Dégradation dangereuse de la situation sanitaire en Tunisie
Le ministère tunisien de la Santé a annoncé samedi 19 juin une 4e vague de Covid, en ordonnant aux gouverneurs de décréter le confinement général là où les ratios de la pandémie dépassent 400 pour 100 000 habitants. Les gouvernorats de Siliana, Kairouan, Zaghouan et Béjà ont été confinés jusqu’à nouvel ordre. Les gouvernorats de Manouba et Sidi Bouzid pourraient suivre. Des scènes de détresse ont été observées devant les hôpitaux publics de Kairouan et Béjà qui n’arrivaient plus à satisfaire l’affluence des patients, malgré le soutien de l’armée.
Les autorités sanitaires tunisiennes ne font désormais plus que constater les ratios lugubres de la Covid sans pouvoir y répondre comme il se doit. Le nombre total de décès Covid a atteint 14 223 à la journée du 21 juin, soit 1247 par un million d’habitants, classant la Tunisie dans le top 10 des taux les plus élevés dans le monde. «Les différentes mesures prises n’ont pas donné les résultats escomptés, parce qu’elles ne sont pas respectées par la population», regrette le membre du comité scientifique national, Dr Jalila Ben Khelil. Un vieux citoyen, accompagnant sa fille malade à l’hôpital à la recherche d’oxygène, ne se dérobe pas à cette accusation. «Nous ne pouvons rester sans travailler. Les trois mois de confinement général de l’année dernière nous ont usés et le gouvernement ne nous a pas aidés», répliquet-il. La jeune fille malade est pourtant âgée d’une trentaine d’années. «Le variant anglais du virus, le plus répandu en Tunisie, s’attaque à toutes les catégories d’âge», constate Dr Yesmine du service Covid de l’hôpital de Ben Arous. Par ailleurs, il y a un constat général de manque de ressources humaines pour prendre en charge les patients Covid. «Nous sommes submergés», assure un médecin résident de Kairouan qui dit faire trois heures de sommeil par jour. Pourtant deux hôpitaux de campagne ont été installés par l’armée à Kairouan et Béjà pour renforcer l’infrastructure sanitaire de ces régions. En plus, le projet de la société civile «Covidar», aidant à la prise en charge des patients Covid gratuitement chez eux, essaie de contribuer à la lutte contre la pandémie. Mais, le Dr Chokri Jeribi, la cheville ouvrière du projet, déplore le manque de soutien financier et de ressources humaines à ce projet qui est parvenu à guérir 97,7% des patients pris en charge chez eux à Ben Arous, Monastir, Mahdia et d’autres régions. Le ministre de la Santé a déclaré, lui-aussi, avoir augmenté les capacités de prise en charge, qui sont passées en 15 jours, de 2310 (6 juin) à 2431 lits d’oxygène, le 21 juin, avec un taux d’occupation de 75%. Pour les lits de réa, ils sont passés de 416 à 457. Mais, il est clair que ces 457 lits de réanimation sont très en deçà de ce qu’il faut pour une population de 11 millions d’habitants, lourdement frappés par la pandémie.
VACCINATION
45,7% des 2 620 746 Tunisiens enregistrés, soit 1 198 403 ont été vaccinés, au moins une fois. 438 169 ont terminé leur tableau vaccinal, pour cette année au moins. Toutefois, l’objectif des 1,5 million de Tunisiens vaccinés à la fin de juin, promis par le ministre de la Santé, ne sera pas atteint, faute de ressources humaines dans la capacité de vaccination et de vaccins. Actuellement, le nombre moyen quotidien de vaccins attribués par jour dépasse les 31 000. Ils étaient 31 367, le 18 juin ; 33 954 le 19 et 31 304 le 20. A ce rythme, ce sera autour d’un million de vaccins par mois, donc 500 000 en double doses. «C’est trop peu», constate un pharmacien du secteur privé qui regrette l’absence d’un accord pour permettre aux ressources humaines du secteur privé (pharmacies et laboratoires) de rejoindre la campagne de vaccination. Le même pharmacien s’interroge sur la réaction l’automne prochain, voire après une année du vaccin, et s’il faudra se faire vacciner de nouveau. En réaction à l’évolution de la campagne de vaccination et à la poursuite de la propagation de la pandémie dans sa phase IV, le Dr Hechmi Louzir, directeur de l’Institut Pasteur et président de la commission nationale de vaccination, souligne que «les populations des zones les plus touchées en ce moment (Kairouan, Béjà, Zaghouan et Siliana) sont celles qui ont développé le moindre taux d’anticorps anti-Covid, pour n’avoir pas été suffisamment contaminés par le passé». Le Dr Louzir assure que «le salut ne saurait passer que par le vaccin».