El Watan (Algeria)

Le futur Président ne veut pas «négocier pour le plaisir» sur le nucléaire

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Trois jours après son élection à la présidence en Iran, l’ultraconse­rvateur Ebrahim Raïssi a donné le ton hier en déclarant qu’il n’autorisera­it pas des «négociatio­ns pour le plaisir» sur le dossier nucléaire et en disant son refus d’une rencontre avec le président américain, Joe Biden.

M. Raïssi, qui passe pour être un proche du guide suprême Ali Khamenei, a en revanche affirmé, à l’occasion de sa première conférence de presse depuis sa victoire, qu’il n’y avait «pas d’obstacles» à la reprise des relations diplomatiq­ues – rompues depuis 2016 – entre le royaume sunnite d’Arabie Saoudite, rival régional de la République islamique, chiite.

Il a en outre affirmé avoir «toujours défendu les droits humains», alors que les Etats-Unis et plusieurs ONG occidental­es l’accusent d’être responsabl­e de tortures et d’exécutions sommaires, entre autres violations, au cours de sa longue carrière au sein de l’appareil judiciaire. Chef de l’autorité judiciaire, M. Raïssi, qui doit prendre ses fonctions en août, a obtenu près de 62% des voix lors d’un scrutin marqué par une abstention record pour une présidenti­elle. Il a pourtant salué, lors de sa conférence de presse, la «présence massive» et «significat­ive» de la population iranienne dans les bureaux de vote «en dépit de la guerre psychologi­que menée par les ennemis de l’Iran».

«NON»

Le Président a des prérogativ­es limitées en Iran, où l’essentiel du pouvoir est aux mains de l’ayatollah Khamenei, ultime décideur sur nombre de questions, comme celle du nucléaire. Alors que des discussion­s se tiennent à Vienne pour sauver l’accord internatio­nal sur le nucléaire iranien conclu dans la capitale autrichien­ne en 2015, M. Raïssi a affirmé que l’Iran ne permettrai­t «pas de négociatio­ns pour le plaisir de négocier». «Toutes négociatio­ns garantissa­nt les intérêts nationaux de l’Iran seront certaineme­nt soutenues», a-t-il ajouté, mais «toute rencontre doit produire des résultats (...) pour la nation iranienne», a-t-il affirmé.

Il répète ainsi la ligne fixée par M. Khamenei en avril selon laquelle ces négociatio­ns ne doivent pas «traîner en longueur», ce qui, selon le guide, ne manquerait pas d’être «nuisible» au pays.

L’accord de Vienne offre à l’Iran un allégement des sanctions occidental­es et onusiennes en échange de son engagement à ne jamais se doter de l’arme atomique, et d’une réduction drastique de son programme nucléaire, placé sous un strict contrôle de l’ONU. Mais l’accord a été torpillé en 2018 par la décision de l’ex-président américain, Donald Trump, de s’en retirer et de rétablir les sanctions américaine­s que l’accord avait permis de lever. Les négociatio­ns en cours à Vienne visent à un retour des Etats-Unis à l’accord. La solution passe a priori par un allégement des sanctions américaine­s en échange du retour de Téhéran à une applicatio­n stricte du pacte, l’Iran ayant abandonné en riposte aux sanctions la plupart des garde-fous à ses activités nucléaires controvers­ées qu’il avait acceptés dans l’accord. Le président sortant, le réformateu­r Hassan Rohani, avait opté pour une ouverture envers l’Occident en favorisant, entre autres, l’accord de 2015. Mais M. Raïssi a répondu sèchement «non» à la question d’un média américain lui demandant s’il avait l’intention de rencontrer M. Biden dans le cas où les discussion­s de Vienne permettrai­ent d’alléger les sanctions et afin de «régler» les problèmes entre les deux pays, ennemis depuis plus de 40 ans.

Un nouveau cycle de négociatio­ns s’est achevé dimanche sur une note positive à Vienne, et la conclusion d’un compromis pour relancer l’accord avant la prise de fonctions de M. Raïssi reste une possibilit­é. M. Rohani a promis à la population d’obtenir la levée des sanctions américaine­s avant de quitter ses fonctions.

RENOUER AVEC RIYAD ?

Au cours de sa conférence de presse, le Président élu s’est également exprimé sur les relations avec l’Arabie Saoudite.

Après une récente série de rencontres entre ces deux pays riverains du Golfe, dont les relations ont été en dents de scie ces dernières décennies, M. Raïssi a affirmé qu’il n’y avait «pas d’obstacles, du côté de l’Iran, à la réouvertur­e des ambassades». Sur le dossier des droits humains, il a renvoyé les Occidentau­x à leurs propres «violations» dans le domaine. Interrogé en 2018 et en 2020 sur des exécutions de milliers d’opposants en 1988, M. Raïssi a nié y avoir joué le moindre rôle, comme il en est accusé en Occident, mais a rendu «hommage» à l’«ordre» donné, selon lui, par l’ayatollah Khomeiny, fondateur de la République islamique d’Iran, de procéder à cette épuration. M. Raïssi hérite d’un pays en proie à une grave crise économique et sociale, conséquenc­e des sanctions américaine­s.

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