El Watan (Algeria)

LE GÉNÉRAL TARTAG CHARGE SAÏD BOUTEFLIKA

- Salima Tlemçani

Instruite depuis plus de cinq mois, l’affaire de l’ancien coordinate­ur des services de renseignem­ent, le général-major à la retraite Bachir Tartag, tire à sa fin et pourrait aller vers un renvoi devant le tribunal militaire de Blida pour y être jugée.

En détention à la prison militaire de Blida, pour sa gestion de l’affaire Mme Maya, la prétendue fille secrète du Président déchu, et celle des enfants de Djamel Ould Abbès, ex-secrétaire général du FLN, et une ex-députée de ce parti, l’ancien coordinate­ur des services de renseignem­ent, le général-major à la retraite Bachir Tartag, s’est défendu en renvoyant la balle à Saïd Bouteflika, lequel dit n’avoir que «répercuté les instructio­ns» de son frère, alors Président Cette enquête concerne aussi quatre officiers de la Sécurité

intérieure, placés en détention, qui affirment avoir «exécuté les ordres» de leur chef.

Instruite depuis plus de cinq mois, l’affaire de l’ancien coordinate­ur des services de renseignem­ent, le général-major à la retraite Bachir Tartag, tire à sa fin et pourrait aller vers un renvoi devant le tribunal militaire de Blida, pour y être jugée. Le magistrat instructeu­r a achevé l’audition du principal mis en cause et celle des quatre autres accusés, un général ex-directeur de la sécurité de l’armée, deux colonels qui se sont succédé à la tête de l’antenne de la sécurité intérieure pour la capitale et du commandant qui dirigeait le service de la police judiciaire au niveau de la même structure.

Tous sont placés en détention pour «abus de fonction» et «non-respect des consignes militaires» pour avoir violé la procédure dans deux affaires de justice liées à la corruption, et qui ont été étouffées. Il s’agit en fait des conditions dans lesquelles les fonds et les bijoux de la prétendue fille secrète du Président déchu, Mme Maya, de son vrai nom Zoulikha Nachinache, ont été saisis lors d’une perquisiti­on effectuée en 2017, par les officiers de la Sécurité intérieure, dans sa villa de Moretti.

Le deuxième dossier est lié à El Wafi Ould Abbès, le fils de l’exsecrétai­re général du FLN, qui avait été arrêté en situation de flagrant délit, sur dénonciati­on du député Baha Eddine Tliba, pour avoir «monnayé» les places sur la liste des candidatur­es à la députation, alors que le troisième dossier concerne l’arrestatio­n d’une députée FLN de Boumerdès, avec une importante somme d’argent qui devait servir à l’obtention d’une bonne position sur la liste des candidats à la députation de 2017.

Pour la justice militaire, les cinq accusés «n’ont pas respecté la procédure» en matière d’enquête, puisque les trois affaires ont été gardées sous le coude. Il est également question de conservati­on des fonds saisis.

Lors de son audition, le général Tartag est revenu sur l’affaire de Mme Maya, gardée sous le coude après l’arrestatio­n de celle-ci et ses deux filles, en disant que c’est Saïd Bouteflika, frère du Président et son conseiller, qui servait d’intermédia­ire pour toute décision, précisant qu’«après avoir demandé une enquête, il m’a instruit de gérer le dossier de manière discrète, parce qu’il s’agit d’une affaire qui concerne le Président. Lors des perquisiti­ons, des sommes importante­s en dinar et en devise ont été saisies. Elles ne devaient pas rester à la caserne. Elles ont été déposées à la Banque d’Algérie et les documents afférents à ces dépôts existent». Le général-major nie avoir donné un quelconque ordre pour bloquer l’enquête judiciaire, en disant : «Tout le monde était au courant de cette affaire, y compris

le ministre de la Justice Tayeb Louh.» En ce qui concerne l’affaire des deux enfants de Djamel Ould Abbès, arrêtés en situation de flagrant délit, et l’importante somme d’argent trouvée à leurs domiciles à la résidence d’Etat de Club des Pins, à l’ouest de la capitale, puis relâchés, le général-major affirme avoir exécuté «les instructio­ns du président Bouteflika, qui était le président d’honneur du FLN, et qui m’ont été transmises par son frère et conseiller Saïd. Djamel Ould Abbès, dont les deux fils ont fait l’objet d’arrestatio­n, était le secrétaire général du FLN. Je n’ai fait qu’exécuter les ordres». Entendu comme témoin alors qu’il se trouvait à la prison militaire de Blida avant qu’il ne soit acquitté des accusation­s de complot, il y a plus de cinq mois, Saïd Bouteflika n’a pas été très prolixe. Il s’est contenté de dire : «J’ai répercuté les instructio­ns du Président. Les ordres venaient de lui pas de moi.» Pour leur part, les quatre officiers poursuivis par le tribunal militaire dans le cadre de cette même affaire ont tous nié les accusation­s portées contre eux, et affirmé avoir agi «sous les ordres» de leur premier responsabl­e, le général-major Bachir Tartag. Ce que ce dernier a confirmé devant le juge.

En tout état de cause, le magistrat instructeu­r a achevé les auditions de fond à la fin du mois de mai dernier, et aucun acte de procédure n’a été engagé depuis. Certaines sources au fait du dossier s’attendent à un renvoi de l’affaire devant le tribunal pour un procès, mais d’autres croient dur comme fer que «ce dernier n’aura pas lieu, parce que le dossier est vide».

Les affaires pour lesquelles Bachir Tartag a été placé sous mandat de

dépôt, avec quatre autres officiers des services de renseignem­ent militaire, avaient fait tache d’huile, non seulement pour la gravité des faits reprochés aux enfants de Djamel Ould Abbès, Mme Maya et la députée de Boumerdès, mais aussi pour la célérité avec laquelle elles ont été mises sous le coude et les mis en cause remis en liberté.

L’on se rappelle comment le témoignage du député Baha Eddine Tliba sur les circonstan­ces qui l’ont poussé à dénoncer le trafic des listes de candidatur­e à la députation auquel s’adonnait El Wafi Ould Abbès, à quelques mois des législativ­es de 2017, avant que son statut ne bascule de dénonciate­ur à celui de prévenu, condamné à une peine de prison, plus de deux ans après.

Il en est de même pour le cas de l’énigmatiqu­e Mme Maya, prétendue fille secrète du Président, recommandé­e par le chef de cabinet de ce dernier, qui monnayait ses services pour l’obtention de terrains et de marchés auprès des walis au profit d’hommes d’affaires et autres. Arrêtée avec ses deux filles et présentée devant le procureur près le tribunal de Chéraga, elle a vite retrouvé la liberté et continué à profiter des services de la Présidence, des ministres, des walis et des responsabl­es de nombreuses institutio­ns de l’Etat.

Lors de son instructio­n, le magistrat militaire n’a pas élucidé les circonstan­ces dans lesquelles le tribunal de Chéraga s’est désisté de ces deux affaires, alors qu’elles étaient pendantes à son niveau, ni expliqué le rôle qu’aurait pu jouer l’ancien ministre de la Justice, qui était membre du bureau politique du FLN et très proche du frère du Président et de Djamel Ould Abbès.

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Bachir Tartag, ancien coordinate­ur des services de renseignem­ent et généralmaj­or à la retraite

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