Oued à Alger), sorti en 2004 chez Dalimen qui représente son véritable premier coup d’essai. L’existence de ce livre d’un auteur méconnu a soulevé une grande controvers­e lorsque Yasmina Khadra, l’auteur algérien à succès, a publié en 2008 chez les éditions Julliard son roman intitulé Ce que le jour doit à la nuit. Même Beaucoup mieux élaboré, avec des dialogues et toutes les techniques narratives propres au genre, sans oublier le talent de Yasmina Khadra, il n’en demeure pas moins que les faits relatés, les situations, le statut des personnage­s sont effectivem­ent d’une similitude étonnante. Une similitude relevée, y compris à l’université dans un mémoire de master académique intitulé «L’intertextu­alité entre le récit biographiq­ue réel et fictionnel dans Les Amants de Padovani de Youcef Dris et Ce que le jour doit à la nuit de Yasmina Khadra». Ce travail a été présenté par une étudiante dans la spécialité : littératur­e et analyse du discours de la faculté des lettres et des langues de l’université de Ouargla. En lisant le livre de Youcef Dris à sa sortie, beaucoup ont vu une belle histoire pouvant être portée à l’écran. Néanmoins quand Ce que le jour doit à la nuit est sorti 4 ans plus tard, Yasmina Khadra était déjà et bien auparavant notoiremen­t connu à l’internatio­nal. Aussi quand le film éponyme signé Alexandre Arcady est sorti, les similitude­s étant ce qu’elles sont, on peut dire qu’aucun projet cinématogr­aphique de type Amants de Padovani n’est aujourd’hui concevable. Déjà interrogé sur la question, Youcef Dris n’a de toutes les façons jamais voulu polémiquer mais il a par contre déclaré que c’était là une preuve et qu’il était content d’avoir raconté une belle histoire.

 ??  ?? Youcef Dris publie son nouvel opus
Youcef Dris publie son nouvel opus
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Algeria