L’Union européenne appelle à un accord avec le Fonds monétaire international
● La communauté internationale réclame depuis l’explosion tragique au port de Beyrouth en août, imputée à la négligence des autorités, un gouvernement de «mission» pour mener des réformes et ainsi débloquer l’aide nécessaire pour le pays.
Le chef de la diplomatie de l’Union européenne (UE), Josep Borrell, a affirmé hier à Beyrouth que la seule solution pour le Liban, embourbé dans une crise économique, est de signer un accord avec le Fonds monétaire international (FMI), selon des propos recueillis par l’AFP. Comme il a fait allusion à de possibles sanctions européennes contre des dirigeants libanais responsables de l’impasse politique à laquelle fait face le pays du Cèdre. «Seul un accord urgent avec le Fonds monétaire international sauvera le pays de l’effondrement financier (...) et il n’y a pas de temps à perdre», a-t-il déclaré à l’issue d’une rencontre avec le président libanais, Michel Aoun. L’UE est prête à soutenir le Liban «dès que le programme du FMI sera mis en place», a-t-il ajouté. Et de soutenir : «Nous avons les ressources et la volonté d’aider davantage, mais pour aider davantage, nous avons besoin d’un processus de réformes.»
A l’adresse des dirigeants du pays, il a indiqué : «La crise à laquelle le Liban est confronté est une crise locale (...) pas une crise venant de l’étranger (...), faite par vous-mêmes, et ses répercussions sur la population sont très graves.» En conséquence, «un gouvernement doit être formé et des réformes mises en oeuvre immédiatement», faute de quoi l’UE pourrait avoir recours à «des sanctions ciblées», a prévenu le diplomate européen. La communauté internationale ne cesse de réclamer depuis l’explosion tragique au port de Beyrouth en août, imputée à la négligence des autorités, un gouvernement de «mission» pour mener des réformes et ainsi débloquer l’aide nécessaire pour le pays, en défaut de paiement sur une dette colossale depuis mars 2020. Mais plus de dix mois après la démission du gouvernement de Hassan Diab, les dirigeants demeurent impassibles en la circonstance. Une vingtaine d’Etats ont convenu d’une aide d’urgence jeudi à l’armée libanaise, lors de la conférence virtuelle des pays membres du Groupe de soutien international au Liban, organisée par Paris et soutenue par les Nations unies. L’armée libanaise a affirmé mercredi être dans l’incapacité de payer suffisamment ses soldats frappés par la dépréciation de la monnaie. L’effondrement économique du Liban s’accompagne d’une dépréciation de la monnaie, qui a perdu 90% de sa valeur face au dollar. Le chômage continue à sévir et la paupérisation prend une dimension inquiétante : 55% de la population vivent aujourd’hui sous le seuil de pauvreté, selon les Nations unies. Ces dernières semaines, le pays est confronté à de graves pénuries de carburant. La récession, selon la Banque mondiale, est largement imputée à la corruption et à l’incompétence de l’élite politique, dominée depuis des décennies par les mêmes familles et les mêmes personnalités. La dépréciation a fait fondre les salaires en livres libanaises des soldats, mais aussi le budget de l’institution alloué à l’entretien et aux équipements. Un simple soldat gagne environ 1,2 million de livres libanaises, soit aux alentours de 800 dollars au taux de change officiel, mais de fait près de 80 dollars seulement au taux du marché noir. Depuis l’explosion tragique au port de Beyrouth en août 2020, qui a causé la mort de plus de 200 personnes et dévasté des quartiers entiers, l’armée compte davantage sur les dons étrangers.
En 2018, le pays s’est engagé à faire des réformes en contrepartie de promesses de prêts et de dons d’un montant total de 11,6 milliards de dollars. En mai 2020, il a entamé des négociations avec le FMI pour obtenir une aide cruciale dans le cadre d’un plan de sauvetage élaboré par le gouvernement. En octobre 2019, s’est déclenché un mouvement de contestation populaire contre la classe dirigeante, quasi inchangée depuis des décennies et accusée de corruption. Le pays est classé 138e sur 180 dans l’indice de perception de la corruption de l’organisation non gouvernementale Transparency International.
IMPASSE
Le Premier ministre, Hassan Diab, a démissionné dans la foulée de l’explosion au port de Beyrouth, mais son successeur désigné, Saad Hariri, nommé en octobre, n’a toujours pas réussi à former un nouveau gouvernement en raison de désaccords avec le président Michel Aoun. Le 17 mars, dans une allocution télévisée, ce dernier a lancé un ultimatum au Premier ministre désigné en l’appelant à former un gouvernement sans délai ou à se retirer. Le 22 mars, à l’issue de leur rencontre, les deux hommes se sont accusés mutuellement de la responsabilité de cet échec. Saad Hariri a reproché à Michel Aoun d’entraver la formation du gouvernement en insistant sur une «minorité de blocage» au sein de l’équipe ministérielle, comme il veut imposer une répartition «confessionnelle et partisane» des portefeuilles. «(…) Ce n’est pas au président de la République de former un gouvernement», a-t-il observé. Le qualifiant d’«unique et dernière chance pour le pays», il a réitéré son attachement à un gouvernement de technocrates, «chargé de lancer des réformes, de stopper l’effondrement» et de débloquer une aide étrangère. Il a affirmé avoir soumis au Président une «ébauche» de gouvernement «depuis 100 jours», avant de la dévoiler à la presse, les noms de ministres à l’appui. La présidence de la République a aussitôt démenti, dans un communiqué, toute velléité de «minorité de blocage» et exprimé son «étonnement» quant aux «propos» de Hariri. Conformément aux Accords de Taëf d’octobre 1989, qui ont mis fin à la guerre civile (19751990), la structure du gouvernement du pays est tripartite : elle est partagée entre un président de la République chrétien, un président du Conseil sunnite ainsi qu’un président de la Chambre des députés de confession chiite.