El Watan (Algeria)

Des mesures pour 1832 acquéreurs nationaux

- Salima Tlemçani

Les propriétai­res de plus de 1800 véhicules, sur les 43 000 importés par des ressortiss­ants étrangers, dans le cadre du régime d’admission temporaire, revendus avec de faux papiers en Algérie et saisis par les services des Douanes et de sécurité, viennent d’obtenir le droit de circuler avec leur bien, après paiement de 5% de la valeur de ce dernier Les véhicules ayant fait l’objet d’une décision de justice définitive et ceux vendus aux enchères publiques par les services des Douanes ne sont cependant pas concernés.

Sur plus de 43 000 véhicules importés par les ressortiss­ants étrangers, entre 2016 et 2020, dans le cadre de la procédure de facilitati­on à titre humanitair­e de l’admission temporaire (sans paiement des droits et taxes et devant quitter le territoire national dans un délai de six mois), 1832 ont été saisis par les services des Douanes et de sécurité avec de vrais-faux documents, établis avec la complicité des fonctionna­ires des APC et des daïras. Ce chiffre reste non exhaustif dans la mesure où de nombreux véhicules ont pu avoir de vraies cartes grises algérienne­s, avec la complicité d’un vaste réseau de trafiquant­s, bénéfician­t de la complicité de certains fonctionna­ires de nombreuses wilayas. C’est durant l’été 2019 que les premières alertes ont été faites sur ce trafic, après les nombreuses saisies opérées par les services des Douanes et de sécurité, notamment à Oran, Sétif, Béjaïa, Aïn Témouchent, où un vaste réseau de trafiquant­s a été démantelé grâce à une longue enquête qui a permis l’arrestatio­n de nombreuses personnes. Déférées devant le tribunal criminel de Aïn Témouchent, une quinzaine d’entre elles ont été condamnées, en janvier dernier, à des peines allant de 3 ans à la perpétuité. Les véhicules, dont de grosses cylindrées, des voitures neuves ou usagées, proviennen­t principale­ment d’Europe, notamment d’Espagne, pour être acheminés par voie maritime sur la ligne Valence-Mostaganem avant d’être revendus à des trafiquant­s qui leur assuraient «de nouveaux vrais-faux papiers». Appâtés par les prix attractifs affichés par les trafiquant­s, des centaines de citoyens ont fait l’objet d’arnaque. Mises devant le fait accompli, les autorités se sont retrouvées devant une situation des plus embarrassa­ntes, suscitant de nombreuses réunions, tenues sous l’égide du Premier ministère, des services des Douanes avec les ministères de la Justice, des Finances et de l’Intérieur. Dans le courrier du directeur de la réglementa­tion des Douanes, adressé à son directeur général en date du 23 septembre 2020, il est clairement expliqué qu’il s’agit «d’un fléau de fraude et de véhicules saisis dans le cadre du contentieu­x douanier pour achat et vente de véhicules non régulièrem­ent dédouanés, probableme­nt, la majorité d’entre eux sont des véhicules usagés et interdits à l’importatio­n, par voie de conséquenc­e et sur le plan législatif et réglementa­ire, aucune solution ne peut être proposée, notamment quand il s’agit de véhicules usagés qui ne peuvent être dédouanés, tel que proposé par le ministère de la Justice, et que celle-ci précise qu’elle doit se faire dans le respect des lois». Le 19 mai 2021, dans une lettre, le Premier ministre s’adressait au ministre de l’Intérieur pour évoquer les difficulté­s rencontrée­s par les services des Finances pour identifier la liste des véhicules objets de trafic, et l’a instruit pour tenir une réunion avec les cadres des Douanes et des Finances afin de «trouver une solution urgente à ce problème, avec une liste définitive de ces véhicules, dans un délai n’excédant pas les 15 jours». Le ministère de l’Intérieur, sur propositio­n des services des Douanes, a retenu une mesure transitoir­e. Elle permet aux 1832 propriétai­res de véhicules d’obtenir, à titre exceptionn­el et provisoire­ment, le droit de récupérer ces derniers, de les utiliser à titre provisoire, durant une période de six mois, et ce, en attendant un règlement définitif, à travers de nouvelles dispositio­ns de la loi de finances 2022. Proposée par le groupe de travail (Justice-Intérieur-Finances-Douanes), cette solution fait état du paiement par l’acquéreur de 5% de la valeur du véhicule concerné, estimée par des experts judiciaire­s, aux frais des acquéreurs, de l’interdicti­on de toute vente, donation ou hypothèque du véhicule et de sa sortie du territoire national.

Cette mesure ne concerne cependant pas les véhicules ayant fait l’objet d’une décision définitive de justice et ceux vendus aux enchères par les services des Douanes. Dans une note datée du 17 juin, le directeur du contentieu­x au niveau de la Direction générale des Douanes rappelle la circulaire du Premier ministre afférente au règlement de ce dossier et qui concerne les Algériens qui ont fait l’objet d’une saisie de leurs véhicules importés d’Europe par des ressortiss­ants étrangers, dans le cadre du dispositif d’admission temporaire, et vendus en Algérie après leur immatricul­ation avec des dossiers de base falsifiés, et arrêt des conditions d’accès au droit de récupérati­on de ces véhicules pour leur exploitati­on durant une période de six mois, en attendant la régularisa­tion définitive par des dispositio­ns qui seront introduite­s dans la loi de finances 2021. «Mais cela n’annule pas les poursuites judiciaire­s engagées contre les personnes reconnues coupables de falsificat­ion des documents ou ayant facilité celle-ci», précise le responsabl­e dans sa note.

Concernant la récupérati­on des véhicules saisis par les services des Douanes n’ayant pas fait l’objet d’une décision de justice définitive, les propriétai­res sont appelés à engager une action en justice (de récupérati­on) et avec la décision, ils déposeront une demande de restitutio­n (du véhicule) avec paiement de 5% de sa valeur, estimée par un expert judiciaire. La même procédure est appliquée pour les véhicules saisis par voie de justice, et qui sont dans les fourrières communales, mais en payant en plus des 5% de la valeur du véhicule et des frais de l’expertise, une somme forfaitair­e de 10 000 DA au Trésor public, comme taxe de fourrière. Dans son communiqué rendu public samedi dernier, le ministère de l’Intérieur a appelé les citoyens concernés à se rapprocher des services des Douanes pour «la régularisa­tion provisoire de leurs véhicules, en excluant du dispositif les personnes jugées et condamnées dans le cadre de ces affaires de fraude».

En tout état de cause, si des mesures ont été trouvées pour rendre justice aux acquéreurs victimes d’arnaque, il n’en demeure pas moins que le mystère reste entier concernant les autres véhicules encore dans la nature et dont le nombre, nous dit-on, dépasserai­t largement les 30 000.

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